chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

212 LA CHRONIQUE DES ARTS
parlement des beaux-arts à l'Exposition universelle
de 1831. Parmi ses œuvres, on remarque
les statues de lord Wellesley, de lord
Auckland, de lord Bacon, de John Hunter, de
sir George Cornewal-Lewis. Il était associé de
l'Académie royale des arts depuis I80O, et
membre depuis 1863.
Lee peintures de M. Puvis de Chavann«s,
au Panthéon.
On vient de découvrir au Panthéon les
peintures de M. Puvis de Chavannes : je ne
]>nism'empècher de dire, dès le début, tout le
bien que j'en pense et tout le plaisir qu'elles
m'ont fait. Voilà une œuvre qui restera
comme un type excellent de peintutc décorative.
Il y a, chez la plupart de nos artistes contemporains,
une tendance à traiter comme
une succession de tableaux la décoration d'un
monument. On ne saurait à coup sûr reprocher
une pareille erreur à M. Puvis de Chavannes
: cet artiste s'est voué tout entier et
presque exclusivement au grand art décoratif;
il y a consacré sa carrière et son talent,
dédaignant les compromis avec le goût du
jour et marchant résolument dans la voie
qu'il s'était tracée. Les peintures récemment
termiréeà à l'église Sainte-Geneviève seront
à la fois un triomphe et une récompense.
L'emplacement, il faut le reconnaître, n'était
pas favorable à l'artiste ; cinq colonnes à
demi engagées duns le mur à peu d'intervalles
semblaient rendre toute grande composition
impossible; M. Puvis de Chavannes a
ingénieusement tourné la difficulté ; il n'a
tenu aucun compte des colonnes, et,- en dépit
de celles-ci, il a développé son sujet, en sorte
que ces divisions de pierre semblent avoir été
appliquées après coup sur la peinture. Une
bordure relie entre elles les trois premières
parties qui forment une sorte de grand ti'iptyque.
Dansl'entre-colonne de droite lepeintre
a placé une composition séparée.
Cette composition représente sainte Gèneneviève
en prière, alors que tout enfant encore,
« elle était un sujet de surprise et d'admiration
pour tous ceux qui la voyaient. » Au
centre d'un paysage verdoyant, l'enfant, vêtue
de blanc, est à genoux devant un arbre;
un rameau coupé et lié en travers sur une
branche forme la croix devant laquelle prie la
jeune sainte. Sur le premier plan, une figure
d'homme puissamment dessinée, vu de dos et
demi-nu, considère cette scène naïve, placé à
côté d'une jeune femme qui tient un enfant
dans ses bras. Dans le lointain, la lumière
joue sur un berger qui mène paître ses vaches,
et, derrière, des arbres se détachent cà
et là sur la brume bleuâtre du Mont-Valérien.
« L'an 429, saint Germain d'Auxerre et saint
« Loup, se rendant en Angleterre pour com-
« battre l'hérésie de Pelage, arrivent aux en-
« virons de Nantorrc. Dans la foule accourue
« à leur rencontre, saint Germain distingue
(< une enfant marquée par lui du sceau divin,
« il l'interroge et prédit à ses parents les
« hautes destinées auxquelles elle est appe-
« lée. Cette enfant fut sainte Geneviève, pa-
« tronne de Paris. «
Telle est la légende qu'on lit an bas de la
seconde composition, beaucoup plus importante
que la première. La sainte, placée au
milieu d'un groupe nombreux de personnages,
relève, par un mouvement charmant, sa tète
sur laquelle l'évêque pose la main. L'attitude
est simple, natui^elle, exquise de candeur et
pour ainsi dire de facilité. Les parents se
tiennent à quelques pas en arrière comme saisis
de respect et troublés de bonheur. Cette
scène se continue dans les deux parties latérales
séparées par les colonnes; à gauche du
spectateur, au premier plan, apparaît une
barque, montée par quelques hommes trèssavamment
groupés dans des poses intéressantes
et exemptes de toute banalité. Au second
plan, une femme infirme, qu'on aperçoit
à la porte de sa demeure, se fait transporter
au-devant des saints, espérant obtenir sa guérison.
Dans la travée de droite, une jeune
fille, en train de traire une vache, s'arrête et
se détourne pour regarder au loin; çà et là
les gens de la campagne abandonnent leurs
occupatiouïi et s'empressent d'accourir.
Je ne saurais trop louer la finesse des tons
du paysage qui s'étend derrière; la perspective
s'enfuit dans une demi-teinte veloutée,
indéfinie et charmante, qui s'harmonise mei'veilleusement
avec la tonalité lumineuse et
claire de l'ensemble ; mais, ce qui me plait
par dessus tout, et, je l'avoue, m'enchante,
c'est le calme, la sérénité parfaite dont cette
peinture donne l'impression. 11 y a une poésie
douce et pénétrante dans la belle disposition
de ces figui'es, prenant part sans efl'ort à l'action
principale, dans la gracieuse ordonnance
de ces groupes champêti'es, dans la création
originale et simple de ces types primitifs du
V'' siècle. C'est une idylle, mais une idylle à
grand caractère, où passe le souffie de l'épopée.
Il faut considéz'er les deux figures des
saints, si grandes d'allures, dont les têtes ont
une originalité sifière, la robuste silhouette du
père de la sainte, et tous ces torses d'hommes
demi-nus que l'on n'a vus nulle part encore
et qui ne sentent ni l'atelier ni l'école.
M. Puvis de Chavannes a terminé le premier
la part qu'il avait dans la décoration du
Panthéon... Les artistes qui viendront travailler
à côté de ses peintures pourront peutêtre
s'ell'rayer d'un pareil voisinage ; ils ont,
dès à présent, à lutter avec l'œuvre d'un
maître.
Roger Ballu.
CORRESPONDANCE DE BORDEAUX
2H« EXPOSITION
de la Société des Amis des Arts.
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bordelaises, la Société des Amis des Arts a