chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

320 LA CHRONIQUE DES ARTS
Il en est de même de la glyptique, lorsqu'elle
a été appliquée à la représentatioa de
la figure humaine.
En un mot, tout portrait de Français illus-
tre, de quelque façon qu'il se présente à l'œil,
a droit de figurer dans l'exhibition que nous
prépare la Coramission de ï Inventaire. y>ouvvu
ijue sa valeur artistique soit suffisante et son
authenticité certaine. Aussi ai-je compris ,
pour ma part, dans la notice adressée àM. le
ministre de l'instruction publique, plusieurs
médaillons et médailles de ma collection,
dont l'absence me semblerait regrettable.
Comment remplacer par des équivalents le
médaillond'argent sur lequel se voitCbarlesVII
assis, ceux de Poton de Xintrailles, de Louis XI
(par Laurana?), de Charles VIII, de travail ita-
lien, de Robert Briçonet, d'André Tiraqueau ;
ceux des Valois, de grand module, celui de
Charles Duret, par Guillaume Dupré, et certains
autres?
Encore une fois la série de nos médailles
est a^sez riche pour défrayer deux sections de
l'Exposition universelle.
Puisque l'occasion s'en présente, c'est une
seconde question que je veux également aborder.
A quelle époque remontent les plus anciens
portraits admis ?
Il ne saurait y avoir de doute à cet égard :
— Aussi haut que faire se pourra. Ce serait
même une occasion de contrôler la valeur de
beaucoup d'attributions erronées ou douteuses.
Bien qu'un article du règlement dise que la
Commission respectera les attributions indiquées
par les possesseurs, il ne lui est pas interdit
d'émettre son avis, et de provoquer la
disparition de tant d'étiquettes fausses, apposét'S
sans le moindre discernement, sur de
médiocres bibelots antérieurs à la Renaissance,
dans le seul but de hausser leur valeur
commerciale. Le catalogue ne serait plus, dès
lors, une production éphémère, mais une
source d'indications précieuses.
Rien n'empêche donc que la galerie des
portraits nationaux offre d'abord, à la vue
des visiteurs, des productions de l'époque romaine.'
Les empereurs Claude, Albinus, Postumus,
Victorin, les deux Tetricus sont
ou ont vécu en Gaule. D'autres, tels que
nés
Julien,
y ont exercé
pendant nombre
des fonctions importantes
d'années. Cette raison me
semble suffisante pour qu'on expose, si c'est
pos-ible, leurs médaillons ou leurs bustes.
Viendraient ensuite les grandes figures liistoriques
de l'époque franque et du Moyen-àge
proprement dit dont il nous reste des représentations
rarissimes sur pierre, métal, mosaïque
ou vélin. En vain objectera-t-on que
beaucoup sont plutôt des types conventionnels
que des portraits véritable'^s. Ce ne sera pas
sans profit, néanmoins, qu'on les aura fait
passer sous les yeux de la foule. Il
toujours un enseignement utile à
point de vue.
en sortira
plus d'un
J'u-ai plus loin : tout à fait en tète de la
longue file de nos illustrations nationales, je
placerais Vercingétorix, représenté par la médaille
d'or qui porte son nom. Il est certes
vraisemblable que le buste à cheveux courts
qu'elle porte est simplement celui d'une divinité
: Apollon, sans doute; mais cette image a
je ne sais quoi d individuel et de typique qui
s'incruste dans la mémoirede quiconquel'examine,
pour n'en plus sortir. Si ce n'est pas
Vercingétorix. le héros gaulois devait assurément
avoir quelque chose de cet air de tête,
calme et résolu, et non pas l'aspect hirsute
qu'on lui prête à tort, si je ne me trompe. Du
temps de César, la haute aristocratie avait
abandonné depuis longtemps chez nous l'accoutrement
barbare de la période du bronze.
Le plus bel exemplaire connu de la médaille
du célèbre chef arverne, dont il existe deux
ou tz'ois variétés de coins, appartient à M. de
Longpérier. Le savant archéologue se feTait,
sans nul doute, un vrai plaisir de la mettre à
la place d'honneur que je lui assigne ici.
Benjamin Fillon.
La Court de Saint-Cyr-en-Talniondais,29 octobre
1877.
Mous ajouterons, pour compléter les réflexions
si judicieuses de notre ami M. Benjamin Fillon,
qu'il serait éminemment regrettable que la Com-
mission, suivant à l'extrême la lettre de sou règlement,
se refusât dans tous li-s cas d'exposer des
reproductions photographiques, gravées ou dessinées
de quelques monuments de premier ordre
que leur situation dans les coUeclious publiques
de la France ou de l'étranger interdit d'exposer. Il
nous semble que, sous peine de décapiter cette
Exposition, il y a des exceptions qui s imposent,
des exceptions nécessaires. Nous reviendrons sur
ce sujet.
L. G.
DE PARIS A AMSTERDAM
NOTES DE VOYAGE
(Suite.
La Hâve.
La Bibliothèque royale de La Haye, confiée
à la haute érudition de M. Campbell, sans être
au tout premier rang, occupe cependant une
place importante, par certains côtés, entre les
grandes bibliotlièques de l'Europe. Elle est extrêmement
riche en incunables néerlandais
dont un grand nombre sont si curieux et si
instructifs au point de vue de la gravure sur
bois, depuis les produits xylographiques des
presses costériennes à Harlem, les belles et
innombrables œuvres de Gérard Leeu à Gouda
et à Anvers, jusqu'aux impressions mystérieuses
de Zwolle et aux opuscules rarissimes
de Pierre Dodo, à Amsterdam. Elle compte
aussi de précieux manuscrits à miniatures.
Quelques-uns sont tout à fait dignes d'attirer
l'attention. Pour les manuscrits d'origine fi'ançaise,
je renvoie le lecteur à l'intéressante brochure
de M. Achille Jubinal, intitulée : Lettres
à M. de Salvandy sur quelques manuscrits français
de la Bibliothèque royale de La Haye,
quoique l'auteur s'y soit beaucoup plus préoccupé
du côté littéraire que du côté artistique