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Le personnage vocal - Philip Tagg

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L’opéra : Carolyn Abbate<br />

Dans son ouvrage Unsung Voices, Carolyn Abbate critique les assertions de Cone comme provenant<br />

de ce qu’elle qualifie d’une « hegemonic authorial image of “the composer” ». D’après elle, la<br />

conception Conienne limite l’apport de la voix de l’interprète dans l’équation musicale.<br />

Voici comment elle décrit un aspect des paramètres paramusicologiques 5 :<br />

« But there is also a radical autonomization of the human voice that occurs, in varying degrees,<br />

in all <strong>vocal</strong> music. The sound of the singing voice becomes, as it were, a “voice-object” and the<br />

sole center for the listener’s attention. That attention is thus drawn away from words, plot,<br />

character, and even from music as it resides in the opera, or music as formal gestures, as<br />

abstract shape; Lakmé’s performance plays out precisely this radical autonomization. » (Abbate,<br />

1991: 10).<br />

Cette ‘autonomisation’ de la voix nous préoccupe énormément dans le présent travail d’analyse car<br />

c’est l’aspect le plus ignoré du chant en général tout en étant le plus révélateur lorsque compris.<br />

C’est la racine du <strong>personnage</strong> <strong>vocal</strong>, la substance <strong>vocal</strong>e 6. Il est vrai que les trois catégories<br />

Coniennes associées au <strong>personnage</strong> <strong>vocal</strong> n’incluent pas l’aspect sonore, dans le sens de l’épochè<br />

d’Husserl. Mais Abbate s’intéresse surtout à cette idée de ce que le <strong>personnage</strong> entende ou pas :<br />

« In opera, the characters pacing the stage often suffer from deafness; they do not hear the<br />

music that is the ambient fluid of their music-drowned world ». (Ibid., p.119)<br />

Nous reconnaissons ici encore cette illusion de croire que le <strong>personnage</strong> est conscient de quoi que<br />

ce soit, il n’est pas un être conscient mais une entité virtuelle, anthropomorphique certes mais<br />

strictement selon son rôle dans l’action. Ce dont elle est consciente n’est qu’une abstraction, une<br />

nécessité de l’intrigue. Si, comme dans les cas exposés par Abbate, le <strong>personnage</strong> peut se référer à la<br />

musique, ou au chant, il faut en conclure que c’est un commentaire sur la forme de l’art qui donne<br />

l’impression qu’elle est faite à partir de notre niveau de conscience, celui de l’auditeur. C’est un peu<br />

comme lorsque le <strong>personnage</strong> dans un livre parle du livre (exemples littéraire : <strong>Le</strong>stat le vampire<br />

d’Anne Rice ; exemple cinématographique : <strong>Le</strong>s aventures de Winnie l’ourson de Disney (Milne)) en<br />

introduisant son support, sa substance même à l’histoire, au lieu de précipiter le <strong>personnage</strong> dans<br />

notre monde physique (ce qui arrive dans la conscience de l’enfant), de l’autonomiser’, tend à nous<br />

aspirer (le lecteur ou l’auditeur adulte et sa réalité) dans le monde imaginaire du <strong>personnage</strong>, un peu<br />

comme un narrateur extradiégétique 7 peut le faire.<br />

5<br />

Pour une définition des termes paramusicologique et extramusicologique, voir la section 2.3.2.<br />

6<br />

Voir section 2.2.1 – la voix du corps.<br />

7<br />

Diégèse : Espace-temps dans lequel se déroule l’histoire proposée par la fiction du récit, du film. (Petit<br />

Robert 2006).<br />

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