chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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230 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />
Gallery, M. Legros, M. Rajon, M. J. W. Knight <strong>et</strong><br />
M. Tissot. En somme, c'estrécole française qui se<br />
montre <strong>la</strong> plus forte dans c<strong>et</strong>te exposition.<br />
La vente <strong>la</strong> plus intéressante <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers<br />
jours a été celle d s esquisses <strong>et</strong> vign<strong>et</strong>tes <strong>de</strong><br />
ïurner, appartenant à M. Munro <strong>et</strong> faisant partie<br />
<strong>de</strong> ce qui était connu sous le nom <strong>de</strong> collection<br />
Novar. M. Munro était l'ami intime <strong>et</strong> l'exécuteur<br />
testamentaire <strong>de</strong> Turner <strong>et</strong> un <strong><strong>de</strong>s</strong> rares visiteurs<br />
admis dans l'atelier du peintre. M. Munro avait<br />
ach<strong>et</strong>é ces esquisses il y a plusieurs <strong>année</strong>s, <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong>puis lors, les avait toujours gardées en porte-<br />
feuille, ce qui expliquait leur fraiclieur actuelle.<br />
La plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> vign<strong>et</strong>tes ne dépassent pas quatre<br />
ou cinq pouces carrés, mais dans c<strong>et</strong> espace l'ar-<br />
tiste avait su grouper les légions d'acges, les<br />
armées <strong>de</strong> Satan <strong>et</strong> toutes les magnificences célestes<br />
<strong>et</strong> terrestres que décrit Milton dans sou Paradis<br />
perdu. Ensuite, il y avait une série <strong>de</strong> p<strong>et</strong>ites<br />
vign<strong>et</strong>tes peintes pour <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> édition <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
œuvres <strong>de</strong> Walter Scott. Ajoutez aux soixante-dix<br />
vign<strong>et</strong>tes une douzaine <strong>de</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong>sins originaux <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
Rivières <strong>de</strong> <strong>la</strong> France, <strong>et</strong> l'on avait nue collection<br />
<strong>de</strong> moins <strong>de</strong> cent tableayx, dont le plus grand<br />
n'avait pas dix-huit pouces carré?, mais qui ont<br />
produit un total <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 500.000 francs!<br />
Lionel Robinson.<br />
CORRESPONDANCE DE BELGIQUE<br />
Le Cercle artistique <strong>et</strong> ittéraire <strong>de</strong> Bruxelles a<br />
ouvert récemment sa sixième exposition annuelle,<br />
<strong>et</strong> il n'y avait pas moins <strong>de</strong> 275 œuvres au catalo-<br />
gue, soit un chiffre qui équivaut à peu près à<br />
celui <strong><strong>de</strong>s</strong> expositions <strong>de</strong> province. Ce<strong>la</strong> s'explique<br />
: les expositions du Cercle sont un terrain<br />
neutre où un tableau, pour être admis, n'a besoin<br />
que d'être un tableau. Cependant les naturalistes<br />
sont en majorité; il se dégage <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes fidèles<br />
à leurs convictions une certaine manière <strong>de</strong> bien<br />
voir qui se communique; c'est ainsi que, gagné<br />
pied à pied, le teiraia du Cercle est occupé<br />
presque entièrement aujourd'hui par les chercheurs<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vérité dans l'art.<br />
J'ai toujours eu beaucoup <strong>de</strong> sympathie pour les<br />
peintres qui cherchent à rendre leur impression,<br />
<strong>et</strong> j'ai plus d'une fois parlé ici même <strong>de</strong> ceux qui<br />
<strong>la</strong> ren<strong>de</strong>nt le mieux. MM. Baron, Heymans, Rosseels,<br />
Courteus, tous <strong><strong>de</strong>s</strong> artistes sérieux qui pendant<br />
quelque temps ont été <strong><strong>de</strong>s</strong> révolutionnaires,<br />
même dans leur milieu. Il me semb<strong>la</strong>it qu'il y avait<br />
en eux l'étoffe d'artistes compl<strong>et</strong>s, <strong>et</strong> je percevais<br />
<strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong> nouveau à travers<br />
leurs recherches; c'était une sorte <strong>de</strong> noyau<br />
d'art, plein <strong>de</strong> sève <strong>et</strong> <strong>de</strong> promesse, auquel man-<br />
quait <strong>la</strong> consécration du travail, mais qui avait<br />
sa signification. J'étais attiré surtout par ;.eur<br />
effort pour faire autrement que les autres.<br />
Leur influence, malheureusement, a abouti à<br />
faire école; ce n'est pas diminuer leur mérite que<br />
<strong>de</strong> dire qu'ils sont inconi[)l<strong>et</strong>s; ils le reconnaissent<br />
eux-mêmes. Il en est advenu qu'incompl<strong>et</strong>s,<br />
ils ont fait une école d'incompl<strong>et</strong>s. On a pu re-<br />
marquer, en eff<strong>et</strong>, à l'exposition du Cercle, qu'un<br />
certain nombre d'artistes peignaient tous avec le<br />
même sentiment <strong>et</strong> les mêmes procédés, <strong>et</strong> que<br />
les mêmes qualités <strong>et</strong> les mêmes défauts leur<br />
étaient communs entre eux. C'est mal imiter<br />
l'exemple <strong>de</strong> ceux qui ont commencé ; il fal<strong>la</strong>it,<br />
au contraire, se dégager <strong>de</strong> leur influence, <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
même qu'ils l'ont fait, tenter <strong>de</strong> trouver eu soi sa<br />
propre voie.<br />
L'excellent côté <strong><strong>de</strong>s</strong> novateurs, c'est <strong>de</strong> répudier<br />
<strong>la</strong> convention <strong>et</strong> <strong>la</strong> doctrine. Tant qu'ils sont<br />
isolés, ils sont obligés <strong>de</strong> lutter pour appeler le<br />
mon<strong>de</strong> à eux; quand enfin ils ont <strong><strong>de</strong>s</strong> a<strong>de</strong>ptes, ou<br />
bien ils <strong>de</strong>viennent eux-mêmes <strong><strong>de</strong>s</strong> conservateurs,<br />
ou bien leurs a<strong>de</strong>ptes s'immobilisent dans leur<br />
doctrine. Encore une fois, je reconnais que les<br />
artistes auxquels je fais allusion ont du talent,<br />
<strong>et</strong> (juelques-uns d'entre eux en ont même beaucoup;<br />
mais ils me paraissent déjà trop salisfaits<br />
d'eux-mêmes ; ayant fait mieux que les autres, ils<br />
me font l'eff<strong>et</strong> <strong>de</strong> s'endormir dans ce mieux, <strong>et</strong><br />
pour <strong><strong>de</strong>s</strong> révolutionnaires, ils conunencent à ressembler<br />
à <strong><strong>de</strong>s</strong> doctrinaires. Il pourrait en résulter<br />
un jour que, tout amis qu'ils sont du vrai dans<br />
l'art, ils soient tués à leur tour, comme les amis<br />
du faux dans l'art, par l'immobilité <strong>et</strong> l'absence<br />
<strong>de</strong> rajeunissement; <strong>de</strong> là, en eff<strong>et</strong>, à <strong>la</strong> conven-<br />
tion, il n'y a qu'un pas.<br />
Le Paysage en mars <strong>de</strong> M. Baron est un morceau<br />
personnel, incontestablement; il y a <strong>de</strong> <strong>la</strong> lumière<br />
au ciel <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'air dans les arbres; <strong>la</strong> tonalité générale<br />
est grise, d'un gris doux qui <strong>la</strong> fait b<strong>la</strong>nchâtre<br />
par p<strong>la</strong>ces. Il n'est pas possible qu'un<br />
homme qui a les yeux sensibles ne soit pas épris<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> colorations grises ; mais M. Baron <strong>et</strong> <strong>la</strong> plupart<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> peintres qui, volontairement ou involontairement,<br />
se sont formés à son école, ont le tort<br />
<strong>de</strong> peindre le gris pour le gris. Le gris, à proprement<br />
])arl('r, n'est pas une couleur; il est simple<br />
ment <strong>la</strong> résultante d'une certaine manière <strong>de</strong> voir<br />
en clignant les yeux ; un arbre, une maison,<br />
un pan <strong>de</strong> mur ne sont pas gris ; l'air seul qui les<br />
envelop;'e est gris, <strong>et</strong> finalement ce sont les<br />
buées <strong>de</strong> l'atmosphère qu'il faudrait marquer par<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> gris autour <strong><strong>de</strong>s</strong> choses.<br />
Je sais bien que voir gris se dit pour voir discrètement.<br />
Ceux qui voient gris voient ainsi par<br />
horreur <strong><strong>de</strong>s</strong> colorations vives. M.M. Baron <strong>et</strong> cousorts,<br />
malheureusement, voient plutôt b<strong>la</strong>nc que<br />
gris; les finesses argentines, les chau<strong><strong>de</strong>s</strong> sourdines,<br />
les lumières dans <strong>la</strong> pâte ne se r<strong>et</strong>rouvent<br />
pas chez eux ; une poussière <strong>de</strong> plâtras semble se<br />
répandre dans leurs toiles sur <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté du jour.<br />
Est-ce manque <strong>de</strong> sensibilité dans l'œil? Je ne le<br />
crois pas, du moins pour M. Baron. 11 me sou-<br />
vient <strong>de</strong> toiles signées <strong>de</strong> sou nom où certainement<br />
le coloris avait <strong>de</strong> hautes qualités <strong>de</strong> transparence<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> finesse; mais M. Baron me parait<br />
être une victime <strong>de</strong> <strong>la</strong> contradiction ; il est né coloriste<br />
<strong>et</strong> il s'applique à le paraître le moins possible.<br />
Je me hâte d'ajouter qu'il rachète ce gros<br />
péché par un style qu'aucun autre paysagiste <strong>de</strong><br />
son école ne possè<strong>de</strong> au même <strong>de</strong>gré ; on comprend<br />
qu'un rêve <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur préoccupe l'artiste<br />
à son cheval<strong>et</strong>; ses toiles sont <strong>la</strong> conséquence<br />
d'un cerveau qui pense. M. Coosemans lui-même,<br />
revenu en Belgique après un assez long séjour à<br />
Fontainebleau, n'a pas c<strong>et</strong>te ampleur dans les<br />
silhou<strong>et</strong>tes, c<strong>et</strong>te recherche <strong><strong>de</strong>s</strong> gran<strong><strong>de</strong>s</strong> lignes<br />
iv^ simi»les; il est pourtant du p<strong>et</strong>it nombre <strong>de</strong> ceux