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chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

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24 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />

Je TOUS remercie cordialement <strong>de</strong> vous être<br />

adressé au vieil abonné <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaz<strong>et</strong>te qui fut un<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> amis <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> app<strong>la</strong>udisseurs les plus convaincus<br />

<strong>de</strong> M. Bruyas.<br />

Jacques-Louis-Alfi'ed Bruyas", né le 13<br />

août 1821, à Montpellier, fit son éducation au<br />

collège <strong>de</strong> Sorèze. D'une constitution frêle <strong>et</strong><br />

délicate, son intelligence ne se développa qu'avec<br />

une certaine difficulté <strong>et</strong> ses étu<strong><strong>de</strong>s</strong> durent<br />

nécessairement s'en ressentir. Au sortir du<br />

collège, ses parents pour ratfermir sa santé<br />

l'envoyèrent à Rome, où il se lia bientôt avec<br />

son compatriote Cahanel, alorspensionnaire<strong>et</strong><br />

grand prix <strong>de</strong> l'Ecole <strong><strong>de</strong>s</strong> Beaux-Arts. La vue<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> chefs-d'œuvre <strong><strong>de</strong>s</strong> grands maîtres <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />

fréquentation du cénacle <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes français<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> vil<strong>la</strong> Médicis furent <strong>la</strong> source où il puisa<br />

ce goût <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te passion <strong>de</strong> l'art qui dominèrent<br />

<strong>et</strong> absorbèrent sa vie, <strong>et</strong> il s'y abandonna<br />

avec toute l'ar<strong>de</strong>ur d'une âme délicate, nerveuse<br />

<strong>et</strong> impressionnable. Doué d'une intuition<br />

<strong>et</strong> d'une c<strong>la</strong>irvoyance instinctives qui furent<br />

son principal gui<strong>de</strong> <strong>et</strong> ne le trompèrent<br />

jamais, il fut un <strong><strong>de</strong>s</strong> premiers à distinguer <strong>et</strong><br />

à recherclier dans "le mouvement romantique<br />

<strong>de</strong> 1830 les hommes qui <strong>de</strong>vaient en tenir le<br />

sceptre <strong>et</strong> dominer <strong>de</strong> tout leur éc<strong>la</strong>t l'école<br />

mo<strong>de</strong>rne, <strong>et</strong> surtout De<strong>la</strong>croix pour lequel il<br />

professa une admiration sans bornes <strong>et</strong> un<br />

véritable culte 2.<br />

Ce fut à <strong>la</strong> vente du maréchal SouJt (mai<br />

1832), que pour <strong>la</strong> première fois De<strong>la</strong>croix se<br />

trouva en présence <strong>de</strong> M. Bruyas. C<strong>et</strong>te figure<br />

distinguée reflétant sous sa fragile enveloppe<br />

une âme ar<strong>de</strong>nte <strong>et</strong> passionnée, comme consumée<br />

pai" un feu intérieur, fut pour le peintre<br />

d'Haml<strong>et</strong> une si saisissante révé<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> ce<br />

type caressé <strong>et</strong> poursuivi par lui qu'il désira<br />

immédiatement en faire le portrait; c'est celui<br />

qui se trouve dans <strong>la</strong> galerie <strong>et</strong> qui en est<br />

avec <strong>la</strong> réduction du tableau du Luxembourg,<br />

Les Femmes d'Alger, <strong>la</strong> perle <strong>la</strong> plus précieuse.<br />

L'achat du tableau <strong><strong>de</strong>s</strong> Baigneuses mit bientôt<br />

en rapport le peintre d'Oman- <strong>et</strong> M. Bruyos,<br />

dont il lit un grand portrait en 1853. L'<strong>année</strong><br />

d'après, Courb<strong>et</strong> se rendit sur son invitation à<br />

Montpellier pour y peindre le r<strong>et</strong>entissant tableau<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Eenooatre, le profil <strong>de</strong> lÂ. Bruyas<br />

<strong>et</strong> son propre portrait également <strong>de</strong> profil."<br />

Ce fut aussi vers c<strong>et</strong>te époque que les<br />

sentiments les plus chers <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nature si<br />

impressionnable se trouvèrent péniblement<br />

alfectés par <strong>la</strong> publication dans <strong>la</strong> Revue <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

1. L'acte <strong>de</strong> l'état-civil ci-après ne porte que les prénoms<br />

<strong>de</strong> Jacques-Louis, celui d'Alfred lui fut donné sur<br />

les fonds baptismaux.<br />

Jacques-Louis Bruyas, né le 15 août 18'21, à Montpellier,<br />

maison Lapeyra<strong>de</strong>, Grand'Rue, fils légitime <strong>de</strong> Jacques<br />

Bruyas <strong>et</strong> <strong>de</strong> Françoise-Félicité Deidier.<br />

2. M. Bruyas a désiré que sa décoration <strong>et</strong> <strong>la</strong> bague<br />

qu'il avait toujours portée fussent réunies après sa mort<br />

dans le même cadre, aux reliques du grand artiste qu'il<br />

possédait : <strong>la</strong> croix d'officier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Légion-d'IIonneur, <strong>la</strong><br />

couronne d'immortelles <strong>et</strong> le crêpe funèbre poses sur son<br />

cercueil, <strong>la</strong> pal<strong>et</strong>te <strong>et</strong> les pinceaux dont il se servit pour<br />

peindre le Massacre <strong>de</strong> Scio.<br />

Deux-Mon<strong><strong>de</strong>s</strong> d'une œuv^e où l'imagination <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>uieur <strong><strong>de</strong>s</strong> Excentriques avait peut-être<br />

pris uce trop libre carrière.<br />

Malgré <strong><strong>de</strong>s</strong> difficultés, <strong><strong>de</strong>s</strong> luttes <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> sacrifices<br />

<strong>de</strong> toutes sortes, avec une persistance<br />

opiniâtre, M. Bruyas poursuivit son idée, <strong>et</strong><br />

désirant lui donner <strong>la</strong> consécration d'utic<br />

oeuvre nationale <strong>et</strong> civique, il adressa, le 14 octobre<br />

1868, <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre suivante au maire <strong>de</strong><br />

Montpellier.<br />

Montpellier, 14 septembre 18GS.<br />

Monsieur le maire <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Moulpellier.<br />

J'ai le bonheur <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r divers tableaux <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

peintres contemporains, <strong>et</strong> comme j'ai toujours<br />

pensé tpie les œuvres du génie appartenant à <strong>la</strong><br />

postérité doivent sortir du domaine privé pour<br />

être livrées à l'admiration publique, je viens<br />

aujourd'hui otTrir ma galerie à <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Montpellier,<br />

vou<strong>la</strong>nt ainsi concourir, dans <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong><br />

mes forces, au développement du progrès artis-<br />

tique.<br />

Si dans ma collection, si <strong>la</strong>borieusement formée,<br />

je n'avais été soutenu par mon excellent<br />

père, tous mes efforts eussent été impuissants ; à<br />

moi donc le pieux <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> perpétuer le souve-<br />

nir <strong>de</strong> ses <strong>la</strong>rgesses en <strong>de</strong>mandant que ma j^alerie<br />

porte son nom. Si vous pensez que ma proposition<br />

ait chance d'être accueillie, vous m'obligerez<br />

en m'honoraut d'une réponse ; nous aurions<br />

ensuite à nous entendre ensemble sur <strong>la</strong> question<br />

<strong>de</strong> détail.<br />

Agréez, je vous piie, monsieur le maire, l'assurance<br />

<strong>de</strong> ma considération <strong>la</strong> plus distinguée.<br />

Signé : Alfred Bruyas.<br />

Voici <strong>la</strong> teneir <strong>de</strong> <strong>la</strong> réponse <strong>de</strong> M. le maire<br />

<strong>de</strong> Montpellier :<br />

Monsieur Bruyas,<br />

Montpellier, 27 octobre tS68.<br />

J'ai eu l'honneur <strong>de</strong> donner lecture au Conseil<br />

municipal, dans <strong>la</strong> réunion qui vient d'avoir lieu,<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre par <strong>la</strong>quelle vous voulez bien offrir<br />

votre galerie <strong>de</strong> tableaux à <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Mont-<br />

pellier.<br />

Le Conseil a entendu <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre<br />

avec un sentiment profond <strong>de</strong> reconnaissance.<br />

Votre galerie est <strong>de</strong>puis longtemps hautement<br />

appréciée dans le mon<strong>de</strong> artistique.<br />

Elle est l'œuvre d'une intelligence élevée, d'une<br />

persévérance qui ne s'est jamais démentie, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

sacrifices pécuniaires considérables. Répondant à<br />

toutes les exigences, elle présente un ensemble <strong>de</strong><br />

chefs-d'œuvre dont notre musée aura le droit<br />

d'être fier au miUeu <strong><strong>de</strong>s</strong> richesses dont il est eu<br />

possession<br />

Veuillez croire, monsieur, qu'en vous disant ici<br />

que nous sentons vivement toute l'importance artistique<br />

<strong>de</strong> votre donation <strong>et</strong> que nous en<br />

sommes profondément reconnaissants, je n'exprime<br />

que faiblement les sentiments <strong>de</strong> l'Administration<br />

<strong>et</strong> du Conseil.<br />

La délibération énonce qu'une salle sera spécialement<br />

affectée, au Musée, à votre collection ;<br />

qu'elle portera le nom <strong>de</strong> Galerie Bruyas, conformément<br />

au vœu que votre piété filiale a exprimé<br />

d'une manière si touchante dans votre l<strong>et</strong>tre <strong>et</strong><br />

que vous en serez le conservateur pendant toute<br />

votre vie.

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