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chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

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338 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />

<strong>de</strong> Léon X, rien <strong><strong>de</strong>s</strong> qualités bril<strong>la</strong>ntes d'une Aspasie,<br />

d'une Lesbie ou d'une Impéria. Le Fcmina<br />

e^t dialjolus d'Oris'ène no lui est point appbcable.<br />

Elle fut une femme aimée, sans doute aussi une<br />

femme aimante, rien <strong>de</strong> plus. Raphaël respira sa<br />

beauté avec passion;<br />

<strong>et</strong> n'en mourut pas.<br />

mais il vécut <strong>de</strong> c<strong>et</strong> amour,<br />

De c<strong>et</strong>te femme si fidèlement nimée, Raphaël a<br />

donc <strong>la</strong>issé <strong>de</strong>ux portraits : le premier est sans<br />

doute à Rome, au pa<strong>la</strong>is Barberini ; le second<br />

est vraisemb<strong>la</strong>blement à Florence, au pa<strong>la</strong>is<br />

Pitti.<br />

II<br />

Le portrait <strong>de</strong> <strong>la</strong> paierie Barberini, exécuté <strong>de</strong><br />

1S12cà 1514, représente une jeune femme, dont <strong>la</strong><br />

fifrure, presque nue, est coupée par le cadre à <strong>la</strong><br />

hauteur <strong><strong>de</strong>s</strong> pfenoux. Elle est assise <strong>et</strong> tournée à<br />

pauche. La tête, vue <strong>de</strong> face, est d'une bonne<br />

construction ; elle serait plus éléprante, si l'ovale<br />

en était plus allongé. Les cheveux, d'un brun<br />

lioir avec <strong><strong>de</strong>s</strong> refl<strong>et</strong>s ronx, sont arrangés en ban<strong>de</strong>aux<br />

p<strong>la</strong>ts, qui se relèvent <strong>de</strong>rrière les oreilles,<br />

<strong>de</strong> manière à les découvrir complètement. Un<br />

riche turban, tissé d'or avec <strong><strong>de</strong>s</strong> rayures vertes,<br />

est fixé h <strong>la</strong> chevelure par une agrafe <strong>de</strong> pierres<br />

précieuses. Une pareille coiffure donnerait à ce<br />

portrait quelque chose d'oriental, si l'empreinte<br />

romaine n'y était partout profondément marquée.<br />

Le front, d'une hauteur moyenne, est <strong>la</strong>rge <strong>et</strong><br />

bien proportionné. Sous <strong><strong>de</strong>s</strong> sourcils noirs trèsn<strong>et</strong>tement<br />

arqués, <strong>de</strong> grands <strong>et</strong> beaux yeux, noirs<br />

aussi, bien ouverts <strong>et</strong> très-lumineux, au regard<br />

limpi<strong>de</strong> <strong>et</strong> franc, éc<strong>la</strong>irent ce visage avec une<br />

vivacité singulière. Le nez, dont les narines semblent<br />

être di<strong>la</strong>tées par l'enivrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />

qu'elles respirent avec plénitu<strong>de</strong>, est <strong>la</strong> partie<br />

faible du visage au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> beauté ;<br />

le mép<strong>la</strong>t en est <strong>la</strong>rge à <strong>la</strong> base comme dans les<br />

« antiques, » mais l'extrémité manque <strong>de</strong> finesse<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong> distinction. La bouche, aux plis voluptueux,<br />

est un peu gran<strong>de</strong>, <strong>et</strong> en parfait accord d'expression<br />

avec les yeux. Le menton n'a rien <strong>de</strong> trop<br />

proéminent. L'oreille est parfaitement <strong><strong>de</strong>s</strong>sinée.<br />

La carnation <strong>de</strong> <strong>la</strong> face, riche <strong>et</strong> chau<strong>de</strong>, dénote<br />

un sang ar<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> fort. Ce visage n'a rien <strong>de</strong> délicat,<br />

ni <strong>de</strong> raffiné, mais il vous saisit par une<br />

exubérance <strong>de</strong> vie <strong>et</strong> <strong>de</strong> force ; on y sent l'épanouissement,<br />

en plein air <strong>et</strong> en pleine lumière,<br />

d'une puissante nature, où <strong>la</strong> sève monte en<br />

abondance <strong>et</strong> coule comme à pleins bords. L'ampleur<br />

<strong>et</strong> <strong>la</strong> souplesse du corps annoncent une <strong>de</strong><br />

ces santés à toute épreuve, qui donnent à <strong>la</strong> femme<br />

nn inépuisable fonds <strong>de</strong> bonne humeur, <strong>la</strong> ren<strong>de</strong>nt<br />

aimable, joyeuse, animée au p<strong>la</strong>isir, exempte <strong>de</strong><br />

toute prétention <strong>et</strong> <strong>de</strong> toute aspiration. Or, voilà<br />

<strong>la</strong> femme, entre toutes les femmes, qui exerça<br />

sur Raphaël d'irrésistibles séductions, sur Raphaël,<br />

dontl'esprit, sans cesse enquête <strong>de</strong> mieux,<br />

aspirait à monter <strong>et</strong> à mouler toujours... Le col<br />

pst flexibl', élégant <strong>et</strong> d'une courbe harmonieuse.<br />

Les épaules, d'une f(,'rme <strong>et</strong> d'un mo<strong>de</strong>lé charmants,<br />

ont <strong>la</strong> solidité du marbre en même tenips<br />

que Id coloration d'une belle peinture. La main<br />

droite relient, contre <strong>la</strong> poitrine, un voile trans-<br />

parent, tandis qu'une draperie rouge, j<strong>et</strong>ée sur le<br />

bas <strong>de</strong> <strong>la</strong> figure, communi({ue aux chairs quelque<br />

chose <strong>de</strong> sa riche tonalité. Pour seul accessoire,<br />

enfin, un fond sombre sur lequel s'épanouissent<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> gerbes <strong>de</strong> <strong>la</strong>uriers <strong>et</strong> <strong>de</strong> myrtes, d'un ver<br />

presque noir.<br />

Ce portrait produit une impression étrange,<br />

trouble l'idée qu'on se voudrait taire du modèle,<br />

détourne même <strong>la</strong> pensée <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te distinction<br />

qu'on a coutume <strong>de</strong> rencontrer dans les moindres<br />

œuvres <strong>de</strong> Raphaël. On est intéressé sans être<br />

captivé, attiré sans être charmé. Il y a là comme<br />

une énigme. La main <strong>de</strong> Raphaël est dans toutes<br />

les parties <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te peinture, <strong>et</strong> <strong>la</strong> pensée du<br />

maître semble n'y être point. On dirait que, par<br />

une exception unique peut-être, Raphaël s'en est<br />

tenu ici à <strong>la</strong> l<strong>et</strong>tre <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, <strong>et</strong> qu'il n'en a<br />

pas cherché l'esprit; qu'il n'a pas dominé son<br />

modèle; que c'est, an contraire, son modèle qui<br />

l'a subjugué, <strong>et</strong> qu'il a été comme anéanti dans<br />

quelques-unes <strong>de</strong> ses qualités les plus exquises.<br />

On cherche l'àme, <strong>et</strong> l'on ne trouve que les sens.<br />

Dans ses atours d'odalisque, <strong>la</strong> fille du Trastévère<br />

est comme dépaysée ; elle prend même une certaine<br />

gaucherie. En se rappe<strong>la</strong>nt les portraits du<br />

maître, on est frappé surtout du contraste qui<br />

existe entre les figures <strong>de</strong> Raphaël <strong>et</strong> <strong>de</strong> sa maî-<br />

tresse. Jamais, pour s'attirer, les contraires ne se<br />

sont montrés avec plus d'évi<strong>de</strong>nce, <strong>et</strong> c'est<br />

sans doute par <strong>la</strong> force <strong><strong>de</strong>s</strong> oppositions que l'accord<br />

a été indissoluble entre ces <strong>de</strong>ux natures.<br />

Doué d'une complexion délicate, Raphaël est invinciblement<br />

alliré par ime femme qui a par excellence<br />

le don <strong>de</strong> <strong>la</strong> santé. Appelé par une voca-<br />

tion divine à peindre au vif les sentiments les<br />

p'us élevés <strong>de</strong> l'âme humaine, il s'attache à une<br />

créature qui semble Taite surtout pour <strong>la</strong> sensation<br />

Passionné pour toutes les élégances, il s'éprend<br />

d'une jeune fidc élevée en <strong>de</strong>hors du mon<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>de</strong> ses raffinements. Dans un moment <strong>de</strong> quintessence<br />

c<strong>la</strong>ssique <strong>et</strong> <strong>de</strong> renouvellement littéraire,<br />

alors que <strong>la</strong> chevalerie du moyen âge j<strong>et</strong>ait ses<br />

<strong>de</strong>rniers feux <strong>et</strong> que <strong>la</strong> ga<strong>la</strong>nterie mo<strong>de</strong>rne montrait<br />

ses premières f<strong>la</strong>mmes, l'homme le plus<br />

choyé <strong>et</strong> le plus adulé <strong>de</strong> sou temps, l'artiste qui<br />

occupait à <strong>la</strong> cour pontificale une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> gentilhomme<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> chambre, <strong>et</strong> qui vivait, selon le dire<br />

<strong>de</strong> A'asari, « non en peintre, mais en prince », dédaigne<br />

les aristocratiques conquêtes <strong>et</strong> se <strong>la</strong>isse<br />

enchaîner par une beauté plébéienne. Il rencontre<br />

une femme étrangère pour ainsi dire à <strong>la</strong> civilisation<br />

<strong>de</strong> son temps, <strong>et</strong> il s'y attache comme à un<br />

modèle <strong>de</strong> prédilecti-ju. Dans ce mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance,<br />

où, <strong>de</strong>puis Dante jusqu'à Tasse, l'amour<br />

avait été spiritualisé à outrance par le génie chrétien,<br />

le plus grand <strong><strong>de</strong>s</strong> peintres, en présence <strong>de</strong><br />

fa maîtresse, oublie presqui; son art. Il regar<strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te femme, <strong>et</strong> <strong>la</strong> réalité seule lui suffit; il <strong>la</strong><br />

peint, sans s'occuper d'autre chose que d'être vrai.<br />

(A suivre. A. Gruybr.<br />

PIERRE BOREL<br />

MÉDECIN ET ANTIQUAIRE DU XVU^ SIÈCLE<br />

A Monsieur le directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gaz<strong>et</strong>te <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Beaux-Arts.<br />

Je viens <strong>de</strong> lire avec intérêt <strong>et</strong> profit le volume<br />

sur <strong>la</strong> Pluralité <strong><strong>de</strong>s</strong> Mo?i>les linbités, par .M. Camille<br />

F<strong>la</strong>mmarion. Ce livre contient une erreur que je<br />

tiens à relever, parce que les erreurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te ua-

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