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Concerto à la mémoire d'un ange

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Le dimanche du second tour, Henri Morel conquérait <strong>la</strong><br />

présidence avec cinquante-six pour cent des voix : un triomphe !<br />

Son quartier général exultait, <strong>la</strong> liesse soulevait son parti, le<br />

peuple se rua dans les rues pour chanter, danser, brandir des<br />

drapeaux. Lui-même fut contraint de descendre les Champs-<br />

Élysées dans sa voiture, et, par le toit ouvert, de <strong>la</strong>ncer des<br />

mercis <strong>à</strong> <strong>la</strong> foule qui l’acc<strong>la</strong>mait.<br />

Ensuite, appelé devant les caméras <strong>à</strong> commenter ce<br />

plébiscite, il s’efforça de garder un masque grave, ne vou<strong>la</strong>nt pas<br />

qu’on lui reprochât sa joie dans quelques jours, <strong>à</strong> l’enterrement<br />

de Catherine. À sa surprise, il se rendit compte d’ailleurs qu’il ne<br />

lui était pas difficile de garder ce maintien digne et introverti<br />

tant il était absorbé. Pendant <strong>la</strong> nuit, avec les militants, il fêta <strong>la</strong><br />

victoire.<br />

À l’aube, seul dans son appartement de l’Élysée, en face de sa<br />

g<strong>la</strong>ce où il se scrutait nu, sans sympathie ni comp<strong>la</strong>isance, il<br />

consacra quelques minutes <strong>à</strong> analyser les sentiments qui<br />

l’agitaient : il ne vou<strong>la</strong>it pas que Catherine meure, et ce<strong>la</strong> autant<br />

pour de bonnes que de mauvaises raisons. De bonnes car il<br />

éprouvait un chagrin profond, plus fort qu’il n’aurait cru, <strong>à</strong> voir<br />

sa femme détruite par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. De mauvaises car <strong>la</strong> mort de<br />

Catherine signifierait l’apparition de <strong>la</strong> vérité, les révé<strong>la</strong>tions<br />

concernant l’attentat de <strong>la</strong> rue Fourmilion et autres détails<br />

infamants, une explosion aux éc<strong>la</strong>boussures infinies et capable<br />

d’anéantir son avenir politique, pourtant si officiellement<br />

heureux.<br />

Lorsqu’en début d’après-midi il arriva <strong>à</strong> <strong>la</strong> Maison de Rita,<br />

Catherine venait d’entrer dans le coma. Selon l’infirmière rousse<br />

<strong>à</strong> son chevet, elle avait suivi <strong>la</strong> veille sur son poste les images de<br />

<strong>la</strong> réélection, elle avait pleuré ensuite, puis s’était endormie. Au<br />

matin, sa conscience avait sombré.<br />

Un médecin vint confirmer qu’elle ne se réveillerait pas ;<br />

l’issue fatale interviendrait sous quarante-huit heures.<br />

En pilotage automatique, Henri reçut ces atroces<br />

informations en approuvant de <strong>la</strong> tête. Il était si choqué qu’en<br />

fait, il ne ressentait rien.<br />

Quand il eut écouté jusqu’<strong>à</strong> <strong>la</strong> nausée <strong>la</strong> directrice répéter ce<br />

que chacun avait déj<strong>à</strong> dit de sa voix sèche, avec sa vide autorité<br />

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