29.06.2013 Views

Concerto à la mémoire d'un ange

Concerto à la mémoire d'un ange

Concerto à la mémoire d'un ange

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

— Hallucinant ! Il est meilleur que mes enregistrements de<br />

référence.<br />

Comment ce garçon de vingt ans pouvait-il surpasser les<br />

Ferras, Grumiaux, Menuhin, Perlman et autres Stern ?<br />

Le concerto s’acheva, sublime, par l’évocation sur <strong>la</strong> pointe<br />

de l’archet d’un choral de Bach, lequel délivrait in extremis <strong>la</strong><br />

conviction que tout, même le tragique, est justifié, profession de<br />

foi surprenante chez un compositeur moderniste mais qu’Axel<br />

rendait aussi évidente que touchante.<br />

Le public app<strong>la</strong>udit <strong>à</strong> se briser les mains, ainsi que les<br />

membres de l’orchestre qui frappaient leurs pupitres. Gêné,<br />

pensant s’être effacé au service d’Alban Berg, l’Australien<br />

trouvait incongru qu’on l’acc<strong>la</strong>mât, lui, simple interprète. Il<br />

salua donc ma<strong>la</strong>droitement, mais dans cette ma<strong>la</strong>dresse, il y<br />

avait encore de <strong>la</strong> grâce.<br />

Obligé de se lever pour imiter ses voisins, lesquels, debout,<br />

ovationnaient Axel, Chris se mordit les lèvres en jetant un œil<br />

autour de lui : le violoniste avait réussi <strong>à</strong> enthousiasmer un<br />

public ignare – des baigneurs, des p<strong>la</strong>gistes, des indigènes –<br />

pour une œuvre dodécaphonique ! Au troisième rappel, cet<br />

exploit lui devint intolérable ; il se glissa entre les excités, quitta<br />

l’auditorium improvisé en plein air au milieu des palmiers et<br />

prit le chemin de sa tente.<br />

En route, il rencontra Paul Brown, le New-Yorkais qui<br />

organisait ces sessions internationales.<br />

— Eh bien, le petit Cortot a-t-il aimé le concert ?<br />

Paul Brown appe<strong>la</strong>it Chris « le petit Cortot » parce que Chris<br />

était pianiste et français ; or, traditionnellement, pour les<br />

universitaires américains, Cortot symbolisait le pianiste<br />

français.<br />

— Axel m’a révélé une œuvre dont je ne raffole pas !<br />

— On dirait que tu es dépité, que tu rends les armes sous <strong>la</strong><br />

contrainte. À croire que ça ne te ravit pas, ni d’apprécier Berg,<br />

ni d’admirer Axel.<br />

— Admirer n’est pas mon fort. Je préfère le challenge, <strong>la</strong><br />

compétition, <strong>la</strong> victoire.<br />

— Je sais. Vous êtes les contraires, Axel et toi. L’un qui<br />

sourit, l’autre qui transpire. Toi batailleur, lui zen. Tu conçois <strong>la</strong><br />

51

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!