Concerto à la mémoire d'un ange
Concerto à la mémoire d'un ange
Concerto à la mémoire d'un ange
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
— Tu sais que pour une telle remarque, un autre homme te<br />
giflerait ?<br />
Elle hocha <strong>la</strong> tête, dubitative.<br />
— Peut-être. Mais dirais-je ce<strong>la</strong> <strong>à</strong> un autre homme ?<br />
Il s’approcha d’elle, menaçant.<br />
— Pourquoi ne me quittes-tu pas ?<br />
— Ça te ferait trop p<strong>la</strong>isir.<br />
— Et <strong>à</strong> toi, ça ne te ferait pas p<strong>la</strong>isir ?<br />
— Ma vengeance consiste <strong>à</strong> rester avec toi.<br />
— Pourtant tu serais libre !<br />
— Toi aussi. Or tu serais capable, mon cher Henri, de mieux<br />
profiter de ta liberté que moi de <strong>la</strong> mienne. Je préfère donc me<br />
sevrer pour te priver. Dans le sacrifice, je serai toujours<br />
meilleure que toi.<br />
Elle était sincère. Par agressivité, elle lui demeurerait fidèle<br />
comme elle l’avait été depuis le début de son mandat<br />
présidentiel. Une sainte. Impossible <strong>à</strong> prendre en défaut.<br />
Jamais une femme n’avait mis tant d’application <strong>à</strong> ne pas trahir<br />
son mari : si autrefois c’était pour le respecter, c’était<br />
aujourd’hui pour l’humilier.<br />
Il ajouta :<br />
— Tu es perverse.<br />
— Probablement est-ce pour ce<strong>la</strong>, mon cher, que nous nous<br />
sommes plu jadis ?<br />
Ils pénétrèrent chez eux. Henri cadenassa <strong>la</strong> porte. Plus une<br />
parole ne fut prononcée jusqu’au matin.<br />
Le lendemain, le soleil bril<strong>la</strong>it sur les pelouses de l’Élysée<br />
comme une promesse miraculeuse.<br />
Au contraire de ses habitudes, Henri insista pour prendre le<br />
petit déjeuner avec sa femme, fit monter deux p<strong>la</strong>teaux, les<br />
instal<strong>la</strong> lui-même dans <strong>la</strong> salle <strong>à</strong> m<strong>ange</strong>r, et, oubliant les<br />
tensions de <strong>la</strong> veille, s’adressa <strong>à</strong> elle avec amabilité :<br />
— Catherine, dans un an et demi, il y aura une nouvelle<br />
échéance électorale. Je vais briguer un deuxième mandat.<br />
— Je m’en doutais.<br />
— Qu’en penses-tu ?<br />
— Ta réélection n’est pas assurée.<br />
— Je le sais, je me battrai.<br />
104