chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

180 LA CHRONIQUE DES ARTS
suit celui du Paradis d'Indra, il y a une troupe
de bayadères, toutes vêtues de même, qui
forme un agréable repos au milieu des quadrilles
de guerriers, aux accoutrements dissemblables,
qui viennent, seize par seize,
essayer de garnir la largeur de la scène en
s'esp-içant le plus qu'il leur est po^sibIe, ce à
quoi il-; ne réussissent guère.
Le mênienonibe de figurants, en uniforme,
ce qui leur permettrait de former une masse,
au lieu de les laisser attirer chacun à soi l'attention,
produirait plus d'effet, à notre avi-.
Le décor où défile ce cortège, qui est dû à
MM. Lavastre et Carpezat, bien qu'il figure
une place de Lahore, représente très-exactement,
nous dit-on, Bénarè-, aux maisons
blanches étalées ;-ur une colline qui baigne
ses pieds dans les eaux du Gange et que dominent
les dômes en forme de tiare de deux
pagodes.
Des (lagodes à l'architecture massive sous le
luxe des sculptures ciselées comme des bijoux
occupent les premiers plans, en avant des
jardins plantés de palmiers.
L'extérieur du temple qu'on voit en perspective
normale au second tableau et en perspective
oblique au dernier, décors peints par
MM. Rubé et Chaperon, nous montrent la
même architecture. De lourdes colonnes, aux
chapiteaux écrasés, toutes cerclées de chape-
lets de pierreries, qui alternent avec des frises
d'animaux fantastiques, portent un berceau
en charpente. L'autel du Dieu occupe le fond,
derrière une poutre où sont suspendues des
lampes. Mais au lieu de se composer comme
dans la réalité d'une simple table sur laquelle
est posée l'Image, ils forment de monumentaux
retables.
En représentant le désert au troisième tableau,
M. Chéret a peint un magnifique
paysage et très-vrai, à ce que nous assure
quelqu'un qui a voyagé plusieurs années dans
les Indes.
Les roches violettes émergent du milieu des
sables blancs, et au fond le ciel est tout chargé
de longues assises de nuages rougis par le soleil
qui s'est couché derrière de bass^s collines
à l'horizon. Des tentes aux premiers plans que
prolongent au fond d'autres tentes, trop
grandes d'échelle, forment seules coulisses,
et au-dessus de leurs toits apparaît de tous
côtés le ciel.
Les personnages qui arrivent à travers les
roches du second plan sont perdus dans cette
immensiié.
Malheurt-usement on aperçoit les raccords
de la toile de fond avec celle des côtés. Un
homme ingénieux avait imaginé cependant,
dans un modèle exposé jadis au palais des
Champs-Elysées, précisément pour représenter
le désert, de peindre les arrière-plans et le
ciel sur une surface concave d'un quart de
sphère ou niûme d'un cylindre. On plantait les
tentes et les rochers où l'on voulait sans avoir
besoin de se servir de coulisses d'aucun genre.
Pourquoi ne pas adopter le second moyen,
qui est fort simple, ce nous semble, mais qui
a le grand tort de rompre avec les habitudes
reçues ?
Les costumes sont pics bu moins indiens :
notre voyageur nous assure qu'ils le sont moins
que plus. Il est vrai que l'action se passe au
XI» siècle.
Les costumes des bayadères seuls ont trouvé
grâce devant lui, bien qu'il ait remarqué que
leur corsage n'est point assez te^du dans le
dos de façon à faire saillir la gorge et effacer
les épaul s. Mais le corps du ballet de l'Opéra
ne se soumettrait pas volontier- sans doute à
ce supplice. Il a remarqué avec plaisir qu'il
leur manquait des anneaux dans la narine,
chose gênante, dit-il, pour les embrasser.
Quant aux autres costumes, il prétend qu'on
y devine trop la couturière et qu'on n'y voit
pns assez la drapene.
On prétend qu'il y a des ténors qui ne
peuvent chanter que lorsqu'ils ont chaussé
des bottes molles. Il parait que ce n'est pas
l'absence de cette chaussure, mais la présence
d'une coiffure qui gêne M.Salomon pour chanter.
Lui Sfiil est constamment tête nue, même
au désert, lorsque tous les autres ont le chef
couvert d'une foule de choses bizarres.
Alf-red Darcel.
NOUVELLES
,*, La somme inscrite cette année au budget
de la ville de Paris, pour les commandes
des beaux-arts, s'élève à l.ïO.OOO fr. Sur cette
somme, 100.000 fr. sont destinés à payer l'arriéré.
Les .oO.OOO fr. restant seront employés
de la manière suivante : 20.000 fr. pour la réfection
du groupe de la Résurrection, placé audessus
du maitre-autel de Notre-Danie-de-Lorette
et la restauration des deux tableaux du
Triomphe de la Vierge, par Picot et Heim, et
de la Sainte-Thérèse de Decaisne qui se trouvent
dans la même église; 18.000 fr. pour
quatre nouvelles statues qui seront placées sur
la principale façade de la Sorbonne ; enfin, les
1 "2.000 fr. restant >erviront à commander trois
tableaux pour la décoration de l'église de la
Trinité.
C'est le conseil municipal qui, sur la proposition
du préfet, désignera les artistes chargés
d'exécuter les commandes.
,'", Plusieurs statues vont être placées dans
le parc Monceau :
Le Semeur, de M. Chapu, et le Faucheur, de
M. Gumery; le Charmeur, de M. Bavard de la
Vingtrie, et le Joueur de billes de M. Lenoir.
.*. M. A. Mercié, l'auteur du Gloria victis,
a été choisi pour exécuter la fontaine qui sera
élevée sur la tombe de Michelet. On compte
sur l'empressement du public à souscrire pour
que ce monument soit une œuvre digne du
talent de l'artiste, et de la grande mémoire à
laquelle il sera consacré.