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Concerto à la mémoire d'un ange

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Revenue <strong>à</strong> l’Élysée, dans leur appartement mansardé, elle<br />

entretint quelque temps l’espoir de guérir, quoique les examens<br />

montrassent que le mal, ayant été diagnostiqué trop tard,<br />

progressait <strong>à</strong> une vitesse fulgurante.<br />

Une chimiothérapie l’épuisa. Elle perdit l’appétit. Ses<br />

cheveux se raréfièrent. Les spécialistes cessèrent de s’acharner<br />

contre les métastases envahissantes et décidèrent de suspendre<br />

tout traitement. Par cette interruption, Catherine reçut<br />

l’assurance qu’elle ne guérirait pas ; elle en ressentit un étr<strong>ange</strong><br />

apaisement.<br />

— Ainsi, c’était mon destin… Je devais finir comme ça… et<br />

maintenant…<br />

Dans l’appréhension de <strong>la</strong> mort, il y a trois peurs distinctes,<br />

l’inconnu de <strong>la</strong> date où l’on mourra, l’inconnu de <strong>la</strong> manière<br />

dont on mourra, et l’inconnu de <strong>la</strong> mort elle-même. Pour<br />

Catherine, deux éléments s’étaient précisés : elle s’éteindrait<br />

bientôt, et d’un cancer généralisé. L’angoisse qui pouvait l’agiter<br />

désormais ne concernait plus que l’état de mort ; or, puisqu’elle<br />

était croyante depuis son enfance, elle ne redoutait pas ce<br />

mystère ; certes, elle n’en savait rien – pas davantage qu’un<br />

autre – mais elle avait confiance.<br />

Henri insista pour qu’elle demeurât <strong>à</strong> l’Élysée, près de lui,<br />

accessible aux amis qui lui rendaient souvent visite.<br />

Tous étaient surpris – son mari aussi – par sa douceur<br />

consentante. Cette tranquillité venait de ce qu’elle avait<br />

intériorisé son cancer. Un jour, elle avait interrogé une jeune<br />

infirmière qui lui administrait une piqûre de morphine :<br />

— Si j’avais parlé plus tôt, si j’avais vite craché ce que j’avais<br />

sur le cœur, aurais-je évité le cancer ? Si je m’étais libérée en<br />

paroles, peut-être n’aurais-je pas développé ce mal en moi ?<br />

— Un cancer, c’est un accident, madame.<br />

— Non, c’est une conséquence. Le cancer est parfois <strong>la</strong> forme<br />

que prennent les secrets qui pèsent trop lourd.<br />

Évidemment, elle ne prétendait pas avoir raison, mais ce<br />

point de vue lui permettait d’accepter, de considérer que c’était<br />

<strong>à</strong> elle, bien <strong>à</strong> elle, rien qu’<strong>à</strong> elle, que ce<strong>la</strong> arrivait. Loin d’être un<br />

attentat surgi de l’extérieur, son cancer devenait une histoire<br />

générée par son corps, son âme, par elle.<br />

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