chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

NECROLOGIE
Nous apprenons avec un très-vif regret la
mort de M. Léon Belly, peintre, emporté
presque subitement par une méningite, à
l'âge de cinquante ans. Il venait de terminer
et avait envoyé deux tableaux au Salon de
cette année.
Un des tableaux de M. Belly, les Femmes
fellahr^ (salou de 1861), avait obtenu un vif
succès, et il avait été popularisé par la gravure
et par la lithogiaphie. Médaillé à diverses
Expo-itions, la médaille de première classe lui
avait été décernée en 1861, et il avait été décoré
en 1862.
CORRESPONDANCE D'ANGLETERRE
Sir John Lulibock, membre du Parluaient, archéologue,
homme de science et banquier, vient de
remporter sur le gouvernement une petite victoire
qui pourrait amener de grands résultats. Jusqu'ici
eu Angleterre, Ft-tat n'a jamais reconnu officiellement
les monuments historiques, et à chaque
effort qu'on a fait pour mettre les restes des an-
ciens régimes sous la protection de l'arlministra-
tiou, le cri qu'on meuaçait la liberté individuelle
et qu'on envahissait la propriété particulière, s'est
fait entendre. Sir John Lubbock fait partie du
groupe des radicaux philosophes, comme on les
appelle à la Chambre, groupe que certes personne
ne saurait accuser de vouloir subordonner les individus
à l'État. Ils ont pourtant tous appuyé leur
collègue dans sa demande de mettre à l'abri des
Vandales et sous l'égide de l'État les restes du
passé, comme le Stouebenge — notre Carnac —
et d'autres souvenirs des Celtes, des Druides, des
Bretons, des Saxons et des Romaias. Cette année,
c'est le ministère conservateur qui, sous prétexte
de sauvegarder la liberté de chaque propriétaire
voulait lui donner le droit d'être iconoclaste à sa
fantaisie. Heureusement la chambre a fait preuve
d'un pf'u plus de patriotisme que ses chels du
banc ministériel, qui, à la seconde lecture du ii/l,
ont été laissés dans une minorité éclatante. U"après
les coutumes de notre vie parlementaire, le principe
du bill est ainsi affirmé, et il ne reste plus
qu'à en discuter les détails, qui sont très-simples,
et de préciser — tâche plus délicate — ce qui cons-.
titue un monument historique, eu lui donnant à
jamais le droit d'échapper aux destructeurs ainsi
qu'aux restaurateurs iueptes.
Les spécimens de travail à l'aiguille (Art Needlework)
qui avaient été envoyés à Philadelphie sont
maintenant exposés à South-Kensiugton, et méritent
l'attention du public taut pour le mérite artistique
des dessins et l'excellence du travail, que par ce
fait que les promoteurs de ce genre d'ouvrage ont
ouvert un débouché nouveau et fort lucratif aux
femmes ayant le talent artistique nécessaire.
Les tapis, couvre-pieds, rideaux et garnitures
d"après les dessins de MM. Walter Crâne, Poynter,
Armstrong, Albert Moore sout de vrais chefsd'œuvre
dans leur genre.
ET DE LA CURIOSITÉ 121
Le directeur do la National-Gallery vient de
présenter au Parlement sou rapport annuel. Pendant
l'année qui vient de s'écouler les principaux
achats ont été trois portraits -par Giambattista
Moroni et un autre par Allessandro Bonvicino.
Les quatre tableaux étaient, autrefois à la Casa
Fenaroli à Brescia, Ils ont été ach.lés à Milan
pour 125.000 francs. Une tète de feunne par Franz
Hais a été acbf-tée poiu- 2.625 francs. Parmi les
legs, celui de Wynn EUis de 94 tableaux, tous
tableaux anciens, est le seul qui ait une certaine
importance. Ils remplissent une salle spéciale, portant
le nom du légataire à la National-Gallery.
Le Musée Britannique a envoyé le surintendant
des Antiquités, M G. F. Newton en Grèce pour
dresser un rapport sur les découvertes faites par
le Dr Schliemann à Mycèues, et en même temps
lui a confié la tâche plus délicate encore de s'entendre
avec le gouvernement hellénique pour
l'achat d'une partie des objets qui lui semblent
mériter le haut nom de u trésors » que le docteur
enthousiaste leur applique.
{A suiv)'e.) Lionel Robinso.n.
BIBLIOGRAPHIE
Étude sur le triptyque d'Albert Durer, dit le T\-
Bi.EAu d'autel de Heller, par Charles Ephrussi.
Paris, Jouaust, 1876, 1 vol. gr. iu-4", orné de
25 gravures tirées hors texte.
Le volume que notre ami et collaborateur,
M. Charles Ephrussi vient de publier chez l'éditeur
Jouaust, est d'un luxe vraiment royal. Nous
n'avons aucun embarras à le dire, quoique le
texte de ce travail ait paru antérieurement pour
la majeure partie dans la Gazette : personne ne
sera tenté de nous contredire. Il est dans des conditions
rares d'intérêt et d'agrément. De patientes
recherches ont permis à l'auteur d'édifier la monographie
comidète d'un des plus célèbres tableairs
de Dui'er. L'entreprise était neuve de suivre ainsi
'pas à pas une œuvre d'art, « depuis son éclosion
jusqu'à son entier achèvement, sur les indications
précises et détaillées du maître «, et de donner de
sa main même le commentaire de sa pensée;
l'entreprise n'était pas sans écueils; elle a été
menée avec beaucoup de bonheur et de sagacité.
Ou nous reproche de ne point aimer assez le
grand peintre de Nuremberg, ce qui pourrait
paraître étrange à ne considérer que la jiart que
nous lui avons faite et que nous lui ferons encore
dans la Gazette. Il est vrai 'que nous eussions
préféré que la même fortune advînt à la Joconde
du Vinci ou à la grande Sainte Famille de Raphaël;
il est vrai encore que notre admiration est
semée de restrictions et de réserves. Mais ici,
M. Ephrussi nous prend par notre faible : par les
dessins. Pouvons-nous aller plus loin en disant que
Durer est au nombre des cinq ou six maîtres qui
ont produit les plus beaux dessins? Il est parfois
si fort que je ue vois à lui comparer pour tel
morceau d'étude que le grand Léonard lui-même.
C'est, à nos yeux, ce qui donne tnie valeur si originale
aulivre de M. Eplirussi. Parmi les -2:i gravures