chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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moniseraient dans l'ensemble <strong>et</strong> se feraient valoir<br />
par le contraste.<br />
Un tel résultat ne saurait être obtenir qu'a <strong>la</strong><br />
longue, alors que les constructions polychromes<br />
se multiplieraient dans nos villes <strong>et</strong> viendraient à<br />
remp<strong>la</strong>cer les constructions anciennes. Si loin-<br />
tain que puisse être c<strong>et</strong> avenir, il y faut croire.<br />
La couleur est aujourd'hui le grand objectif <strong>de</strong><br />
tous les <strong>arts</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> toutes les industries aidées par<br />
les découvertes <strong>de</strong> <strong>la</strong> science. Une telle somme<br />
d'efforts, efforts manifestes également chez tous<br />
les peuples nos voisins, doit certainement entraîner<br />
notre art dans le sens <strong>de</strong> <strong>la</strong> couleur.<br />
Ce ne sera là, du reste, qu'une Renaissance. Depuis<br />
les origines <strong>de</strong> l'architecture, dans tous les<br />
temps, chez tous les peuples, sous tous les climats,<br />
nous voyons <strong>la</strong> couleur nécessaire aux peuples <strong>et</strong><br />
aux individus, subsister comme le complémeutex-<br />
prcî^sif <strong>de</strong> <strong>la</strong> forme. Ce n'est en vérité qu'au xvu* siècle<br />
que nous <strong>la</strong> voyons disparaître <strong>de</strong>vant <strong>la</strong> volonté<br />
d'un roi, jaloux <strong>de</strong> ressusciter l'art romain, moins<br />
les chau<strong><strong>de</strong>s</strong> colorations <strong><strong>de</strong>s</strong> marbres, <strong><strong>de</strong>s</strong> ors, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
mosaïques, <strong><strong>de</strong>s</strong> bronzes. Et <strong>de</strong>puis lors, <strong>la</strong> mo<strong>de</strong><br />
nouvelle aidant, nous subissons une éclipse par-<br />
tielle <strong>de</strong> ce rayonnement, <strong>la</strong> couleur, sans <strong>la</strong>quelle<br />
notre art, renonçant à l'une <strong>de</strong> ses plus gran<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
séductions, semble privé <strong>de</strong> vie.<br />
Il faut aonc courageusement, hardiment, reprendre<br />
les traditions auciennf>s <strong>de</strong> polychromie ;<br />
<strong>et</strong> si, particulièrement, nous recherchons dans le<br />
passé le rôle décoratif <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre cuite on émaillée,<br />
nous voyons son emploi constant.<br />
Nous en trouvons les débris impérissables <strong>et</strong><br />
toujours éc<strong>la</strong>tants dans les ruines <strong>de</strong> Niuive, dans<br />
les hypogées égyptiennes, dans les ruines <strong><strong>de</strong>s</strong> cités<br />
grecque^, dans les nécropoles étrusques.<br />
L'Orient brille éternellement radieux <strong><strong>de</strong>s</strong> feux<br />
allumés par le soleil sur les émaux <strong>de</strong> ses pa<strong>la</strong>is<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> ses temples.<br />
Je n'entreprendrai pas d'ailleurs ici. Messieurs,<br />
<strong>la</strong> vaine énumération <strong><strong>de</strong>s</strong> exemples innombrables<br />
<strong>de</strong> coloration par <strong>la</strong> terre émaillée que nous<br />
trouvons dans ces pays du soleil. L'In<strong>de</strong> nous<br />
captiverait par ses riches monuments <strong>de</strong> Df^lhi, <strong>de</strong><br />
Benarès, <strong>de</strong> Lahore, <strong>de</strong> Tuttipore Sikri, <strong>de</strong> Gobardhum,<br />
<strong>et</strong>c.<br />
Particulièrement nous serions r<strong>et</strong>enus par les<br />
magnificences du pa<strong>la</strong>is du roi Pàl, assis à Gwalior<br />
sur <strong>la</strong> crête d'un précipice.<br />
Les vieilles murailles <strong>de</strong> pierre disparaissent<br />
sous <strong>la</strong> profusion <strong><strong>de</strong>s</strong> émaux. Des ban<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> mo-<br />
saïques, candé<strong>la</strong>bres , canards brahmins , éléphants,<br />
paons émaillés <strong>de</strong> bleu, <strong>de</strong> marron, <strong>de</strong><br />
vert, d'or, contournent les faça<strong><strong>de</strong>s</strong> mouvementées.<br />
Des rangées d'arches jaïnas encadrent <strong><strong>de</strong>s</strong> mosaïques<br />
représentant <strong><strong>de</strong>s</strong> palmiers sur fond<br />
bleu.<br />
Les briques qui forment ces incrustations sont<br />
d'une vivacité t^Ue <strong>de</strong> couleur que dix siècles<br />
n'ont rien enlevé <strong>de</strong> leur éc<strong>la</strong>t.<br />
Les monuments <strong>de</strong> <strong>la</strong> Perse ne sont pas moins<br />
remarquables. Ils nous apparaissent tapissés d'émaux<br />
dans le bel ouvrage que notre vénérable <strong>et</strong><br />
infatigable confrère, M. Pascal Coste <strong>de</strong> Marseille,<br />
leur a consacré.<br />
Ces monuments nous sont aussi connus par le<br />
voyage pittoresque <strong>de</strong> M. Jules Laurens, <strong>et</strong> M. Pa-<br />
sini fait miroiter à nos yeux leurs émaux resplendissants<br />
dans <strong><strong>de</strong>s</strong> tableaux qui font <strong>la</strong> joie j <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
architectes <strong>et</strong> l'orgueil <strong><strong>de</strong>s</strong> collectionneurs.<br />
ET DE LA CURIOSITE 287<br />
Les émaux sont d'ailleurs partout, <strong>et</strong> loin du<br />
vieux mon<strong>de</strong>, le Mexique nous en montre aussi<br />
<strong>de</strong> précieux échantillons.<br />
Nous r<strong>et</strong>rouvons ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> décoration au<br />
moyen âge, non-seulement à l'intérieur <strong><strong>de</strong>s</strong> monuments,<br />
mais aussi à l'extérieur.<br />
Les tuiles, les faîtières, les é|iis émaillés ou<br />
vernissés brillent sur les combles; les ti-rres<br />
cuites, les briques <strong>de</strong> tons différents ornent <strong>et</strong><br />
<strong><strong>de</strong>s</strong>sinent les faça<strong><strong>de</strong>s</strong>; au somm<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> clochers,<br />
les écuelles émaillées allument <strong><strong>de</strong>s</strong> étincelles ; là<br />
vieille église <strong>de</strong> Saint-Michel à Pavie nous montre<br />
<strong>de</strong> nombreuses poteries encastrées dans les sculp-<br />
tures lombar<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> sa faça<strong>de</strong>.<br />
La Renaissance italienne use avec gloire <strong>de</strong><br />
ces procédés <strong>de</strong> décoration renouvelés par son<br />
génie.<br />
Je n'en veux pour preuve que <strong>la</strong> seule absi<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> S. .M. Delle-Grazic à Mi<strong>la</strong>n, décorée avec<br />
un art incomparabl.' par Bramante, <strong>de</strong> fines terres<br />
cuites, qui, malheureusement, échapii.'ul le plus<br />
souvent à l'attention du touriste <strong>et</strong> njême à celle<br />
<strong>de</strong> l'artiste, sollicités par les ruines du chef-d'œuvre<br />
d«' Léonard <strong>de</strong> Vinci, <strong>la</strong> Cène. ofTcrle ;i l'admiration<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> fidèles <strong>de</strong> l'art dans le cloître voisin.<br />
Mais si Mi<strong>la</strong>n est riche en monuments décorés<br />
<strong>de</strong> terre cuite, certaines villes <strong><strong>de</strong>s</strong> Marches, <strong>et</strong><br />
Bologne, <strong>et</strong> Ferrare ne le sont pas moins. Uieu<br />
<strong>de</strong> plus cuiieux <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus fructueux à étudier<br />
que c<strong>et</strong>te architecture si pure <strong>de</strong> style, si <strong>la</strong>rge<br />
<strong>de</strong> composition, si fine <strong>de</strong> détails dont les corniches,<br />
les chambranles, les archivoltes, les colonnes,<br />
dont tous les membres, en un mot, sont formés<br />
<strong>de</strong> pièces <strong>de</strong> terre cuite ornées, estampées dans un<br />
moule <strong>et</strong> juxtaposées. C'est là un étonnant exemple<br />
<strong>de</strong> ce que peut <strong>de</strong>venir un procédé en quelque<br />
sorte grossier entre les mains d'artistes délicats,<br />
assouplissant les moyens <strong>et</strong> les rendant propres<br />
à <strong>la</strong> traduction <strong><strong>de</strong>s</strong> formes les plus monumen-<br />
tales.<br />
Florence, que l'art à son aurore avait illuminée<br />
<strong>de</strong> ses lueurs radieuses, Florence <strong>de</strong>vait aussi assister<br />
à ses soudains développements <strong>et</strong> h son<br />
incomparable rayonnement.<br />
C'est pourquoi à Florence <strong>et</strong> dans les villes voi-<br />
sines, nous trouvons les œuvres du céramiste<br />
dans toute leur gloire.<br />
Nous voyons à Florence <strong><strong>de</strong>s</strong> chapelles entières,<br />
entre autres celle <strong>de</strong> S. Miniato. qui, du sol à <strong>la</strong><br />
voûte, sont revêtues <strong>de</strong> ces belles faïences dont<br />
une longue génération d'artistes fameux, les Délia<br />
Robbia, ont enrichi les monuments <strong>de</strong> <strong>la</strong> Toscane.<br />
Je rappellerai à ceux <strong>de</strong> vous. Messieurs, qui<br />
ont vu l'Italie, le ravissant porche <strong>de</strong> <strong>la</strong> chapelle<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> Pazzi près <strong>de</strong> l'église Santa Croce. porche<br />
dont <strong>la</strong> coupole entière est formée <strong>de</strong> terres<br />
émaillées. De même les voûtes d'arête du cloître<br />
attenant sont décorées <strong>de</strong> médaillons émaillés formant<br />
clef. Sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>ll'Aununziata les <strong>de</strong>ux<br />
portiquesMie l'hi'ipi<strong>la</strong>l <strong>de</strong>gli Innocenti «ont également<br />
ornés <strong>de</strong> faïences. Dans le tympan <strong><strong>de</strong>s</strong> arca<strong><strong>de</strong>s</strong>,<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> p<strong>et</strong>its eufapts emmaillottés <strong>et</strong> tendant<br />
les bras forment bas-reliefs sur fond d'émail Meu.<br />
Rien <strong>de</strong> plus naïf <strong>et</strong> <strong>de</strong> plus toucbanl que cctli!<br />
simple décoration indiquant si bien les soins <strong>de</strong><br />
c<strong>et</strong>te maison hospitalière.<br />
Nous ne saurions, dans le même ordre <strong>de</strong> monuments,<br />
ne pas citer l'hôpital <strong>de</strong> Pisloja, dont<br />
<strong>la</strong> longue frise éuiailléc à personnages est juste-