chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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solennité qui nous rassemble, il n'y a en cause<br />
que l'art du passé. Or, quand c<strong>et</strong> art d'un autre<br />
.ige se personnifie dans un maitre tel que lUihens,<br />
quand ce passé revit dans d'aussi éc<strong>la</strong>tants ciiefsd'œuvre<br />
que ceux dont s'enorgueillis«ent vos<br />
églises <strong>et</strong> vos musées, plus que jamais les liens<br />
d'une admiration commune doivent se resserrer<br />
entre nous, <strong>et</strong> les sentiments qui nous animent<br />
se manifester hautement. L'nissons-nous donc,<br />
Mes.-ieurs, ou plutôt restons unis comme nous li;<br />
sommes pour honorer d'un cœur convaincu <strong>la</strong><br />
mémoire du peintre prodigieux qui, <strong>de</strong>puis trois<br />
siècles, remplit le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> sa gloire; pour sa-<br />
luer eu lui un homme à tous égards priviégié,<br />
puisqu'il lui a été donné d'allier l'ar<strong>de</strong>ur d'une<br />
imagination héroïque à <strong>la</strong> sérénité d'un talent<br />
toujours maître <strong>de</strong> soi, <strong>la</strong> fougue ii l'esprit <strong>de</strong><br />
métho<strong>de</strong>, <strong>la</strong> puissance dans l'invention à <strong>la</strong> science<br />
approfondie <strong><strong>de</strong>s</strong> moj'ens, <strong>et</strong>, pour tout dire enfin,<br />
l'habil<strong>et</strong>é pittoresque <strong>la</strong> plus sûre à l'abondance<br />
du plus facile génie qui fut jamais!<br />
DISCOURS DE M. CHARLES BLANC<br />
Après les digues paroles que vient <strong>de</strong> prononcer<br />
le secrétaire perpétuel <strong>de</strong> notre Académie,<br />
qu'il soit permis à un écrivain vieilli dans l'étu<strong>de</strong><br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> beaux- trts d'apporter ici <strong>de</strong>vant c<strong>et</strong>te noble<br />
effigie <strong>de</strong> Rubens, l'hommage <strong>de</strong> ceux qui ont<br />
consacré leur vie à <strong>la</strong> philosophie du sentiment.<br />
Ce n'est pas à vous, Messieurs, qu'on peut ap-<br />
lirendi'e quelque chose sur Rubens, à vous qui<br />
avez le culte <strong>de</strong> vos grands hommes, <strong>de</strong> vos grands<br />
artistes surtout, à vous que personne n'a <strong>de</strong>van-<br />
cés dans <strong>la</strong> recherche <strong><strong>de</strong>s</strong> documents dont se<br />
compose l'histoire, telle qu'on <strong>la</strong> veut aujomd'hui,<br />
jtrécise, authentique, autographe, appuyée<br />
sur d irrécusables témoignages. Je dis l'histoire <strong>et</strong><br />
non pas <strong>la</strong> biographie, parce qu'il est <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes<br />
dont <strong>la</strong> biographie s'élève aux proportions<br />
<strong>de</strong> l'histoire : Rubens est <strong>de</strong> ce nombre. Son nom,<br />
dans notre <strong>la</strong>ngue française qui est aussi <strong>la</strong> vôtre,<br />
est considéré comme le synonyme <strong>et</strong>, pour ainsi<br />
parler, comme <strong>la</strong> définition même du coloris.<br />
Ne croyez pas, cependant, que c<strong>et</strong>te qualité soit,<br />
à nos yeux, <strong>la</strong> seule qui l'ait rendu célèbre. Les<br />
dons qui constiiuentles peintres <strong>de</strong> premier ordre,<br />
Rubens les a tous :<br />
l'invention, l'ordonnance, <strong>la</strong><br />
c<strong>la</strong>rté du <strong>la</strong>ngage pittoresque, <strong>la</strong> chaleur, le mouvement,<br />
l'éc<strong>la</strong>t. Son style, s'il mrnque <strong>de</strong> pur<strong>et</strong>é,<br />
ne manque jamais <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur. Son <strong><strong>de</strong>s</strong>sin, toujours<br />
bien construit, toujours pris <strong>de</strong> haut, contient,<br />
non pas <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre, mais l'esprit <strong><strong>de</strong>s</strong> choses.<br />
11 exprime, sinon <strong>la</strong> suprême distinction du geste<br />
dans les formes choisies, du moins <strong>la</strong> justesse <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> pautomime dans les formes vivantes. Son exécution<br />
reste légère, à fieur <strong>de</strong> peau, parce qu'elle<br />
est si savante, si facilement heureuse, qu'il n'a<br />
point à y revenir. Semb<strong>la</strong>ble à un musicien qui<br />
saurait, avec une égale supériorité, inventer son<br />
poëme, en écrire <strong>la</strong> partition, en improviser <strong>la</strong><br />
mise en scène, en exécuter le chant, Rubens est<br />
à <strong>la</strong> fois <strong>et</strong> au même instant un compositeur admirable<br />
<strong>et</strong> le plus bril<strong>la</strong>nt <strong><strong>de</strong>s</strong> virtuoses.<br />
Une (b^s choses qui ont étonné l'esthétique <strong>et</strong><br />
qui rétonneront encore, c'est que <strong>la</strong> province <strong>la</strong><br />
plus reculée <strong>de</strong> l'empire <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>arts</strong>, <strong>la</strong> plus éloignée<br />
<strong>de</strong> leur première patrie, les Pays-Bas, ait vu<br />
ET DE LA CURIOSITÉ 285<br />
naître les <strong>de</strong>ux grands peintres qui <strong>de</strong>vaient i>orter<br />
au plus haut <strong>de</strong>gré l'éloquence <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur<br />
<strong>et</strong> celle du c<strong>la</strong>ir-obscur. 11 était réservé à ces <strong>de</strong>ux<br />
pays que <strong>la</strong> i)olitique a séparés, mais que le génie<br />
<strong>de</strong> l'art réconcilie, <strong>de</strong> voir <strong>la</strong> pi-inture faire briller<br />
au soleil les spectacles les plus magnifiques, «-t<br />
creuser <strong>la</strong> ])rofon<strong>de</strong>ur mystérieuse <strong><strong>de</strong>s</strong> ombres,<br />
trouver en un mol <strong>de</strong> nouvelles expressions dans<br />
les fanfares <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur <strong>et</strong> dans le silence <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
lumière.<br />
Mais, sans franchir les limites <strong>de</strong> <strong>la</strong> F<strong>la</strong>ndre, ou<br />
peut admirer que l'art f<strong>la</strong>mand, après avoir eu,<br />
au xv" siècle, les représentants iiluslres qui s'appe<strong>la</strong>ient<br />
Van Eyck, Memling, Quentin Melsys, ail<br />
été [)ersonnifié, au xvii" siècle, par Rubens. Ces<br />
vieux maîtres avaient peint les sentiments intimes<br />
dans leurs figures <strong>de</strong> fennnes, si él.ineées, si déli-<br />
cates, si virginales : Rubens i)eignit l'exlérieur<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, le rayonnement du soleil, l'éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
santé, dans ses figures sensuelles, aux caruatious<br />
opulentes.<br />
Le maréchal d'Anvers, ce forgeron <strong>de</strong>venu<br />
peintre par amour, expiimait en queUiue numi-ire<br />
l'Ame <strong>de</strong> votre art : Rubens en a exprimé le lenipérament.<br />
Loin d'imiter vos peintres du xv siècle,<br />
qui ne <strong>de</strong>vaient rien à l'influence étrangère, Kubens<br />
est allé chercher au <strong>de</strong>hors <strong><strong>de</strong>s</strong> inspirations<br />
<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> pensées. Si jamais il n'avait quitté son<br />
pays, il n'eût été peut-être qu'un autre Jordaens.<br />
En promenant son génie à travers l'Europe, il l'a<br />
développé en <strong>la</strong>rgeur <strong>et</strong> en élévation. Ce furent<br />
ses voyages en Italie, en France, à Madrid, à Lon-<br />
dres, sa jeunesse passée au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> beaux es-<br />
prits <strong>de</strong> Mantoue. ses re<strong>la</strong>tions diplomatiques<br />
avec les grands d'Espagne, ses rapports avec Marie<br />
<strong>de</strong> Médicis <strong>et</strong> Charles l" qui firent <strong>de</strong> lui, par<br />
excellence, le gentilhomme <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture. C'est<br />
en étudiant, à Venise, les Titien, les Zelolti, les<br />
Vérouèse, à Rome, le jia<strong>la</strong>is Farnèse <strong>et</strong> <strong>la</strong> chapelle<br />
Sixtiue, qu'il apprit à tout voir en grand, tout,<br />
même <strong>la</strong> couleur. C'est, enfin, parce qu'il n'a pas<br />
localisé son esprit qu'il nous a donné le drtdt <strong>de</strong><br />
venir, nous, vos amis étrangers, prendre part à<br />
ces belles fêtes auxquelles nous conviait, après<br />
votre courtoisie, le caractère d'universalité qui<br />
s'attache à <strong>la</strong> renommée <strong>et</strong> au génie <strong>de</strong> Rubens.<br />
CORRESPONDANCE D'ANGLETERRE<br />
Pour le moment, tout, dans le mmi<strong>de</strong> artistique,<br />
est en repos. Les expositions d'été sont lermées,<br />
après avoir fait <strong><strong>de</strong>s</strong> rec<strong>et</strong>tes plus que satisfaisantes<br />
malgré <strong>la</strong> mauvaise saison. Les vente?<br />
<strong>de</strong> tableaux <strong>et</strong> d'obj<strong>et</strong>s d'art sont snspeuduos, <strong>et</strong><br />
les possesseurs actuels hésiteront beaucoup h recommencer<br />
les tristes exjiériences lie l'été passé.<br />
On a vu passer <strong>de</strong> main en maiu les pins beaux<br />
spécimens à <strong><strong>de</strong>s</strong> prix dérisoires. Enfin, les expositions<br />
[irovinciales qui ont lieu en niitouine ne<br />
font qu'annoncer leur prochaine ouverture. Pnrnu<br />
ces expositions, celles <strong>de</strong> .Manciiester, <strong>de</strong> Liverpool<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> (l<strong>la</strong>sgow sont les plus dignes d'intérêt<br />
général. .\ .Manchester surtout, cité manufaclurière<br />
par excellence,coiuuierçante d'esprit. dénuée<br />
<strong>de</strong> tout charme naturel ou esthétique, mais iv>remuante<br />
<strong>de</strong> caractère, une école distincte île