chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

lions dans les petites salles enfiiinr'fs du
Trippeiihuis que dans un beau et clair palais?
C'est juste. J^ ne vois même pas [lourquoi l'on
ne pousserait pas le paradoxe jusqu'à du'c,
avec quelques enragés, que tout est au mieux
et que, puisque plusieurs t-énérations d'ai'tistes
ont vu la Ronde de nuit à cette place et sous
ce pâle rayon, qu'elle parvient à enllaniiner
par son propre rayonnement, il y aurnit sacrilège
à la montrer autrement. Le point de vue
est introuvable et sans reculée possible, ([n'importe
! Tous
les visiteurs, à bout de tâtonne-
ments, vont s'entasser dans la pénombre
ménagée par l'entre-deux des fenèlres qui
donnent sur les eaux croupissantes du canal,
qu'importe! Le cadre est misérable, Tinclina'son
nulle, d'épaisses et luisantes couches de
vernis viennent ajouter leur miroitement aux
miroitements d'un éclairage de côté, ipi'ininorte
encore! si le chef-d'œuvre de Rembrandt
jierce toutes les ombies, recule toutes les
distances, triomi)he de tous les rellets. .le
consigne cependant dans ces notes mon humble
\oiU, bien persuadé que sous une belleet
enveloppante lumière, venant creuser ses pro-
l'ond«ui*s et éclairer ses ombres, la [)rodigieuse
création de Rembrandt acquerrait des
splendeurs inconnues.
Je l'ai revue et longuement revue. J'aurais
peut-être à mon tour à ajouter quelques réllesions
à toutes celles qui ont déjà été faites
ou écrites. Ce n'est ici ni le temps ni h; liuu.
Je ferai seulement cette remarque, qni peut
expliquer bien des critiques, c'est que l'oeuvre
rembraneï-quH est loin de se livrer du premier
coup, qu'elle ne s'impose que peu à ()eu à Tteil
désorienté par le voisinage de la claire et limpide
peinture de Van der Helst, qu'elle demamle
du spectateur une certaine volonté à la
pénétrer, en acclinuitant peu à peu son regard,
une certaine passion à l'interroger, en oubliant
les biza' reries choquantes, pour ne pas
dire les défauts, da la conception, du sujet et
du parti-pr.s de la composition, qui déroutent
les prijc ''dé ^ ordinaire-; de critique ; entin une certaine
patience à i isoler peu à peu de tout ce
qui l'entoure, je dirai plus, de tout ce (jue l'on
a vu et appris avant. Laissant de côté les admirations
toutes faites, les enthousiasmes de
commande, j'aflirme que ceux, et ils sont
nombreux même parmi les juges que h'ur
métier oblige, qui n'ont pas regardé longuement,
avec insistance, en s'y reprenant à plusieurs
fuis, à des heures et à des jours ditférents,
la lionde de nuit, ne l'ont jj^s vue, ne la
connaissent pas, ne peuvent la mesurer. Chose
étrange, c'est peut-être l'œuvre de la [tein;
ture qui subjugue le plus à la longue et qui
s'impose le moins. Dans un ordre de sensations
plus hautes et plus immatérielles, la Cène
de Léonard produit un eifet analogue; de
même les fresques de Ra[)haêl à la Cliamhre
de la Signature. Ici, sous les brouillards de lu
Hollande, ce sont les poésies intenses de la lumière"
là-ba-', sous les lumières étincelaules du
ciel de l'Italie, ce sont les beautés mora es, les
harmonies plastiques. Ici et lii le mystérieux,
r-indèliuissable de l'art se trouve au nn-me de-
gré.
Depuis ma précédente visite, le musée s e^f
KT DE LA CURIOSrriC :h>
e'.richi de deux Icffs importante : celui de
-M. Diipper, d' celé à Dordreclit le i- mars 1870,
et celui de M"" Liutard, dècèdéo lo 27 Janvier
1873. [.»; premier de ces legs cumpreinl iiiie
soixantaine diï tableaux de l'ancienne écolo
hollandaise, parmi lesquels il faut citer, enlri
autres rares et curieux tableaux, l'un de>
chefs-d'd'uvre, le clief-d'œuvri- peul-èlr'.\ pitu.-
la qualité de l'exéculion, de Jean Slcen, 1 1 Fi'le
du prince; le secuml se compose d'une «uite
charmante de ipiatorze portraits du pastelli-te
genevois Jean-Ktieune Liotard (1702 17'J'i.
Liotard avait vécu pendant seize ans, de I7j(i
à 1772, en Hollandt; et s'y él ait marié.
La derniéi e édition du ('(tf'i/of/Hfi des tuhleaux
du musée d' Xinstirditin, avec fac-siniile dfs
marijnes, dates et signatures, conlii-nt li notice
de ces nouveaux tableaux. (Juant auv acquisitions
faites avec les dt.'uiers municipaux,
(dies sont nulles ou pres([ue nulles, à La U.iyc
comme à Amsterdam.
Rien n'a été changé non plus au musée
Van dcr Hoop. Les cliefs-d'ieiivre iue-.limables
de Pieter de Hoocli, de Mel/u, de V.m
Osladi', de Potteret de Woinvcf m;m alteruleiii.
toujours un local digne d'eux.
.\.u moment di; mon pas>aue à .\msler
dam, deux événements passionnaient l'atlention
publique : la mort de M. Tliiers et la
vente à la famille llotliscliild, de Paris, d-;
la galerie de la louairièie Van Loon, pmir l.i
somme formidable de trois millions quatre
cent mille francs. On sait l.i qualité superlative,
l'état de conservation, des principaux
morceaux réunis dans ce célèbre cabim-l.
Le gouvernement néerlandais avait fait dos
otfres, avait deinaiulé des dèbiis, en attendauL
l'ouverture des chambres, ([ui n'avaient pas «^ lé
acceptés par la famille. La muivelle du départ
de cette collection pour l'étranger |u-it les proportions
d'une calamité publique. Kl de l'ait, il
ne faudrait plus beaucoup de saignées comme
celles de la collection V-m Hrienen et de l.i
collection Van Loon pour décapiter l'art hollandais
en Hollande de ses plus beaux Meurons
(I). -
•
La première exposition d'art
I
indn>t lel qui
vient d'être inaugurée ici a fait aussi i[uclque
bruit. Ou a fait les plus loiiaides etl'orl.-. pour la
taillersurli^ [tatr n denosexposiliorisile l'Oii'oii
centrale. Quoiiiu on n'y soit point parvenu, ce'a
va sans dire, elle ne doit |)i)ii\l être nièiuiiée.
surtout en ce sens qu'elle e>t un point d.- de-
]iart et qu'elle témoig'-e d'nm' vraie bonn^ volonté
de la part d'un pays qui pour les industries
d'artètaitcomplét.Mnenl' esté en dehors du mouvemeni
moderne. Deux commissaires rran
sont venus représenter notre pays: M. Kdouard
André, l'honorable président de Winon cntnde,
et M. Alfred Darcel, radniinislraleiir des
Cobelins; c'est dire que la Krance parlici|)ail
de cœur à celte luemière leiilatne. Non- en
(I) i-a foilepliou Van l.«