chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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352 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />
Venise, le 18 novembre <strong>1877</strong>.<br />
Monsieur le Directeur, dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière livraison<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaz<strong>et</strong>te <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts <strong>et</strong> précisément<br />
dans l'article <strong><strong>de</strong>s</strong> «<strong><strong>de</strong>s</strong>sins d'Albert Durer», je vois<br />
que M. Thausing affirme que le modèle <strong>de</strong> trois têtes<br />
<strong>de</strong> lion faites par Durer a été emprunté à un p<strong>et</strong>it<br />
lion qui orne aujourd'hui <strong>la</strong> Piazz<strong>et</strong>ta <strong>de</strong>i Leoni.<br />
C<strong>et</strong>te p<strong>la</strong>ce, à gauche <strong>de</strong> <strong>la</strong> faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'église<br />
Saint-Marc, a tiré son nom <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux p<strong>et</strong>its lions<br />
en marbre rouge sculptés en 1722 par Giovanni<br />
Bonazza par ordre du Doge Alvise III Moccuigo.<br />
Avant ce temps, c<strong>et</strong>te p<strong>la</strong>ce était un marché aux<br />
herbes. (V. Cicogna Zibaldone.)<br />
C<strong>et</strong>te affirmation <strong>de</strong> M. Thausing est donc une<br />
gran<strong>de</strong> erreur, parce que ces lions ont été faits<br />
trois siècles après le séjour d'Albert Durer à Venise.<br />
Mais <strong>la</strong> Gaz<strong>et</strong>te a raison quand elle dit qu'un<br />
lion vivant doit avoir posé <strong>de</strong>vant Durer.<br />
A Venise, il y eut pendant plusieurs siècles une<br />
p<strong>et</strong>ite ménagerie dans <strong>la</strong>quelle on tenait <strong><strong>de</strong>s</strong> animaux<br />
que les princes avaient envoyés aux Doges.<br />
Marin Sanudo dans le livre : Vite <strong>de</strong>i Dogi, a tiré<br />
du III« livre, Pactorurn, un curieux document du<br />
xiv" siècle. Le roi Frédéiic <strong>de</strong> Sicile avait donné<br />
au Doge Sarranzo, en 1316, un lion <strong>et</strong> une lionne.<br />
Pour tenir ces animaux, on avait construit dans<br />
le pa<strong>la</strong>is ducal une cage en bois, où tout le mon<strong>de</strong><br />
les pouvait voir, <strong>et</strong> trois mois après, selon ledit document,<br />
le 12 septembre 1316, dicta konissa pepe-<br />
rit per naturam, sicut animalia faciunt, très leoninos<br />
vivos <strong>et</strong> pilosos, qui stati?n nati, vivi inceeperimt<br />
se movere, <strong>et</strong> ire circum matrem, per<br />
ipsam cameram... Et unus ipsorum animalium est<br />
masculus <strong>et</strong> alia duo sunt femina.<br />
Signé : Joanues Marchesini.<br />
Ducatus Ven<strong>et</strong>iarum Notarius.<br />
Après <strong>la</strong> reconstruction du pa<strong>la</strong>is ducal, celte<br />
ménagerie fut transportée dans un édifice qu'on<br />
voit sur quelques tableaux <strong>de</strong> Canal<strong>et</strong>to, où se<br />
trouve maintenant le jardin Royal.<br />
[Gui<strong>de</strong> <strong>de</strong> Venise par Zauotto. Note à <strong>la</strong> Piaz-<br />
z<strong>et</strong>ta, page 111.)<br />
Voilà <strong>de</strong> l'histoire.<br />
Je vous prie, monsieur le directeur, d'agréer, <strong>et</strong>c.<br />
Ant. <strong>de</strong>ll.\ Rovere.<br />
ADDITIONS AUX RUBENIANA<br />
Perm<strong>et</strong>tez-moi <strong>de</strong> signaler à votre attention <strong>et</strong><br />
à celle <strong>de</strong> vos lecteurs, comme pouvant être<br />
ajoutées au recueil RiibeJiiana dont parle M. Ca-<br />
mille Lemonnier daus le <strong>de</strong>rnier numéro <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Chronique, plusieurs l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> Rubens ou concernant<br />
llubens qui se trouvent dans les volumineux<br />
manuscrits <strong>de</strong> Peirese déposés à <strong>la</strong> bibliothèque<br />
<strong>de</strong> Carpentras. Quelques-unes <strong>de</strong> ces l<strong>et</strong>tres ont<br />
déjà été publiées par M. Emile Cach<strong>et</strong> dans les<br />
L<strong>et</strong>tres inédites <strong>de</strong> Rubens, mais toutes ne l'ont<br />
]ias été, <strong>et</strong> leur transcription pourrait, ce me<br />
semble, augmenter l'intérêt du curieux recueil<br />
Ixubeniana.<br />
Grâce à l'obligeance <strong>de</strong> M. Banes, bibliothécaire<br />
<strong>de</strong> Carpentras, j'ai pu citer quelques extraits<br />
<strong>de</strong> ces l<strong>et</strong>tres dans ma biographie <strong>de</strong> Maugis,<br />
a])bé <strong>de</strong> Saiut-Ainbroise, dans les Amateurs d'au-<br />
trefois.<br />
L. Cléiiient <strong>de</strong> Ris.<br />
LES PORTRAITS DE LA FORNARINA<br />
PAR Raphaël.<br />
(Fin.)<br />
III<br />
Le portrait <strong>de</strong> <strong>la</strong> galerie Pitti, <strong>de</strong> 1517 à 1519,<br />
offre un frappant contraste avec celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> gale-<br />
rie Barberini. La figure, coupée à mi-corps, est<br />
vue <strong>de</strong> trois qu<strong>arts</strong> à gauche. On y reconnaît les<br />
mêmes caractères principaux que dans le portrait<br />
peint vers 1514, mais avec une recherche d'arrangement,<br />
une accentuation spéciale <strong>de</strong> ce qu'il y a<br />
<strong>de</strong> noble dans les traits, un effacement prémédité,<br />
ou plutôt une atténuation <strong><strong>de</strong>s</strong> parties défectueuses,<br />
dont il n'y avait pas trace dans <strong>la</strong> précé<strong>de</strong>nte<br />
peinture. Sur le visage, que le peintre tout à<br />
l'heure inondait <strong>de</strong> c<strong>la</strong>rté, comme pour montrer<br />
dans toute sa crudité <strong>la</strong> vérité vraie, l'ombre <strong>et</strong><br />
<strong>la</strong> lumière sont maintenant distribuées avec un<br />
art qui fait ressortir, par <strong><strong>de</strong>s</strong> oppositions savantes,<br />
les caractères dominauts <strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté. Grâce à<br />
l'habile arrangement <strong><strong>de</strong>s</strong> cheveux, qui flottent en<br />
on<strong><strong>de</strong>s</strong> harmonieuses jusque sur les tempes, l'ovale<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> tête, tout en conservant sa forme primitive,<br />
semble s'être allongé. Les traits, en même temps,<br />
ont gagné <strong>de</strong> <strong>la</strong> distinction, <strong>de</strong> <strong>la</strong> grâce. Le turban<br />
<strong>de</strong> l'odalisque, qui donnait à ce visage quelque<br />
chose d'étrange, a été remp<strong>la</strong>cé par le long<br />
voile italien, qui lui imprime un remarquable caractère<br />
<strong>de</strong> noblesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> dignité. Le front, dont<br />
<strong>la</strong> <strong>la</strong>rgeur est atténuée par les cheveux qui le<br />
couvrent sur les côtés, semble, en son milieu,<br />
avoir plus <strong>de</strong> hauteur. Les yeux noirs ont conservé,<br />
avec leur même franchise, leur primitive beauté<br />
<strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sin : naguère en pleine lumière, leur<br />
éc<strong>la</strong>t avait quelque chose <strong>de</strong> presque blessant à<br />
force <strong>de</strong> vivacité ; sous les ombres transparentes<br />
qui les couvrent ici, ils prennent plus <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> r<strong>et</strong>enue. Le nez, sans avoir gagné<br />
beaucoup <strong>de</strong> finesse, semble plus allongé. La bouche<br />
est moins naïvement sensuelle. Le menton<br />
gar<strong>de</strong> son accentuation bien romaine. Les joues<br />
sont moins ron<strong><strong>de</strong>s</strong>. Une certaine égalité <strong>de</strong> ton<br />
s'est répandue sur tout le visage, qui a perdu les<br />
vives colorations qu'il avait quelques <strong>année</strong>s auparavant.<br />
La femme aimée <strong>de</strong> Raphaël ne se montre<br />
plus qu'avec une certaine réserve. La poitrine<br />
<strong>et</strong> les épaules disparaissent sous le vêtement,<br />
mais ou sent qu'elles ont <strong>la</strong> même élégance que<br />
par le passé. Les bras <strong>et</strong> les mains sont p<strong>la</strong>cés à<br />
peu près, dans ce portrait vêtu, comme dans le<br />
portrait déshabillé du pa<strong>la</strong>is Barberini.<br />
Malgré le charme qui se dégage <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te peinture,<br />
on reste <strong>de</strong>vant elle dans une certaine indécision.<br />
On reconnaît <strong>la</strong> Fornarina ; mais une<br />
Fornarina vue pour ainsi dire <strong>de</strong> loin, métamorphosée,<br />
<strong>de</strong>venue gran<strong>de</strong> dame. Plus rien <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />
franchise imprévue jusqu'à l'étrang<strong>et</strong>é, <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te<br />
vérité rigoureuse jusqu'à <strong>la</strong> crudité, que nous<br />
signalions tout à l'heure. La tenue maintenant<br />
confine à <strong>la</strong> hauteur. Le modèle ne posait peut-<br />
être pas assez dans son premier portrait, le voilà<br />
qui pose presque trop dans le second ; <strong>de</strong> sorte<br />
qu'après s'être étonné <strong>et</strong> même un peu scandahsé<br />
<strong>de</strong> l'avoir vu se livrer avec trop d'abandon, on<br />
est tenté <strong>de</strong> lui en vouloir ensuite d'un peu trop