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Le personnage vocal - Philip Tagg

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« La grammaire musicale n’est pas une grammaire propre à la musique, et indépendante de tout<br />

autre grammaire, elle est transposition, dans les sons musicaux, de la grammaire universelle,<br />

science de l’ordre qu’a fort bien décrite M. Foucault dans les Mots et les choses (1966). »<br />

(Imberty,1981:187).<br />

Voici deux autres exemples de cette capacité qu’a la musique de signifier à différents niveaux et qu’a<br />

l’auditeur de les rassembler dans une perception globale. Dans l’exemple musical 1 Womanizer, les<br />

mots : « what you are » qui accuse l’homme de traître (coureur de jupons) coïncide avec une descente<br />

chromatique sur le triton qui, est un symbole d’éloignement tonal ou de l’étranger (la dominante). <strong>Le</strong><br />

degré IV haussé est souvent (en musique tonale) une sensible secondaire mais ici elle est sans<br />

préparation, on pourrait dire crue. Ceci implique que l’autre n’est pas intégré, il reste étranger.<br />

Mais ce n’est pas une accusation directe, plutôt indirecte : « I know what you are ». C’est plutôt comme<br />

un détective qui affirme connaître l’identité du meurtrier et s’apprêtant à la dévoiler. <strong>Le</strong> second<br />

« what you are » sert à prolonger le suspense et est soutenu aussi par une descente chromatique<br />

continuant la chute du statut de l’homme désormais démasqué comme étant un ‘womanizer’. La basse<br />

elle aussi fait sa part en faisant une descente parallèle, mais elle ajoute un élément important. Cette<br />

basse, partant du fa# descend le tétracorde inférieur (en do# mineur) et lorsqu’elle arrive au ré#<br />

(deuxième degré de notre do# mineur) crée une attente si puissante que sa destination inéluctable<br />

nous communique l’impression du destin, ou le jour du jugement. Ensuite lorsque cette attente est<br />

délayée par un second « what you are », nous rendant encore plus près du but (deuxième degré<br />

abaissé) comme pour nous garder suspendu, la nature négative (sus-tonique) du jugement imminent<br />

devient palpable. La dernière mesure ajoute un autre élément, non pas tonal mais timbral tandis que<br />

la basse continue son ré bécarre, Spears nomme son interlocuteur « baby » avec une voix que nous<br />

appellerons grinçante (creaky). Cette voix (discutée ailleurs) peut facilement être perçue comme<br />

accompagnant la nausée, le dénigrement et le blasement. On perçoit donc que ce mot<br />

habituellement affectueux est sarcastique et dissimule une antipathie certaine envers ce « baby ».

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