Daniel Kaplan - Portail documentaire du Ministère de l'Ecologie

Les processus de projet urbain
se transforment en profondeur
PRATIQUES DE PROJET ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
LIÉES AUX AMBIANCES
La modification des pratiques urbaines s’appuie
sur un contexte social qui se transforme progressivement.
Un nombre de plus en plus significatif de
projets montre que les modes d’habiter et les
pratiques de l’espace deviennent des éléments
centraux de la conception urbaine. Les habitants
demandent que les réflexions menées sur leur ville
prennent mieux en compte leurs modes de vie. Une
nouvelle culture urbaine semble ainsi voir le jour,
constituée d’un ensemble de pratiques sociales qui,
dans une certaine mesure, se fondent sur une notion
de développement durable, autour de questions
réunissant le quotidien et le long terme. Au-delà
d’une prise en compte de facteurs strictement
environnementaux, elle intègre les spécificités de
chaque territoire, que celles-ci soient de nature
économique, sociale, artistique, éducationnelle et
pourquoi pas gastronomique. Il en découle, dans un
certain nombre de projets, une véritable refondation
du politique au sein des processus de fabrication de la
ville. Une telle démarche de valorisation et de
ménagement du territoire urbain implique en effet
des facultés visionnaires de la part des décideurs
politiques comme de leurs maîtrises d’ouvrage. Les
décisions stratégiques y précèdent les choix programmatiques,
initient et structurent le débat
démocratique. Il s’agit aussi qu’une culture de projet
commune y associe tous les acteurs de la ville.
Pour favoriser ce débat, la formulation des
enjeux stratégiques et des objectifs opérationnels
dictés par les politiques – auparavant quantitativement
et qualitativement plus précise – est
aujourd’hui plus floue, plus métaphorique et donc
plus près d’un imaginaire qui facilite le dialogue. En
témoignent, à titre d’exemple, les extraits de notes
programmatiques de villes ayant proposé des sites
pour la session d’Europan 6 en France : Clermont-
Ferrand suggère aux architectes de requalifier
l’ensemble des espaces pour lui donner une identité
de « Quartier latin » clermontois, tandis que Rennes
parle de renouveler un morceau de ville en travaillant
sur la problématique « patrimoine/modernité ».
Quant à la ville de Groningen aux Pays-Bas, elle
recommande à ses candidats, comme fil conducteur
de l’aménagement d’une voie importante du centreville
de « design a story », de raconter en quelque sorte
une histoire au travers du projet.
Jean-Jacques TERRIN Architecte, directeur du département « Génie des systèmes urbains » –
Université de technologie de Compiègne,
& Lamia TIRAOUI Chargée de recherche au département GSU
Le programme s’élabore au fur et à mesure de
l’avancement de la conception, les stratégies sont
précisées, les objectifs validés – ou invalidés – par une
formalisation progressive du projet qu’alimentent des
débats entre élus, habitants et techniciens. Dans ce
contexte de recomposition, les professionnels de la
ville – dont de nombreux facteurs d’évolution sont
désormais identifiés 1 – renouvellent leurs pratiques.
La commande changeant de nature, logiquement, les
processus de conception se transforment en
conséquence. Ces attitudes entraînent la constitution
de nouveaux langages entre maîtrises d’ouvrage
urbaines, concepteurs, producteurs et usagers de
l’espace urbain, que facilitent sans doute les nouvelles
technologies, à moins qu’elles ne les déterminent. Par
le flou et l’aléatoire qu’elles autorisent, par leur
faculté à faire émerger progressivement une idée, les
techniques de modélisation, de représentation, de
simulation constituent les nouvelles écritures de
l’élaboration du projet, celui-ci devenant débat,
séduction, négociation 2 , avant d’être la description
d’un objet à réaliser. Par la description de situations
urbaines, faites d’images, d’analogies, de métaphores,
mais aussi de données mesurables, le projet urbain
raconte une histoire dans laquelle la notion
d’ambiance joue un jeu, à la fois sensible et
technique, dont émergent progressivement des
débats, puis des options programmatiques et enfin
des choix conceptuels.
Le rapport entre nouvelles technologies et
projet urbain peut être questionné à de nombreuses
étapes de l’avancement du projet. Néanmoins,
certaines de ces phases sont pressenties comme
présentant un plus grand potentiel d’évolution. C’est
au niveau des phases de définition du projet que l’on
découvre sans doute le plus d’éléments d’une nature
nouvelle, décrivant un ensemble de performances et
de qualités environnementales visées, se déclinant le
plus souvent en termes d’ambiances et de confort, de
maîtrise énergétique, de durabilité, voire de gestion
patrimoniale… On pourrait résumer cette tendance
en disant que le programme est en passe de devenir
un outil « performantiel » en plus d’être un outil de
consensus.
Face à cette nouvelle aptitude du maître
d’ouvrage à assumer un rôle prescriptif et
intégrateur, le concepteur est invité à modifier sa
démarche : il doit composer avec des éléments qui
faisaient autrefois partie des « résultantes » du projet
1 Voir notamment les publications d’Euroconception, les compte rendus des séminaires « Maîtrises d’ouvrage et évolution de la commande », les
documents préparatoires des séminaires « Pratiques de projet et ingénieries », organisés par le PUCA et le CSTB.
2 P. Amphoux, « La notion d’ambiance », PUCA 1998.
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