24.06.2013 Views

chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

294 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />

tureuse, molle, ipoite, enflée, dirait-on, par<br />

les sueurs. Pourtant le même homme fit un<br />

jour une merveille <strong>de</strong> grâce f<strong>la</strong>man<strong>de</strong>, c'est<br />

quand il peignit son Automne du musée <strong>de</strong><br />

Bruxelles. Les belles filles nues qui, à l'avantp<strong>la</strong>n,<br />

montrent leurs gorges <strong>et</strong> leurs dos, d'un<br />

rose fou<strong>et</strong>té par le grand air, peuvent rivaliser<br />

avec <strong>la</strong> pulpe <strong><strong>de</strong>s</strong> fruits mûrs, avec <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> plus étonnants bouqu<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> Rubens a rarement<br />

une forme aussi correcte, sous <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

magies <strong>de</strong> coloris plus saines. C'est une sorte<br />

<strong>de</strong> hosannah vainqueur, un chant <strong>de</strong> gloire<br />

dans <strong>la</strong> manière mythologique, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> nymphes<br />

<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> faunes pour comparses, <strong>et</strong> <strong>la</strong>cliair,<br />

les entassements <strong>de</strong> fruits <strong>et</strong> <strong>de</strong> légumes<br />

amoncelés à droite <strong>et</strong> à gauche, marquent les<br />

énergies d'une création dans son paroxysme.<br />

Détail à noter : Rubens est du parti <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

cour, il est tiè<strong>de</strong> sur le chapitre <strong><strong>de</strong>s</strong> inquisiteurs<br />

<strong>de</strong> Philippe II, du grand parti <strong><strong>de</strong>s</strong> opprimés;<br />

Jordaens, au contraire, affirme une foi<br />

indépendante; il se fait calviniste; il fait un<br />

lirge pas du côté <strong>de</strong> l'art libre-penseur, dégagé<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> influences païennes <strong>et</strong> mystiques, qui est<br />

l'art hol<strong>la</strong>ndais.<br />

C'est à ce vrai F<strong>la</strong>mand, à c<strong>et</strong>te gloire in-<br />

tacte, trop noyée malheureusement dans le<br />

rayonnement <strong>de</strong> Rubens, que <strong>la</strong> ville d'Anvers<br />

vient d'ériger un monument commémoratif,<br />

dans le cim<strong>et</strong>ière <strong>de</strong> Putte (territoire hol<strong>la</strong>ndais),<br />

où repose <strong>la</strong> dépouille mortelle du grand<br />

peintre. Je n'ai pu faire moi-même le pèlerinage<br />

<strong>et</strong> ne puis par conséquent parler du buste<br />

<strong>de</strong> M. Joseph Lambeaux ; mais c<strong>et</strong>te haute ré-<br />

paration, alliée au Centenaire, avait droit<br />

d'être consignée ici. Jordaens fut à <strong>la</strong> fois un<br />

esprit <strong>et</strong> un caractère ; à côté <strong>de</strong> Rubens<br />

formé à l'école <strong>de</strong> l'Italie, à côté <strong>de</strong> Van Dyck<br />

déformé à l'école <strong>de</strong>* grâces ang<strong>la</strong>ises, se pose<br />

ce puissant, bonhomme, qui sut tirer <strong>de</strong> son<br />

fonds une création jeune, abondante, variée <strong>et</strong><br />

qui peignit avec une pal<strong>et</strong>te dont rien n'égale<br />

<strong>la</strong> richesse <strong>et</strong> <strong>la</strong> solidité.<br />

Cami[,le Lemonmer.<br />

CORRESPONDANCE DE HOLLANDE<br />

L liXPOSITIOIV DE LEEUWAIîDKN<br />

III<br />

Un pliilosophe grec a dit quelque part que<br />

^'amour <strong>de</strong> l'or est nécessaire à l'espèce humaine.<br />

Je ne sais si c<strong>et</strong>te parole <strong>de</strong> Cassiodore fut connue<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> anciens Frisons, mais jamais elle ne trouva<br />

mieux son ypplication qu'en leur pays. Non-seulement<br />

l'amour <strong><strong>de</strong>s</strong> métaux précieux se traduisit<br />

<strong>de</strong> tout temps fhfiz eux par ce débor<strong>de</strong>ment d'ar-<br />

genteries dont je vous par<strong>la</strong>is dans ma l<strong>et</strong>tre précé<strong>de</strong>nte<br />

;<br />

mais encore jusqu'en ces temps <strong>de</strong>rniers<br />

il se manifesta dans le costume par un déploiement<br />

<strong>de</strong> parures, dont ou chercherait vainement<br />

l'équivalent aulre part.<br />

Rien n'est curieux comme d'assister au développement<br />

progressif <strong>de</strong> ces ornements bizarres,<br />

qu'on appelle <strong><strong>de</strong>s</strong> « fers », bien qu'ils soient presque<br />

toujours en or ou tout au moins en argent.<br />

D'abord c'est une simple tige en métal, recourbée<br />

<strong>et</strong> chargée <strong>de</strong> r<strong>et</strong>enir les cheveux, puis <strong>la</strong> tige se<br />

fait ban<strong>de</strong> ; ensuite elle <strong>de</strong>vient p<strong>la</strong>que <strong>et</strong> finalement<br />

<strong>la</strong> voilà transformée en un casque compl<strong>et</strong>,<br />

recouvrant toute <strong>la</strong> tête <strong>et</strong> l'enfermant dans une<br />

armature dorée.<br />

Chez les hommes les obj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> toil<strong>et</strong>te suivent<br />

une marche i<strong>de</strong>ntique. Les boucles, les p<strong>la</strong>ques<br />

<strong>de</strong> ceinture <strong>et</strong> les boutons fort réduits en leur<br />

principe croissent également <strong>et</strong> se développent<br />

jusqu'au jour où les armées françaises révolutionnant<br />

le pays substituent au goût dispendieux <strong>de</strong><br />

ces futilités précieuses, <strong><strong>de</strong>s</strong> habitu<strong><strong>de</strong>s</strong> plus sombres<br />

<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> préoccupations moins éblouissantes.<br />

Je vous fais grâce <strong>de</strong> tous ces bijoux en métaux<br />

<strong>de</strong> prix qui font pour ainsi dire, corps avec<br />

le costume : les montures <strong>de</strong> bourses eu or <strong>et</strong> en<br />

argent, les étuis <strong>de</strong> toutes sortes, les trousses avec<br />

châte<strong>la</strong>ines, les broches, les boucles d'oreilles <strong>et</strong><br />

les boîtes à tabac, ornements multiples ayant du<br />

reste un cach<strong>et</strong> très-particulier, un caractère parfaitement<br />

autochthone, ornés <strong>de</strong> personnages, <strong>de</strong><br />

rinceaux, <strong>de</strong> fleurs, <strong>de</strong> chevaux, <strong>de</strong> guerriers, <strong>de</strong><br />

vaisseaux <strong>et</strong> <strong>de</strong> scènes <strong>de</strong> l'évangile représentées<br />

en relief.<br />

Il me tar<strong>de</strong> en eff<strong>et</strong> d'arriver au costume proprement<br />

dit. On lui a réservé une salle spéciale.<br />

Mais pour pénétrer dans c<strong>et</strong>te salle il faut passer<br />

<strong>de</strong>vant <strong>de</strong>ux vitrines auxquelles je ne puis me<br />

dispenser <strong>de</strong> consacrer un souvenir. Elles contiennent<br />

en eff<strong>et</strong> une suite fort curieuse <strong>de</strong> fou<strong>et</strong>s à<br />

manche d'argent ou d'or donnés en prix dans ces<br />

courses si chères aux éleveurs frisons, qu'on<br />

nomme <strong><strong>de</strong>s</strong> Harddraveris.<br />

Enfin nous voici au milieu <strong>de</strong> ces costumes du<br />

vieux temps si pleins <strong>de</strong> réminiscences. Toul autour<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> pièce régnent <strong>de</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> armoires à<br />

jour, remplies d'étoffes voyantes, fleuries, damassées,<br />

chamarrées, toutes papillotantes <strong>de</strong> ramages<br />

gigantesques <strong>et</strong> <strong>de</strong> couleurs tapageuses. Au-<strong><strong>de</strong>s</strong>sus<br />

<strong>de</strong> ces robes à décors bruyants, entremêlées <strong>de</strong><br />

culottes en satin, <strong>de</strong> gil<strong>et</strong>s brochés <strong>et</strong> d habits <strong>de</strong><br />

velours, apparaissent les lingeries, les fines toiles<br />

piquées, les manches ornées <strong>de</strong> <strong>de</strong>ntelles, les cols<br />

brodés d'argent <strong>et</strong> le tout est couronné par une<br />

série <strong>de</strong> chapeaux aux formes ébouriffantes, <strong>et</strong><br />

par ces bonn<strong>et</strong>s fantastiques cachant les cheveux,<br />

ombrageant <strong>la</strong> poitrine <strong>et</strong> précédant <strong>la</strong> figure<br />

d'un mètre dans tous les sens.<br />

Quel thème à philosojiher que ces costumes entassés<br />

dans ces vitrines ! parures jadis, défroques<br />

aujourd'hui. Essayés en leur temps avec un soin<br />

délicat, appareillés avec une attention méticuleuse,<br />

comb nés avec un art particulier, portés aux<br />

grands jours avec une coqu<strong>et</strong>terie charmante; <strong>et</strong><br />

aujourd'hui documents pour les érudits, obj<strong>et</strong>s<br />

d'<strong>et</strong>ounement <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>curiosité</strong> pour le gros du public<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> moquerie pour les coqu<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> notre<br />

époque.<br />

Un philosophe ang<strong>la</strong>is, W. Bagehat, a écrit une<br />

page charmante sur <strong>la</strong> manière dont se forment<br />

les usages ; il nous montre, lui aussi, les coifl'ures<br />

<strong>de</strong> ses vil<strong>la</strong>ges <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses montagnes suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> sur-<br />

prise pour le voyageur « qui s'étonne qu'on ait<br />

pu les imaginer. Il les regar<strong>de</strong>, nous dit-il, comme<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> monstruosités qui n'ont jamais pu ^tre e;;-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!