chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

32 LA CHRONIQUE DES ARTS
Veunemaii est la fille du peintre Veuncman,
qui peignit dans la même manière que de
Bi'aecklaer le père, l'homme aux Saint ISicolis
et aux Condes de Mi-carêmes : je prie MM. les
typographes de ne pas me faire écrira Contes.
M"« Veuneman a étudié chez Louis Dubois, et
cet enseignement, tout viril, a porté au plus
haut point les énergies de sa nature. Elle a un
tempérament généreux et franc jusqu'à la
rudesse, un sentiment vrai de la heauté rustique,
de l'audace et de la poigne. Ses paysages,
fermes, landes et prairies où sommeillent
de grands bœufs , ont toujours été
remarqués aux expositions belges; elle noie
les teriains dans de belles lumières chtiudes et
blanches et les ciels ont bien la dilatation des
atmosphères llamandes. Je lui voudrais, quant
à moi, un peu moins d'emportement et un
peu plus de recueillement : ce n'est pas à la
force des poignets qu'on fait entrer l'âme dans
les tableaux. M"" Veuneman est jeune; elle
est passionnée de vérité; elle a l'ambition
qui fait parvenir. Je lui souhaite la réputation
dans cette patrie nouvelle, où son amitié pour
la brillante nouvelle-venue de la Comédie-
Française lui a fait suivre M"'' Adelina Dud-
lay.
Si Paris fait accueil à nos transfuges,
Bruxelles, par un juste esprit de réciprocité,
tient en estime les peintres français qui se
sont établis dans ses murs. J'esquisserai un
jour à grands traits la physionomie de celte
intéressante colonie qui compte des artistes de
valeur. Qu'il me suffise pour le moment de signaler
un atelier très-vivant: c'est celui d'un
peintre bien connu de Paris et dont la [tresse
a multiplié- à l'infini les croquis, Henri Durandbrager.
Le marin s'est intimement mêlé au
peintre chez cet amoureux de la mer; c'est elle,
grise ou dorée, qu'on retrouve dans ses toiles'
dans ses aquarelles, dans ses dessins. Elle est
partout, sous tous les aspects, tantôt bénigne
et murmurante comme une beiceuse, tantôt
couiToucée et comme remplie des colères de
l'infini. L'artiste avait justement organisé uue
])eLite composition de ses œuvres quand nous
allâmes lui faire visite; nous y avons vu de fort
beaux dessins à la plume et au crayon, dignes
en tout point du nom dont ils'sont signés.
Ce même jour nous réservait une autre satisfaction
; un peintre, qui est en même temps
critique d'art, — il dïnge l'Artiste,— et aquafortiste,
nous montrait les dilférents états
d'une planche destinée à VllUUralion nouvelle
de Cadart. C'est un bout de rue aux maisons
inégales du milieu desquelles sort une grosse
toutte de fcuillées ; il pleut et sur le pavé (lui
se troue de retlets, passent le monde et les
voitures. Permettez-moi de vous signaler à l'a-
vance cette planche de M. Th. Hannon •
elle
est mordante et d'un bel accent; elle n'a rien
de la lourdeur, de la monotonie qui déparent
trop souvent le travail de l'aqua-fortiste bel^re
Au contraire, elle est française par le trait et
les{.rit. 11 est impossible que son auteur ne
nianiue pas tres-rapidcmcnt dans le groupe,
malheureusement trop clairsemé, des peintre
qui lont de leau-fortc.
Je vous ui aiiuoacé la prochaine ouverture
des galeries de peinture moderne au Musée de
Bruxelles. Ce sera le moment de faire le
compte des bonnes et des mauvaises toiles
qui représentent dans ce milieu consacré les
aspirations des arrière-petits-fils de Rubende
Jordaens, de Van Dyck et de Teniers. Je
me contenterai de vous ai.prendre aujourdhui
que le tableau célèbre du peintre Callait-
\ Abdication de Charles-Quint, prendra place
définitivement dans les collections; mais la
cho e 11 est pas aussi sûre pour le Compromis
des Nobles, du peintre de Biefve, son vi=-à-vis
de la Cour de cassation. De toute justice pourtant,
les deux tableaux devraient se trouver
reunis, comme ils le sont dans l'histoire de
1 art en Belgique.
Je crois savoir que les portraits du Roi et
de la Rnue, peints par Gallait, et dont j'ai
parle ;i cette même place, figureront aussi
parmi les œuvresdu Musée. On y adjoindrait le
portrait de Léopold 1", de '^M. de Winne
et comme, après tout, il est assez juste
que la famille royale soit au complet, peutêtre
demandera-t-on à M. de Winne, beau
peintre et de race, s'il en fut, de nous rendre
les traits d'une mémoire chère à la Belgique,
de la reine Marie-Amélie, première reine des
Belges.
Camille Lemonnier.
CORRESPONDANCE D'ANGLETERRE.
Les élections aux places vacantes de la Royal
Academy auront lieu trop lard dans la semaiue
pour mé permettre de vous en doinier le résultat,
à moins que ce ne soit enposi-scri/jt/i>n. Le nombre
des candidats est de 110, desquels les membres de
l'Academy ont à choisir trois nouveaux collègues
ayant droit de mettre huit tableaux sur la cymaise
d chaque exposition. Ce nombre se divise en 76
peintres, 13 sculpteurs et 19 architectes; mais
comme ce sont les peintres qui, pour le moment,
sont le plus faibleiueat représentés à l'Academy,
il est à espérer que ce seront les_ rangs de cette
branche qui recevront les nouvelles recrues. Les
peintres se divisent encore en groupes selon leurs
œuvres. Uue quarantaine au moins sont des artistes
de genre. Les paysagistes sont au nombre
de 17, et ce sont parmi nos meilleurs que le grand
conseil aura à exercer sou choix. 11 faut espérer
qu'il ne négligera pas cette occasion de se renfor-
cer, car, parmi les 40 de l'Academy, on n'eu
compte plus que 4 : M.M. Hook, Cooke, Cote et
Oakes. 11 est à craindre qu'uue des places vacantes
ne soit réservée u un des huit portraitistes,
si)écialité déjà amplement représentée dans l'Academy,
et patronnée dans l'enseignement.
U y a treize sculpteurs qui se présentent; M.
Dalou n'est pas parmi eux. Les noms des compé-
titeurs sont à peine connus en dehors d'un cercle
très-restreint. Il est bon de dire que, par son indill'érence
marquée \unir la sculpture, l'Academy
est responsable de la position humiliaute que
celle-ci iMjciq)e aujourd'hui dans te pays.