chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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188 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />
merveilles <strong>de</strong> l'art, <strong>et</strong> qui semble plus qu'aucune<br />
nation du mon<strong>de</strong> vivre en commerce intime<br />
<strong>et</strong> quotidien avec le beau. Je veux croire<br />
que l'Exposition <strong>de</strong> Naples n'a pas attiré les<br />
grands artisans ita'iens, <strong>et</strong> c'est à <strong>la</strong> défection<br />
<strong>de</strong> ceux-ci qu'on peut attribuer <strong>la</strong> faiblesse <strong>de</strong><br />
l'exposition <strong>de</strong> l'art industriel.<br />
Mais, bê<strong>la</strong>s! c<strong>et</strong>te explication ne saurait être<br />
donnée pour <strong>la</strong> peinture. Il est impossible <strong>de</strong><br />
ne pas voir ici un concours unanime <strong>de</strong> tous<br />
les artistes : les toiles exposées atteignent le<br />
chiffre <strong>de</strong> 750 environ, elles occupent un local<br />
considérable qu'on parcourt avec tristesse. On<br />
voudrait s'arrêter <strong>de</strong>vant l'une d'elles, <strong>et</strong> sinon<br />
admirer, du moins s'intéresser à un détail,<br />
remarquer un trait sail<strong>la</strong>nt, signaler un motif<br />
bien trouvé. Il convient <strong>de</strong> dire que toutes ces<br />
espérances sont déçues.<br />
L'art italien traverse en ce moment une<br />
phase critique. Incapable <strong>de</strong> se souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
gran<strong><strong>de</strong>s</strong> traditions du passé, impuissant à se<br />
frayer une voie nouvelle, il reste engagé dans<br />
jene sais quelle ornière quiTépuise. Je m<strong>et</strong>s<strong>de</strong><br />
côté tout amoui'-propre national, mais je crois<br />
pouvoir aftirmer, sans crainte d'être démenti,<br />
que <strong>la</strong> manière <strong>de</strong> nos peintres a séduit les<br />
artistes italiens; ceux-ci songent trop à l'imitai<br />
ion ; <strong>et</strong> <strong>la</strong> contrefaçon est en art une chose<br />
déplorable.<br />
La peinture <strong>de</strong> genre qui sévit <strong>de</strong>puis longtemps<br />
en France a évi<strong>de</strong>mment gagné l'Italie;<br />
seulement le talent <strong>de</strong> nos artistes n'a pas<br />
émigré avec leur manière, en sorte qu'elle<br />
reste entièrement vraie <strong>la</strong> maxime qui dit :<br />
t' Les plus sévères critiques sont les imitateurs.<br />
»<br />
M. Gérôme est bien certainement ici l'obj<strong>et</strong><br />
d'une admiration très-vive, à voir les efforts<br />
que les artistes italiens font ])our copier son<br />
genre. Un grand nombre d'entre eux voudraient<br />
possé<strong>de</strong>r son secr<strong>et</strong>, s'assimiler le iini <strong>de</strong> sa<br />
peinture, <strong>la</strong> façon minutieuse dont il peint<br />
chaque détail, <strong>et</strong> ils <strong>de</strong>viennent secs, guindés,<br />
rai<strong><strong>de</strong>s</strong>.. Il faut les voir para])hra-er le tableau<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> Deux Augurer... J'ai remarqué bien <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
prêtres antiques qui étaient les proches parents<br />
<strong>de</strong> ceux qu'a représentés M. Gérôme... Il est<br />
en <strong>et</strong>f<strong>et</strong> intéressant <strong>de</strong> signaler combien les suj<strong>et</strong>s<br />
antiques sont choisis <strong>de</strong> préférence par<br />
les peintres italiens : ils n'abor<strong>de</strong>nt pas les<br />
gran<strong><strong>de</strong>s</strong> compositions, les tableaux à caractère,<br />
les suj<strong>et</strong>s à développements, ils se<br />
confinent dans c<strong>et</strong>te antiquité <strong>de</strong> genre, pour<br />
ainsi dire, qui consiste dans <strong>la</strong> disposition<br />
d'un meuble ingénieusement inventé, dans le<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>sin <strong>de</strong> costumes qui, à vrai dire, n'ont rien<br />
à faire avec l'archéologie.<br />
De tels suj<strong>et</strong>s pourraient <strong>de</strong>venir intéressants<br />
s'ils étaient traités avec talent, s'ils étaient<br />
illuminés par <strong>la</strong> couleur ou soutenus par un<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>sin consciencieux. Hé<strong>la</strong>s! je le dis encore,<br />
toutes ces qualités font défaut.<br />
En me promenant dans les salles <strong>de</strong> l'expo-<br />
sition, je me suis arrêté <strong>de</strong>vant un tableau représentant<br />
un saint Jérôme couché sur un lion.<br />
Je trouvais c<strong>et</strong>te fois l'imitation très heureuse,<br />
lorsque, à mon grand étonnement, j'ai reconnu<br />
<strong>la</strong> signature <strong>de</strong> ]\1. Gérôme. Je duis dire que<br />
celte toile est p<strong>la</strong>cée au milieu du salon d'honneur<br />
sur un cheval<strong>et</strong> spécial : à côté <strong>de</strong> ce qui<br />
l'entoure, elle rayonne, <strong>et</strong> l'on m'accuserait<br />
à coup sûr <strong>de</strong> malveil<strong>la</strong>nce, si je disais que ce<br />
tableau n'est pas le chef-d'œuvre du maître.<br />
Fortuny a également fait école en Italie; on<br />
reconnaît çà <strong>et</strong> là quelques tentatives. Malheureusement<br />
ce qui était éc<strong>la</strong>t <strong>et</strong> lumière<br />
chez le peintre espagnol, <strong>de</strong>vient ici un papillotement<br />
criard : l'œil ne sait où se reposer<br />
au milieu <strong>de</strong> c<strong>et</strong> éblouissement.<br />
Je n'en finirais pas si je vou<strong>la</strong>is épuiser <strong>la</strong><br />
liste <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres dont l'influence se fait sentir.<br />
Celui-ci imite les routes b<strong>la</strong>nches <strong>de</strong> pous-<br />
sière <strong>et</strong> ensoleillées <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> iS'ittis; celui-là les<br />
teintes douces <strong>et</strong> <strong>la</strong> manière sagement réglée<br />
<strong>de</strong> M. Bouguereau; un autre voudrait s'assimiler<br />
le procédé vigoureux <strong>de</strong> M. Bonnat.<br />
La sculpture occupe une p<strong>la</strong>ce moins gran<strong>de</strong><br />
que <strong>la</strong> peinture. Je préfère ne vous en rien<br />
dire ; je m<strong>et</strong>trai ainsi un terme à mes critiques.<br />
Ces jours <strong>de</strong>rniers, les journaux italiens ont<br />
déchiré à belles <strong>de</strong>nts l'exposition <strong><strong>de</strong>s</strong> envois<br />
<strong>de</strong> Rome à <strong>la</strong> ville Médicis. Je n'ai pas à discuter<br />
leur jugement; ils ont eu raison <strong>de</strong> dire<br />
leur opinion si elle était sincère; mais je leur<br />
adresserai une question : Pourquoi se donnent-ils<br />
<strong>la</strong> peine <strong>de</strong> dénigrer un art qu'ils<br />
sont réduits à suivrepas à pas <strong>et</strong> <strong>de</strong> si loin?<br />
—<br />
—<br />
-ï"v-<br />
NOUVELLES<br />
Roger Ballu.<br />
* ^ La Direction <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts vient d'ach<strong>et</strong>er<br />
le buste en marbre d'Henry Monnier,<br />
par M. Moulin ; il sera p<strong>la</strong>cé dans le foyer <strong>de</strong><br />
l'Odéon.<br />
* ^ Le tableau, f^ahit Sébastien, exposé par<br />
M. Gail<strong>la</strong>rd au Salon <strong>de</strong> 1876, vient d'être<br />
p<strong>la</strong>cé au Luxembourg.<br />
,*, M. Turqu<strong>et</strong>, député <strong>de</strong> l'Aisne, a acquis,<br />
pour <strong>la</strong> somme <strong>de</strong> 30.000 fr., le magnifique<br />
tableau <strong>de</strong> M. Jean-Paul Laurens, le Cci^ps <strong>de</strong><br />
Marceau salué par V état-major autrichien, qi;i<br />
figure au Salon avec un succès si mérité.<br />
L'Etat a ach<strong>et</strong>é le S^aint François, <strong>de</strong><br />
M. ^Veertz, <strong>et</strong> <strong>la</strong> Première communion, <strong>de</strong><br />
M. Gervex.<br />
,\ Dans sa <strong>de</strong>rnière séance, le conseil communal<br />
d'Anvers a voté 10.000 fr. pour l'achat<br />
d'un buste colossal <strong>de</strong> Rubens, en marbre<br />
b<strong>la</strong>nc, œ-uvre <strong>de</strong> M. Pécher. Le buste est <strong><strong>de</strong>s</strong>tiné<br />
au nouveau Musée <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux-<strong>arts</strong> que va<br />
faire édifier <strong>la</strong> ville d'Anvers.<br />
,\ A <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière séance <strong>de</strong> l'Institut archéologique<br />
<strong>de</strong> Londres, M. le docteur Schliemann<br />
a annoncé l'intention <strong>de</strong> se rendre dans l'Ile<br />
d'Ithaque, qui, sauf les explorations qu'il y a<br />
faites en 1868, présente un champ tout neuf<br />
à l'archéologie. Dans l'Odyssée, <strong>la</strong> ville d'Ithaque<br />
porte simplement le nom <strong>de</strong> Polis, <strong>et</strong> il y