chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Séance du 6 avril
Doclone et ses ruines. — L'évéuemeut archéologique
actuel, plus important que les fouilles
de Mycènes, que celles de l'Acropole d'Athènes et
même que celles de Préneste fPalestrina), c'est la
découverte de l'emplaceuient d'un des plus anciens
sanctuaires de la Grèce, Dodone, consacré à Ju-
piter Naios (dieu des sources), à Dioné et à leur
tille Aphrodite, et Texploratiou réellement scien-
tifique de'! ruines de ce lieu sacré. Découverte et
exploration sont dues à M. Carapano€, de Janina.
Les archéologues ne savaient où placer Dodone.
L'opinion la plus commune était en faveur de Kos-
tniza. Il y a quelques années, un membre de l'École
d'Athènes, M. Gautier de Claubry, ayant émis
une nouveauté là-dessus, le respectable M. Guigniaut,
dans son rapport, le rappela à l'ordre
et lui démontra le danger de vouloir mieux faire
que ses devanciers.
M. Gautier de Claubry avait pourtant entrevu
la vérité ; mais (admirez la discipline), il finit par
se persuader de sou inconvenance ou de son er-
reur, et, soit déférence, soit incertitude, revint à
des idées plus moyennes. La difficulté, j'imagine,
tenait surtout à ceci : malgré qu'on en eût, on
était porté à cherclier Dodone, à cause de sou
importance religieuse, dans un centre politique
considérable, dans quelque capitale. Or, M. Carapanos
l'a découverte sur une éminence modeste
de la petite vallée de Tsharacovista. A part l'en-
ceinte sacrée, comprenant environ une superficie
de 5.000 mètres carrés et divisée en deux
régions, celle du temple et celle du péribole
ou Téménos, Dodone avait une acropole (ville
haute) de 4..')00 mètres carrés, un théâtre grandiose,
dont les restes subsistent, et, sans doute,
un stade et un hippodrome, dont tout vestige a
disparu.
Analogue sous ce rapport à plusieurs sanctuaires
modernes, qui sont l'objet de pèlerinages
nombreux et le théâtre d'un grand concours de
fidèles, sans être autre chose que de minces
bourgades ou de petites villes, Dqdone était située
au lieu dit Palœo-Kastro de Dramicius, sur une
éminence de 15 à 20 mètres au-dessus de la plaine,
dans la vallée de Tsharacovista, à 18 kilomètres
au sud-ouest de Janina. Tout en haut, l'acropole
et la bourgade; au-dessous, le sanctuaire de Ju-
])iter Naios et de Dioné, composé de trois constructions
affectant la forme de carrés longs ; plus
bas, le Péribole ou Téménos, long de 120 mètres,
large de 50 mètres, contenant un temple d'Aphrodite
et une multitude de monuments votifs
(plaques, bas -reliefs, inscriptions, statuettes de
bronze, de cuivre ou de fer), érigés sur des piédestaux
ou a[)pendus dans des niches, témoignage
de la piété des peuples.
Les matières sont vulgaires ; l'or, l'argent, l'ivoire
font presque défaut; mais quel trésor incomparable
pour l'histoire et pour l'archéologie !
C'est la trouvaille de beaucoup la plus importante
qui ait été faite en ces derniers temps ; c'est un
véritable musée qui ne compt(.' pus moins de
ET DE LA CURIOSITÉ m
1.800 pièces, parmi lesquelles environ 650 monnaies
épirotes, grecques, macédoniennes, romaines,
celles-ci s'arrètant à Constantin et indiquant
la date vraisemblable de la disparition de l'oracle.
Dans les inscriptions nous avons tantôt de
simples ex-voto, tantôt des demandes à l'oracle et
des réponses, tantôt des décrets de para.xénic ou
des actes d'atîranchissement. Parmi les objets
d'art, signalons une série d'ustensiles affectés
au culte (bases d'encensoirs, boîtes, couteaux,
styles, strigella, etc.), des bijoux (anneaux, bracelets,
colliers, fibules), des statuettes de dieux,
d'hommes, de fenunes, d'animaux, des bas-
reliefs, etc.
M. Carapanos, qui a fait les frais des fouilles et
les a dirigées personnellement avec une remarquable
habileté, prépare sur Dqdone un ouvrage
développé. Nous espérons que les indications ti-
rées de l'étude des ruines encore subsistantes et
des monuments figurés aussi bien que des textes
épigraphiques le mettront à même d'éclaircir les
obscurités qui planent sur l'histoire, les rites, les
procédés de divination du plus ancien sanctuaire
de la Grèce.
BIBLIOGRAPHIE
[Le Temps.]
Doijohert en Brenne, chronifjue