chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

334 LA CHRONIQUE DES ARTS
riqiie, en souveuir du glorieux inniversaire
de l'indépendance, n'est pas encore terminée.
On sait que cette œuvre colossale s'élèvera
au milieu de la rade de Kew-York, sur l'îlot
de Bcdloe, qu'encadrent à l'horizon les
grandes cités de Kevv-York, de Brooklyn tt
de Jersey. La nuit, la statue se transformera
en phare, et une auréole lumineuse partant
de son front iliumin ra l'immense étendue de
la mer.
On sait aussi que l'exécution de ce monument
exceptionnel a été confiée à l'habile ciseau
de M. Auguste Bartholdi et aux ateliers
de M. iMonJuit, rue de Chazel, à Paris. On
peut voir dans ces ateiiers que l'achèvement
de ce magnifique travail, symbole de l'union
franco-américaine, est activement iioursuivi.
La tète, k^s bras ut une moitié du corps sont
prêts. L3 tout est en cuivre martelé. Les prol>ortions
sont vraiment gigantesques.
La maiu ne mesuie pas moins de 4 mètres
20 centimètres. Le doigt médius a près de
2 mètres de long et pèse 4o kilogrammes. Le
poignet est plus gros qu'une chaudière de locomotive.
La statue, y compris le bras levé
qui soutient la torchère, aura 42 mètres de
hauteur; avec le piédestal, elle atteindra une
hauteur totale de (37 mètres, presque celle des
tours iNotre-Dame, qui ont C8 mètres d'élévation.
D'ing'nicuses combinaisons permettront le
déplacement de ce nouveau colosse de Rhodes.
Ou a imaginé un système de cloisons
intérieures s'élevaat jusqu'aux hanches, et
que l'on remplira de sable de manière à ne
pas être obligé de démolir s'il arriva'it un accident.
NECROLOGIE
La Bibliothèque nationale vient de perdre
l'un de ses fonctionnaires les plus dévoués et
les plus expérimentés, en la personne de
M, René Billard, conservatrur sous-directcur
adjoint du département des imprimés.
DE PARIS A AMSTERDA:iŒ
NOTES DE VOYAGE
(Suite.)
La Haye.
D'autres maimscrits à miniatures du cabinet
Westreenen occuperai(^nt le premi^er lang
dans les plus inches bibliothèques. — Ce sont,
d'abord, une lU>toire ancienne, de Jean de
Courcy, de form-it in-folio, manuscrit normand
(il a »Hé écrit à C^udebec) de la fin du
xv^ siècle. L^s compositions sont tout à fait
remarquables par leur singulière originalité ;
j'ai nota une certaine figure de la Fortune, en
, crètement
somptueux atours, qui rappelle par ses complications
étranges la Salomé de M. Gustave
Morcau. La délicateise de l'exécution, en tons
vifs et clairs, n'est pas moins surprenante que
l'accent individuel du dessin. — Puis une traduction
des Ethiques d'Aristote, par Raoul
d'Orléans, portant la date terminale de 137(i.
Les miniatuies en sont charmantes et trèsnombreuses.
Elle contient aussi un portrait de
Charles V, ma'S moins fin et incomparablement
moins caractérisé que celui de la Bible.—
Vi\ admirable spécimen du talent de Nicolas
Jari'3^, de grand format, Trières pour la confi'-maiiun,
signé et daté 1653 à la page 13.
Sur la garde on lit la mention : « Acheté à la
« vente de bibliothèque des frères de Bo'ssy,
u par Lamy. » — Enfin et surtout une incomparable
monument, bien digne de figurer à
côté de la Bible de Charles Y; je veux parler
d'une traduction de la l'itè de Uie.u de saint
Augustin, par Hanskin de Bomalia, de la fin
du xV^ siècle et dans le style de l'école de Jean
Foucquet. C'est un grand in-folio, d'une magnifique
conservation, il n'y a que le premier volume;
le second se trouve aujourd'hui conservé à
labibliothèq ic de Nantes. lise compose de 460
feuillets, c -mprenantl 1 grandes miniaturesavec
la dédicace et 27o petites. Chacune des grandes
miniatures qui seraient dignes, par leur perfection
et leur grand style i)ittoresque, de la main
de Foucquet lui-même, i)orte les armoiries des
Comines. Ce monumeut de peinture et de calligraphie
est certainement l'un deschefs-d'œuvre
de cette époque féconde, mais on se prend à
déplorer amèrement que les deux membres en
soient pour toujours séparés. Le volume de la
bibliothèque Meerman a appartenu à Crozat.
Que dinmienses richesses par lui produites
posséderait notre pauvre et grand pays si
de cruelles i évolutions ne lui avaient petit
i\ petit arraché la majeure partie de ses
trésors d'art! Et qui sait ce que l'avenir nous
réserve encore ! Il est peut-être heureux pour
ceux-ci que leur destinée les ait conduits dans
la paisible et conservatrice Hollande.
J'ai fait une visite rapide au nouveau Musée
néerlandais, sorte de petit musée de Cluny indigène,
dont Havard a récemment signalé l'ouverture.
Il est curieux au point de vue de l'art
hollandais des trois derniers siècles ; mais il
n'est que curieux. Les objets abondent et ils
sont distribués avec goût dans les salles, mais
sauf pour les faïences, leur saveur locale m'a,
je l'avoue avec confusion, semblé peu propre
à émouvoir l'attention d'un Parisien gâté par
l'art raffiné de l'Italie et de la France.
Encore pour les fdïences de Delft, du moins
pour les pièces su,irèmes, n'est-ce point ici
qu'il faut beaucoup s'arrêter.
Allez, chers lecteurs, chez M. John Loudon
dont la prodigieuse collection sera pour votre
œil ébloui, quoi que vous en ayez coure lafaïence
en général et contre la faïence de Delft en
particulier, un véritable chemin de Damas. Vos
préjugés, car il est certain que vous en êtes
imbu-, contre Delft, s'évanouiront comme un
souille. Du palier au grenier, les produits de la
céramique delftoise occupent le calme et disélégant
petit hôtel de M. Loudon.