chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

H4 LA CHRONIQUE DES ARTS
pas moins de magnificence. Outre les artistes cités
plus haut on trouve à son service Giovanni
Costo ou Costa, Flamand, Gerardo, François ou
Flamand, puis un de ses sujets, Bemardino di
Bongiovanni, qui était à la fois tapissier et peintre,
enfin, un certain Sabadino, originaire do l'Egypte.
Ce dernier paraît avoir été d'une adresse merveilleuse.
Le duc, pour le récompenser, lui fit don
d'une maison. L'acte de donation n'est qu'un long
dithyrambe, il nous prouve qu'aucune hyperbole
ne paraissait exagérée aux Italiens de la Renaissance
quand il s'agissait d'un art qui à leurs yeux
tenait presque de la magie. Je ne puis résister au
plaisir de citer le préambule de cet acte ; il est
vraiment caractéristique.
« Dilectissimi nostri.—Fra graltrinobilissimi arlifici
che se siano conosciuti havemo visto maistro
Sabadino Syro quale nela textura de panni figuratti
supera tutigli altri famosi, adeo che né Policleto,
ne Appelés, Pludia o Pyrgotelle, quantunqae perfectissimi
nela pictura nono da comparare ad Sabadino,
quale veramente è uno altro Hyppia che
nel lavorare maxime di quella sorte pictura variada
in panni de varij coluri, la quale autiqui
chiamaronoBabilonica, como è questa de Sabadino
nasciuto in quella parte, non debe pare. »
>se trouvons-nous pas aussi dans cette pièce des
traces de la tradition qui raftachait la haute lisse
à l'Orient! Rappelons à ce propos que, vers la
même époque, Zizim, frère du sultan Bajazet II,
dirigeait à Aubusson l'exécution de plusieurs ta-
pisseries aujourd'hui encore existantes.
Vers la fin du règne d'Hercule I^f la manufacture
ferraraise était en pleine décadence. En 1490 on
ne signale même plus dans la ville qu'un seul
maître tapissier, auquel la commune offrit une
subvention pour le retenir. Les fréquents emprunts
de tentures faits par le duc témoignent également
du ralentissement de la production.
Cet état de choses ne fit qu'empirer sous Alphonse
lef (toOo-1534). C'est à peine si ce duc
pourvut au remplacement des deux ou trois ar-
tistes nécessaires à l'entretien des collections
réunies par ses ancêtres. M. Campori est même
disposé à croire qu'il en engagea ou aliéna une
partie. Cependant par suite des unions qui firent
entrer dans la maison d'Esté Lucrèce Borgia et
Renée de France, le garde-meuble ducal s'enrichit
de nouveau de quelques belles suites d'arazzi.
A côté de la collpction du prince régnant il faut
citer celle de son père, le cardinal tiippolyte l'an-
cien ; elle était d'une importance capitale. Il faut
citer entre autres une verdure avec des animaux,
exécutée à Lyon et envoyée au cardinal en 1519.'
Il était réservé à Hercule II (1534-1559), de rendre
à la fabrique de Ferrare sou ancienne splendeur ;
son nom mérite de figurer en tête de l'histoire de cet
établissement, à côté de celui de son aïeul Borso ;
il brille d'un éclat non moins vif. Dès la seconde
année de sou règne, on trouve à sou service deux
tapissiers des Flandres dont nous avons eu bien
des fois dans ces derniers temps à entretenir nos
lecteurs : Nicolas et Jean Carcher ou Carchieri.
En 1536, Nicolas amène de son pavs natal huit
comitagaousavec lesquels il travaille sans relâche,
juqu'eu 1541 à tisser les cartons de Battista Uossi!
Plus tard nous le trouvons à Florence, où il devait
fonder la fabrique ducale de tapisseries.
Sou frère Jean resta au contraire à Ferrare, où
il acquit le droit de cité et où il mourut probable-
ment après 1562. Les tapisseries qn'il exécuta sont
innombrables. Citons l'histoire de Saint-Georges
et de Saint-Maurelius, au dôme de Ferrare, la
mort de la Y'erge, à la cathédrale de Côme, des
métamorphoses, des grotesques.
Parmi les maîtres que Nicolas Carchei avait re
crûtes dans sou pays natal se trouvait celui qui
fut sans contredit le roi des tapissiers italiens du
xvi" siècle, Jean Rost, ou Roost, le co-fondateur
de la fabrique de Florence. Il travailla plusieurs
années pour le duc de Ferrare, et fut chargé, en
1542, d'acheter pour lui quatre balles de laine
dans les Flandres, et alors même qu'il fut attaché
d'une manière durable au service de Côme de
Médicis, il ne cessa d'être en rapport avec le duc
Hercule II et, à un certain moment, en 1452 ou
1453, il exécuta pour lui deux tinitures.
(A suivre) L. MUXTZ.
VENTES PROCHAINES
TABLEAUX A.NCIEXS.
Mardi prochain, 27 mars, aura lieu à TUôtel
Drouot, salle u° 1, une belle vente de tableaux
anciens provenant [)Our la plupart do collections
célèbres. Parmi ces tableaux figurent un certain
nombre d'oeuvres remarquables. Nous citerons :
une Halte de chasse par Abshoven, une Kenuesse
de P. Breughel, ïAbreuvoir de A. Cuyp, dans la
première maniéré du maître, VAncje quittant Tobie
de B. Cuyp d'une exécution transparente et hardie,
ÏHallali, par Van Falens d'après Wouvermans,
une délicieuse esquisse de Fragonard, une
gracieuse composition de AH'^ Gérard, plusieurs
Guardi, un triptyque de l'école d'Holbein, le Bénédicité
de N. Âlaas, une Halte de Verchuring, un
beau paysage de Molenaer, un autre de Saloinou
Ruysdaël, plusieurs bous portraits des différentes
écoles et d'autres œuvres qu'il serait trop long
d'énumérer. Mais nous signalerons surtout à l'attention
des amateurs plusieurs tableaux qui ont
fait partie de la collection Koucheleff-Besborodko :
les Joueurs de la Morra, un des meilleurs tableaux
de Karel Du Jardin, trois paysages de Joseph Ver-
net, les Philistiiis frappés de la peste, œuvre trèsauthentique
de Poussin et repi'oduction du tableau
du Louvre. Enfin, deux grands panneaux décoratifs,
monuments en ruines, par Hubert Robert,
signés et datés de 1796, et deux grandes chasses
par Paul de Vos.
Ces tableaux seront exposés demain dimanche
et lundi 26 mars.
M" Charles Pillet, commissaire-priseur, M. Ferai,
expert.
TABLEAUX ET AQUARELLES DE DELACROIX
On exposera à l'hôtel Drouot, les 27 et 28 mars,
et on vendra le 29, deux tableaux et dix-huit aquarelles
de Delacroix, dont je dois dire quelques
mots, car ces ouvrages appartiennent tous à une
période décisive de la carrière du peintre, à ce
moment où il abandonna presijue complètement
les sujets qu'il avait traités jusque-là, pour entreprendre
cette longue suite de tableaux orientaux