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Le personnage vocal - Philip Tagg

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On sait depuis longtemps que le fœtus entends à partir de la 24 e semaine de gestation, mais tout<br />

récemment, une étude (Mampe et al.,2009) à démontré que les nouveau-nés français et allemands<br />

pleuraient avec une courbe d’intonation inverse que les chercheurs attribuent à la différence<br />

intonative des deux langues, pour lesquelles l’accent tonique est inversé. <strong>Le</strong> fœtus aurait donc déjà<br />

commencé à apprendre sa langue maternelle avant la naissance ! <strong>Le</strong> lien entre l’être humain et la voix<br />

est fondamental, ancré solidement à la genèse de la conscience et relié premièrement à la mère.<br />

Clairement, on apprend vite à imiter les autres et à être valorisé par nos psittacismes, et ensuite par<br />

nos gestes. Même les parents sont fortement investis dans ce jeu imitatif : ils sont anxieux de voir<br />

leur enfant imiter statistiquement les autres enfants pour se rassurer qu’ils sont une famille comme<br />

les autres, que leur enfant est ‘normal’. La quête d’identité est donc au départ un phénomène<br />

grégaire, une recherche d’appartenance à la communauté humaine pour s’unir avec le commun : la<br />

communion. L’identité se bâtie du commun au singulier, du groupe à l’individu, de la périphérie vers<br />

le centre de l’être : un phénomène centripète. Nous vivons la vie prénatale en union complête et la<br />

naissance est à la fois celle de notre séparation tragique, la mort de notre union primaire, la<br />

communion perdue ; le début de notre évolution centrifuge.<br />

D’après Rank (1924) et d’autres penseurs qui lui ont succédé tel que Stanislav Grof, c’est dans la<br />

naissance que se trouve le traumatisme primordial, la cause originelle qui est la mère de toutes les<br />

quêtes qui suivront et surtout cette tendance à la communion fondée sur la peur de la vie<br />

individuelle, isolée de sa source. La communion, l’enjeu du besoin fusionnel, est le retour à la source<br />

de l’identité cosmique. Cette dialectique existentielle sera reprise en sexoanalyse avec une<br />

terminologie nouvelle qui parle d’un besoin fusionnel lié à l’angoisse d’abandon et un besoin<br />

d’individuation lié à une angoisse de réengloutissement. Rappelons le :<br />

« Non seulement il [le moi] est le soutien des valeurs supérieures, même fondées sur des<br />

identifications avec autrui; il est encore le représentant temporel de la force cosmique primitive,<br />

quel que soit le nom qu'on lui donne, sexualité, libido ou ça. Sa vigueur est d'autant plus grande<br />

qu'il la représente plus largement : c'est la vigueur de cette force primitive représentée dans l'individu que<br />

nous appelons volonté. ». (Rank,1934 [1929] :9)<br />

Nous retrouvons la manifestation de ce besoin fusionnel dans la recherche de l’union, donc<br />

l’appartenance, l’attirance, l’amitié, l’amour, etc. « En aucun cas, l'Éros ne trahit mieux l'essence de<br />

sa nature, son dessein de faire un seul être de plusieurs » (Freud,1934[1929]:35). Cette tendance à<br />

s’unir au groupe, de retrouver l’unité dans le collectif est ce que Rank nomme judicieusement ‘la<br />

peur de la vie’ (individuelle), étant donné le traumatisme de la naissance, de la séparation de notre<br />

source de vie au nom de la vie plus isolée, celle du moi. Il faut résister au manichéisme lorsque nous<br />

parlons des pulsions de vie et de mort, car « les deux espèces d'instincts entr[ent] rarement - peut-<br />

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