chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

sus; avait déclaré que les armures devaient
être considérées comme monuments d'art et
comme musée, et devaient en conséquence rester
la propriété de l'Etat.
La théorie émise par lu liste civile, que ces
objets ne sont que des produits de l'industrie,*
qui ne peuvent avoir d'autres caractères, ne
peut être soutenue un seul instant, et si la
convention avait déclaré que le musée de Pierrefonds
devait appartenir au domaine privé,
ce n'était évidemment point en conséquence
de cette théorie, mais par suite d'une transaction
par laquelle la propriété du musée galloromain
de Samt-GermaiQ était cédée à l'Etat.
Nous avons, il y a quelques jours, visité
cette collection au Lousre, où elle est déposée
mais non exposée, dans des vitrines derrière
des rideaux, qui en dérobent la vue au
public. K On ne saurait, comme dit le proverbe,
di-^puter des goûts et des couleurs. »
Mais quelque dépourvu de sens artistique (jue
l'on puisse être, jiour qualifier ces armes et
ces armures de ferblanterie, ainsi que nous
l'avons entendu de la bouche de personnes
intéressées dans la question, il faut pousser le
dévouement jusqu'à 1 héroïsme. Nous ne connaissons
point le musée de Turin, ni celui de
Tsarskoë-Selo, ni Varmeria de Madrid, et nous
ne pouvons établir de comparaison entre ces
collections célèbres et celle de Pierrefonds,
mais des amateurs compétents estmient que
cette dernière contient des pièces aussi précieuses.
Prétendre que l'épée et la d.igue de
Henri II, inscrites sous le n" '234, ornées d'émaux
cloisonnés à fond d'or, de figures émaillées,
que les armures 2, 3, 4 et o, les arquebuses
françaises et allemandes, enrichies d'incrustations
en ivoire et en or, de bas-reliefs
sculptés avec un art exquis sont de la quin-
caillerie, autant vaudrait dire c|ue ia Belle
Jard niére, la Muitre)>.se du Titien sont des
devants de cheminées. Ce n'est point une hérésie,
mais un véritable sacrilège. La collection
de Pierrefonds avait été formée d'ailleurs
avec la collection du prince Soltikoft', qui
était un des amateurs d'armures les plus érudits,
avec des lots d'armes provenant du musée
du Louvre dont les conservateurs possèdent
dans les questions d'art une compétence
qu'on ne peut guère contester. La date de sa
formation remonte à 1881, époque de la vente
de la collection du prince Soltikotf, qui la
céda pour la somme de trois cent mille francs,
sous la réserve exp esse, nous a atlirmé une
personne très-digne de foi, que sa collection
servirait à former le noyau d'un musée national
d'armes et d'armures. Malheureusement,
cette attirmation qui résoudrait déhnitivement
la question ne repose sur aucun document
écrit; elle a été formulée dans une conversation
par le prince SolLikoif, il y a déjà nombre
d'années, et e le ne pourrait servir de témoignage
sérieux devant la justice.
La collection se compose de o'2o pièces, dans
un état parfait de conservation et scrupuleusement
cataloguées par feu PenguUly L'IIaridon,
directeur du Musée d'artillerie. Après le
4 septembre, elle fut soigneusement emballée
dans des caisses et transportée au musée du
Louvre, où elle est conliée aux soins de M.
ET DE LA CURIOSITE 73
Barbet de Jouy, le savant conservateur de la
Renaissance et du Moyen-Age.
Si l'empereur, comme l'objectait la commission
parlementaire, avait voulu conserver
la propriété de ces armes, il devait, instruit
par un précédent dont l'analogie est frappante,
faire des réserves expresses, comme
l'avait fait le r(ù Louis-Philippe, en plaçant
au Louvre le musée Standish et la collection
des tableaux espagnols qu'il avait achetés des
deniers de la liste civile. Il est encore un fait
important que nou . n'avons point vu dans le
rapport de la commission, et qui nous parait
être un argument assez plausible en faveur de
sa thèse. L'empereur n'avait-il pas au château
de Saint-Cloud une collecti' n particulière
d'armes, placée dans le salon de stuc, et qui
se composait de fusils, de haches d'armes, de
masses d'armes, de' boucliers, etc.?
Quant au musée chinois de Fontainebleau,
formé en majeure partie avec des objets [irovenant
du pillage du Palais d'Eté, la commission
extra-parlementaire de 1872 avait décidé
que ces objets avaient plutôt un caractère
industriel qu'artistique (!!); qu'ils offraient un
assemblage de curiosités qui n'avait pas le
caractère d'un véritable musée et qu'en conséquence
ils ne constituaient pas un monument
de rart(l 1). Leur placement dans certaines
salles du palais de Fontainebleau ne révélait
aucune intention définitive et irrévocable, et
par tous ces motifs, elle avait reconnu le musée
chinois propriété de l'impératrice. La
commission parlementaire en a jugé autrement,
avec raison à notre avis. Dans son opiniim,
l'origine même des objets offerts à l'impératrice
est un argument irrélutable contre la
décision de la première commission. Ces objets
ont été pris par l'armée française dans le
Palais d'Eté; ils ont été achetés avec le sang
de nos soldats et par conséquent ils doivent
être considérés comme butin de guerre.
En même temps que ces deux questions, le
musée chinois et la collection de Pierrefonds,
le tribunal aura à décider de la propriété de
tableaux, statues et autres objets d'art acquis
par Napoléon III pen'dant son règne et qui ne
figurent pas comme appartenant à l'Etat sur
les inventaires ou catalogues des musées nationaux.
La liste civile a choisi trois avocats, dont
M« Grandperret, pour soutenir ses revendications.
M'= Victor Lefranc est chargé des intérêts
du domaine public. Nous tiendrons nos
lecteurs au courant des débats.
MariuS'"Vachon.
NOUVELLES
^*, Le directeur des beaux-arts vient de faire
les* commandes suivantes d'œuvre