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chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

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— <strong>de</strong> ces manuscrits. Je citerai seulement :<br />

Légen<strong>de</strong> dt "^aint-Huhert, portant dans sa suscription<br />

<strong>la</strong> date <strong>de</strong> 1463, peinte à Bruges pour<br />

Philippe le Bon, un Livre d'heures, du même<br />

Philippe le Bon, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> peintures en grisailles<br />

du xv» siècle, <strong>de</strong> style bourguignon,<br />

<strong>et</strong> d'une délicatesse charmante, renfermant<br />

plusieurs portraits du duc <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>vise « Aultre<br />

n'aurai » ; un Missale Romanum , d'une richesse<br />

monumentale, avec <strong>la</strong> date <strong>de</strong> 1323<br />

<strong>et</strong> l'indication qu'il a été exécuté par « darnerus<br />

<strong>de</strong> Morolio » pour « Johannes <strong>de</strong> Marchello<br />

», abbé <strong>de</strong> Prémontré ; un manuscrit<br />

du milieu du xvi« siècle écrit sur fond noir,<br />

sorte <strong>de</strong> livre d'heures funéraire, avec <strong>la</strong> <strong>de</strong>vise<br />

« D'^lear prius » <strong>et</strong> un nœud coupé comme<br />

emblème ; le Livre <strong>de</strong> prières <strong>de</strong> Catherine<br />

d'Aragon; enfin <strong>de</strong>ux manuscrits parisiens du<br />

XVI'' siècle, <strong>de</strong> très-p<strong>et</strong>it format : un Livre<br />

d'heures du connétable <strong>de</strong> Bourbon <strong>et</strong> un autre<br />

<strong>de</strong> Catherine <strong>de</strong> Médicis. Ce <strong>de</strong>rnier a conservé<br />

son ancienne reliure en maroquin noir, duré à<br />

p<strong>et</strong>its fers <strong>et</strong> à fermoirs <strong>de</strong> vermeil, avec le<br />

chiffre en<strong>la</strong>cé H <strong>et</strong> double C, que <strong>la</strong> reine<br />

avait adopté après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> Henri II.<br />

C'est un délicieux bijou. L'exécution <strong><strong>de</strong>s</strong> miniatures,<br />

qui est proche <strong>de</strong> Jean Cousin, est<br />

d'une finesse extrême. Je dirai même qu'aucun<br />

autre manuscrit, même les Heures du connétable<br />

<strong>de</strong> Montmorency, <strong>de</strong> 1459, appartenant<br />

à <strong>la</strong> collection Firmin-Didot, ne se rapproche<br />

autant du style pseudo-miche<strong>la</strong>ngesque <strong>de</strong><br />

Cousin, du moins d'après le peu que nous<br />

connaissons <strong>de</strong> sa main. Il est à supposer que<br />

ce manuscrit provient d'un vol important<br />

commis au préjudice <strong>de</strong> notre Bibliothèque du<br />

Roi, à <strong>la</strong> tin du siècle <strong>de</strong>rnier.<br />

ET DE LA CURIOSITÉ 321<br />

Une<br />

Plus précieux encore <strong>et</strong> d'un plus haut intérêt<br />

sont les manuscrits du musée Meermano-<br />

'VVestreenianum ; <strong>de</strong> plus, ils sont à peine<br />

connus, pour ne pas dire inconnus. Ce musée<br />

Westreenien est situé sur le Princesse Gracht ;<br />

il a été légué en 18o6 à <strong>la</strong> Bibliothèque royale<br />

avec l'immeuble qui le contenait, à charge <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>isser les collections absolument dans l'état<br />

où elles se trouvaient à <strong>la</strong> mort du baron <strong>de</strong><br />

Westi'eenen <strong>et</strong> <strong>de</strong> ne l'ouvrir au ])ublic que<br />

<strong>de</strong>ux fois par mois. Détail inédit, le fondateur<br />

du musée a joint à son nom, pour l'inscription<br />

<strong>de</strong> sa fondation, celui <strong>de</strong> Meerman,— son parent<br />

grand amateur <strong>de</strong> livres aussi, dont <strong>la</strong> vente<br />

eut lieu en 1824, — parce que celui-ci avait été<br />

autrefois possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Bible <strong>de</strong> Charles V<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cué <strong>de</strong> saint Augustin, les <strong>de</strong>ux plus<br />

magnifiques fleurons <strong>de</strong> sa couronne bibliographique.<br />

Jusqu'à <strong>la</strong> mort du baron, qui était un passionné<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus belle eau, persomie, pas<br />

même M. Holtrop, n'avait été admis à visiter sa<br />

bibliothèque, qui avait été commencée avec le<br />

siècle, personne ne savait au juste ce qu'il<br />

possédait. Donc, Achille Jubinal, lors <strong>de</strong> sa<br />

mission à <strong>la</strong> Haye, est très-excusable <strong>de</strong> n'en<br />

avoir pas soufllé mot.<br />

Le Musée, lui-même, sauf une splendile aiguière<br />

en émail <strong>de</strong> Limoges, dans le style<br />

<strong>de</strong> Pierre Raymond, est <strong>de</strong> peu d'intérêt, mais<br />

<strong>la</strong> bibliothèque est admirable ; à vrni dire, elle<br />

a été <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> préoccupation <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Wes-<br />

treenen. Pour les incunables néer<strong>la</strong>ndais, <strong>et</strong><br />

venant compléter les séries déjà si cjches <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Bibliothèque royale, elle est sans prix. Les<br />

manuscrits à miniatures ont seuls fixé mon<br />

attention.<br />

Le jdus précieux pour nous est une Bible<br />

historiée, <strong>de</strong> format grand in-4'', traduite par<br />

Cuyart<strong><strong>de</strong>s</strong> Moulins <strong>et</strong> exécutée pour Charles V.<br />

En tète, on voit, occupant toute <strong>la</strong> première<br />

page, un incomparable i)ortrait <strong>de</strong> ("harles V,<br />

recevant le volume <strong><strong>de</strong>s</strong> mains d'un personnage<br />

agenouillé. C<strong>et</strong>te miniature, haute d'environ<br />

30 centimètres, remplit toute <strong>la</strong> page, <strong>et</strong><br />

<strong>la</strong> figure du roi l'occupe dans toute sa hauteur.<br />

C'est un chef-d'œuvre <strong>de</strong> finesse, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te époque je n'en sais pas qui l'égale. Elle<br />

serait un chef-d'œuvre pour tous les temps,<br />

un chef-d'œuvre d'exécution délicate, serrée,<br />

voulue, en même temps qu'assouplie, digne<br />

d'être mis en pendant avec les plus exquises<br />

créations du pinceau <strong>de</strong> Memling; pour en<br />

préciser davantage le caractère, je <strong>la</strong> comparerais<br />

aux belles miniatures <strong>de</strong> P<strong>et</strong>itot, avec<br />

un côté <strong>de</strong> réalisme <strong>et</strong> <strong>de</strong> noblesse simple que<br />

P<strong>et</strong>itot ne possédait pas. Ce qui frappe même<br />

au premier regard, c'est l'individualisme extrême<br />

<strong>et</strong> tout mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te figure. On a<br />

conservé un certain nombre d'elligies <strong>de</strong><br />

Charles V ; aucune ne présente c<strong>et</strong> aspect <strong>de</strong><br />

ressemb<strong>la</strong>nce étudiée, bien rare dans l'art du<br />

moyen-âge.<br />

On <strong>la</strong> voit, on <strong>la</strong> regar<strong>de</strong>, on l'interroge, <strong>et</strong><br />

il semble qu'elle veut répondre <strong>et</strong> que l'on<br />

ait connu ce roi, d'une intelligence si <strong>la</strong>rge, si<br />

bonne, si humaine, qu'il passe, aux yeux <strong>de</strong><br />

beaucoup pour le plus grand <strong>de</strong> nos rois, <strong>et</strong> qui,<br />

dans tous les cas, reste avec saint Louis, <strong>la</strong><br />

plus pure gloire <strong>de</strong> <strong>la</strong> monarchie française. Il<br />

est assis sur un siège pliant, <strong>de</strong> profil, <strong>et</strong> tourné<br />

vers <strong>la</strong> droite, vêtu d'un costume monacal<br />

à plis tombants, un(î main dégantée recevant<br />

le livre. La tête surtout est caraciéristique ;<br />

les cheveux blonds, lissés <strong>et</strong> longs comme<br />

ceux d'une femme, sont r<strong>et</strong>enus en chignon<br />

par une résille ou coiffe :'i mailles à peine<br />

visibles ; le teint est mat <strong>et</strong> un peu mordoré,<br />

le nez e-t long, assez fort vers l'extrémité,<br />

<strong>la</strong> lèvre su[)érieure est ombrée d'une fine <strong>et</strong><br />

!-oyeu;e moustache, l'œil est bleu, grand, pénétrant,<br />

humi<strong>de</strong>, d'une profon<strong>de</strong>ur <strong>et</strong> d'un<br />

veli'Uté admirables, le cou est découvert ; <strong>la</strong><br />

main dégantée est fort belle. De c<strong>et</strong> ensemble,<br />

d'une élégance un peu bizarre <strong>et</strong> comme féminine,<br />

s'exhale un charme inexprimable. Le<br />

fond du tableau est bleu avec un semis <strong>de</strong><br />

fleurs <strong>de</strong> lys d'or.<br />

La feuille <strong>de</strong> vélin qui est en regard <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

miniature est tout entière occupée par une<br />

inscription en gran<strong><strong>de</strong>s</strong> li-ttres d'or. Elle donne<br />

le nom du peintre (Jean <strong>de</strong> ih'ugesj <strong>et</strong> <strong>la</strong> date<br />

(1371) <strong>de</strong> ce portrait. Elle est trop importante<br />

pour que je ne <strong>la</strong> transcrive pas :<br />

.\NNO DOMlNI MILLESIMO TRECENTESIMO<br />

SEPTU.\(iESIMO PRIMO ISTUDOl'US PICTL-.M FUIT<br />

AD PRECEPTUMACHONOKEM ILI.USTRI PKINCIPIS<br />

KAROLl REGIS KRA>'C1E ETATIS SUE TKIXESIMO<br />

QUINTO ET REGNI SUI OCTAVO ET .IGUANES DE<br />

BRUGIS l'ICTOR REGIS PREDICTI FECIT HANC<br />

PICTURAM PROPRIA SUA MANU.

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