pro<strong>du</strong>ire un besoin urgent <strong>de</strong> téléphoner. Certains <strong>de</strong> ces appels sont sans doute importants. Mais, lorsqu’on saisit la nature <strong>de</strong>s conversations, beaucoup portent plutôt à sourire : une fois sur <strong>de</strong>ux, l’information « si urgente à délivrer » consiste à dire « qu’on est bien en salle d’embarquement », « qu’on va bien partir », « qu’il fait gris » et « qu’on arrivera à telle heure ». On peut alors se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette « téléphonite aiguë » n’est pas une façon <strong>de</strong> tromper l’attente, <strong>de</strong> ne pas subir la gêne <strong>de</strong> ne rien faire, d’échapper à l’obligation d’être là, bref <strong>de</strong> s’extraire médiatiquement d’un environnement négativement perçu. Lorsque ce genre <strong>de</strong> contagion a lieu, il semble difficile d’y résister : chacun fait <strong>de</strong> même, ou se plonge dans la lecture <strong>de</strong> journaux, à tel point qu’il <strong>de</strong>vient presque incongru <strong>de</strong> se contenter <strong>de</strong> la présence <strong>de</strong>s autres. Développement et ajustement <strong>de</strong>s pratiques noma<strong>de</strong>s Durant les quatre <strong>de</strong>rnières années, une nette évolution a pu être observée dans les réactions à l’utilisation <strong>du</strong> téléphone mobile en public. D’abord, les téléphones mobiles se sont multipliés 21 . Impossible désormais <strong>de</strong> ne pas assister plusieurs fois par jour à <strong>de</strong>s conversations téléphoniques publiques. Il y a seulement quelques années, l’utilisation d’un téléphone mobile en public restait une quasicuriosité dont l’originalité était tolérée sans trop <strong>de</strong> questionnements. Seuls quelques professionnels <strong>de</strong> l’urgence y avaient en effet recours, et le prestige dont ils bénéficiaient désamorçait les critiques. Puis les hommes d’affaires et ceux qui voulaient en être sont arrivés… Il semble que ce soit davantage le nombre <strong>de</strong>s appels que leur caractère ostentatoire qui ait commencé à susciter <strong>de</strong>s réactions négatives. Ainsi, certains yuppies, confondant distinction et exhibition, ont même un temps été tolérés, au même titre qu’un petit scandale peut l’être dans un lieu public (par exemple provoqué par quelqu’un qui s’adresse à la cantona<strong>de</strong> dans un café) : après tout, la définition <strong>de</strong> l’espace public (ouvert à tout un chacun) n’en in<strong>du</strong>itelle pas le risque ? Le seuil <strong>de</strong> tolérance a cependant très vite été franchi, provoquant <strong>de</strong> vives réactions. Emportés par leur nouveau pouvoir d’ubiquité, certains branchés ont sans doute un peu trop fait abstraction <strong>de</strong> la réputation <strong>de</strong>s lieux servant <strong>de</strong> cadre à leurs appels. Les réponses ne se sont pas fait attendre. Aussi a-t-on vu <strong>de</strong>s curés <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à leurs paroissiens d’éteindre leur téléphone mobile <strong>du</strong>rant les offices religieux, <strong>de</strong>s prési<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> parlement rappeler à l’ordre <strong>de</strong>s députés trop assidûment et ouvertement branchés, <strong>de</strong>s professeurs s’étonner <strong>de</strong> la « démocratisation » <strong>de</strong>s téléphones mobiles en plein amphithéâtre, et l’on ne compte plus les lieux 21 Le nombre d’abonnés est déjà passé à plus <strong>de</strong> 6 millions début 1998… Lieux publics, téléphone mobile et civilité publics (musées, cinémas, salles <strong>de</strong> spectacle, restaurants, galeries, cafés, etc.) où l’emploi <strong>de</strong>s téléphones mobiles est formellement interdit. Mais ce sont surtout les regards <strong>de</strong>s branchés sur eux-mêmes qui ont changé : au fur et à mesure que l’usage <strong>de</strong>s téléphones mobiles se généralisait, les branchés sont en effet <strong>de</strong>venus leurs propres spectateurs et … leurs propres plaignants. Ainsi, cet avocat que nous avons interrogé et qui sortait assez souvent <strong>de</strong> son bureau pour aller, avec quelques dossiers et son téléphone mobile, s’installer à une table <strong>de</strong> café pour travailler. En cas d’urgence, son secrétariat pouvait le joindre : il pouvait donc traiter calmement ses affaires dans un cadre agréable. Jusqu’au jour où, constatant qu’une autre personne faisait comme lui, il s’est écrié : « Mince alors ! Mon café chéri ! Si tout le mon<strong>de</strong> fait pareil, ça ne sera plus un café ! » Les témoignages <strong>de</strong> ce type peuvent être multipliés : « L’environnement, dans un café, c’est important. J’y passe <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> fil, c’est vrai. Mais si dix autres personnes font comme moi… C’est plus possible… C’est plus un café, c’est la Bourse ! » ; « Qu’est-ce qui fait qu’on a envie <strong>de</strong> fréquenter tel café et pas tel autre ? Pas seulement le cadre, mais surtout les gens, l’habitu<strong>de</strong> qu’ils ont <strong>de</strong> se comporter [les uns envers les autres]. Moi, ce que je cherche, c’est à la fois la présence <strong>de</strong>s autres et la tranquillité. Mais s’ils se mettent tous à téléphoner, ça <strong>de</strong>vient un hall <strong>de</strong> gare ! » Ces témoignages prouvent au moins une chose : il est plus facile <strong>de</strong> téléphoner (malgré la perception <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> négative <strong>de</strong> son entourage) que d’assister à la multiplication <strong>de</strong>s appels. Ce mouvement <strong>de</strong> distanciation et <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> conscience, par effet miroir, <strong>de</strong>s branchés envers leurs propres pratiques, est observable dans <strong>de</strong> nouveaux comportements qui consistent à ajuster au mieux un désir indivi<strong>du</strong>aliste d’ubiquité avec une volonté <strong>de</strong> ne pas trop violemment rompre la réputation d’urbanité <strong>de</strong> certains lieux publics. Ces comportements vont <strong>de</strong> l’apparition <strong>de</strong> petits signes <strong>de</strong> politesse visant à maintenir « l’être-ensemble » <strong>du</strong> lieu malgré un « envol » téléphonique, au refus pur et simple <strong>de</strong> se servir d’un téléphone mobile. Tous relèvent <strong>du</strong> rétablissement <strong>de</strong> la réciprocité <strong>de</strong>s perspectives et nous « parlent » donc <strong>de</strong> la réputation <strong>de</strong>s lieux. Ceci est par exemple bien observable lorsqu’un branché, conscient <strong>de</strong> gêner son entourage, tente <strong>de</strong> se faire pardonner par <strong>de</strong> petits gestes explicites (d’impatience en désignant son téléphone mobile ou d’excuse envers les présents). En exprimant ainsi publiquement son embarras, il explicite la réputation <strong>du</strong> lieu : ici, l’attention à autrui est (encore) précieuse. Les tactiques <strong>de</strong> discrétion, la brièveté <strong>de</strong>s appels ou <strong>de</strong>s réponses, les attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> retrait sont autant d’indicateurs sur la volonté <strong>de</strong> préserver l’ambiance <strong>de</strong> civilité <strong>de</strong> certains lieux publics. Il en est même où ces comportements, lorsqu’ils sont 251
252 systématiques, investissent l’espace d’une « survaleur » d’urbanité. La déconnexion médiatique (mettre son mobile sur « off ») est alors vécue comme une victoire sur soi-même ou sur son Francis Jauréguiberry environnement professionnel (qui pousse généralement à la connexion permanente) et permet <strong>de</strong> goûter <strong>de</strong> façon inédite à l’ici-présent.
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