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chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

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jeunesse <strong>et</strong> <strong>de</strong> feu, pour <strong>la</strong> prospérité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

société : tout à coup Madou se renverse <strong>et</strong> l'on<br />

n'a que le temps <strong>de</strong> le porter à sa voiture. Le<br />

len<strong>de</strong>main il ex[)irait sans avoir repris connai- !<br />

sance. C'est <strong>la</strong> mort en amie, telle que <strong>la</strong> rêvent<br />

les hommes <strong>de</strong> cerveau; il est mort, on<br />

peut le dire, sur le théâtre <strong>de</strong> ses plus bril<strong>la</strong>nts<br />

succès.<br />

Madou est une figure dans l'art belge ; il<br />

vaut <strong>la</strong> peine qu'on s'arrête un instant à le considérer;<br />

il est digne d'un médaillon. Artiste<br />

aimable, il a fait <strong>la</strong> joie <strong>de</strong> ses contemporains;<br />

mieux encore, il a répondu à un certain goût<br />

d'art.<br />

Il était <strong>de</strong> ceux qui dans <strong>la</strong> vie n'ont perdu<br />

ni un jour ni une heure; son cerveau était une<br />

mine d'iiommes<br />

constamment. Il<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

eut le<br />

choses <strong>et</strong> il y puisait<br />

don <strong>de</strong> rétléchir au<br />

côté pittoresque <strong>et</strong> un peu fal ot <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie; <strong>la</strong><br />

comédie humaine entrait dans ses yeux avec<br />

un pli comique plutôt que douloureux ; c'était<br />

un narrateur lin, rarement éloquent, mais<br />

plein <strong>de</strong> naturel, <strong>et</strong> qui eût pu faire grand, s'il<br />

avait su s'émouvoir.<br />

Malheureusement Madou avait l'égoïsme <strong>de</strong><br />

l'observation. Il observait dans son cerveau, il<br />

n'observait pas dans son cœur. L'observation,<br />

en un mot, était un p<strong>la</strong>isir plutôt qu'une douleur<br />

pour son ^sprit. Il a passé à travers le<br />

mon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne, sans se passionner, en artiste<br />

bon enfarit qui entend n'épouser aucune co-<br />

lère, aucun idéal <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur <strong>et</strong> dn révolte, <strong>et</strong><br />

qui vécut désintéressé <strong><strong>de</strong>s</strong> luttes au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong>quelles<br />

<strong>de</strong> plus génért-ux cherchent le mot <strong>de</strong><br />

l'énigme sociale ; il a évité tout ce qui sur sou<br />

chemin aurait pu prendre l'apparence du<br />

sphynx ; il est resté dans une sorte <strong>de</strong> douce<br />

somnolence, les yeux tournés vers le mon<strong>de</strong><br />

extérieur <strong>et</strong> regardant s'y mouvoir les p<strong>et</strong>its<br />

comparses <strong>de</strong> sa pensée.<br />

Il a été l'imprésario d'une suite infinie <strong>de</strong><br />

saynètes sans musique, à mi-chemin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

caricature <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité; c'est du vau<strong>de</strong>ville,<br />

moins les flontlons, avec <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages<br />

dont le costume est vieilli <strong>et</strong> qui vaguement<br />

ébauchent <strong><strong>de</strong>s</strong> poses <strong>de</strong>marionne'tes; toutefois<br />

personne mieux que lui n'excel<strong>la</strong>it à ordonner<br />

<strong>la</strong> mise en scène, à régler le dé or, à faire dire<br />

aux acleurs ce qu'ils avaient à dire.<br />

Ce<strong>la</strong> était loin, à <strong>la</strong> vérité, <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> comédie,<br />

mais Madou n'était pas dans le sens<br />

<strong>la</strong>rge du mot, un moraliste; son ambition s'est<br />

circonscrite dans un 'art d'hurnoiste, ot il a<br />

su glisser, avec une grâce charmante, sur les<br />

bas-fonds où d'autres ont <strong>la</strong>issé fortement<br />

l'empreinte <strong>de</strong> leur ta'oa.<br />

Ses peintures, ses <strong><strong>de</strong>s</strong>sms, ses aquarelles, <strong>et</strong><br />

le nombre en est infini, ont le duv<strong>et</strong> <strong>de</strong> pèche,<br />

<strong>la</strong> Heur <strong>de</strong> peau, ce charme du diabl*- qui séduit<br />

<strong>et</strong> fait passer sur le fond; il était si bril<strong>la</strong>nt<br />

qu'on oubliait d'arrêter le tournoiement<br />

l'api<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses personnages <strong>et</strong> <strong>de</strong> leur ])rendrc<br />

le pouls pour s'assurer s'ils vivaient. Il n'avait<br />

rien <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te santé profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'expression, <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te <strong>la</strong>ngue soli<strong>de</strong>, <strong>de</strong> ce parler d'orateur qui<br />

se r<strong>et</strong>rouvent sous <strong>la</strong> simplicité forte <strong>de</strong> Van<br />

Ostiiio, le mordant <strong>de</strong> Jean Stcen, feifort <strong>de</strong><br />

Hogai'lh auquel on l'a surtout comparé ; en r<strong>et</strong>our<br />

il avait le cinglement du mot qui sifllc, le<br />

zézayement <strong><strong>de</strong>s</strong> choses dites à <strong>de</strong>mi-voix, <strong>et</strong><br />

ET DE LA CURIOSITE 149<br />

'<br />

tout au fond, quelque chose <strong>de</strong> c<strong>la</strong>quant, d'agité,<br />

d'un<br />

venait <strong>de</strong><br />

bles.<br />

[leu démod'» dans l'expression, qui<br />

<strong>la</strong> fréquentation avec les incroya-<br />

Madou était un malicieux avec bénignité. Il<br />

avait une malice d'invention pleine <strong>de</strong> naïv<strong>et</strong>é<br />

;<br />

vaillée.<br />

son talent était fait <strong>de</strong> finesse non tra-<br />

Madou n'est pas un artiste l<strong>la</strong>mand : il n'a<br />

rien du cabar<strong>et</strong> <strong>de</strong> Van Osta<strong>de</strong>, <strong>de</strong> Bramver,<br />

<strong>de</strong> Jean Steen, ou plutôt il en a changé l'enseigne.<br />

Son cabar<strong>et</strong> est un cabar<strong>et</strong> wallon <strong>et</strong><br />

ce sont <strong><strong>de</strong>s</strong> Wallons qu'il a peints.<br />

Il avait <strong>de</strong>ux gran<strong><strong>de</strong>s</strong> admirations, Uaff<strong>et</strong> <strong>et</strong><br />

Meissonier.<br />

Un jour, quelqu'un lui mena le c

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