chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

172 LA CHRONIQUE DES ARTS
moulage de ce bas-relief rapporté de Rhodes, il y
a quelques années, par un explorateur français,
existe au musée de Cluny. Le tombeau est orné
d'inscriptions, dont nous trouvons la traduction
dans l'ouvrage curieux de M. Villeneuve de Bargemont,
sur les grands maîtres de l'ordre de Saint-
Jean de Jérusalem :
Les dieux et vos mœurs vous donneront cFahord
les plus belles récompenses.
Au ce>iseur et au réformateur des mœurs
A frère Pierre de Cornillon,
français provençal, gnmd maitre de la sainte milice
de Jérusalem,
Tan 1356.
Les citoyens de Rhodes recon7iaissants
ont élevé ce monument.
Pierre de Cornillon, dont il existe des descen-
dants, était grand prieur de Stiint-Gilles, lorsqu'il
fut nonmié grand maître- Il succéda à un autre
français, Dieudonné de Gozon, dont le tombeau
figure également dans l'acquisition en question.
Dieudrnné de Gozon, issu d'une ancienne fa-
mille de Rouergue, est le héros de la célèbre légende
du dragon de Rhodes. A deux milles de
Rhodes, au pied du mont Saint-Étienne, en un
lieu que le terreur publique avait fait appeler Maupas,
se trouvait un monstre qui dévorait les bestiaux
et les pâtres. Plusieurs chevaliers avaient tenté,
en vain, de le détruire ; ils avaient péri. Le granû
maître de Rhodes crut même devoir défendre aux
frères hospitaliers, sous peine de privation de
l'habit, de recommencer la tentative. Gozon seul,
simple chevalier, résolut de passer outre et de
tuer le monstre. Il examina attentivement le dragon
et remarqua qu'il n'avait point d'écaillés sous
le ventre. Alors il revint en France, au château de
Gozon, habité par son frère, fit construire un dragon
en carton, et dressa deux dogues à l'attaquer. Il
retourna ensuite à Rhodes, et un beau jour attaqua
le monstre de Maupas, qu'il tua d'un coup d'épée,
après avoir couru les plus grands dangers.
Les habitants de Rhodes lui firent une ovation
enthousiaste. Le grand maître, Helion de Villeneuve,
le fit traduire sous l'inculpation de désobéissance
devant le conseil de l'ordre qui condamna
le héros à la prison et à la privation de
rha))it ; mais quelques jours après, Dieudonné de
Gozon était nommé commandeur et ensuite lieutenant-général.
Il succéda à Helion de Villeneuve
et occupa la maîtrise de 1346 à 1355. Son tombeau
mesure l m. 20 de long et 0.69 de haut. Il devait
être, à l'origine, surmonté d'un groupe représen-
tant la légende de Maupas, qui fit le sujet en outre
de peintures fort curieuses dans diverses églises
de Rhodes et particulièrement dans celle de Saint-
Ephème.
Le quatrième tombeau est celui de Robert de
Julhiac, SOC grand-maître de l'ordre ^- 1374-1376.
— Il est en quatre parties ; il a 2 m. 10 de longueur,
0.69 de largeur, et 0.50 de hauteur. Sur
l'une des faces, se trouve l' inscription suivante,
très-lisible :
Hic Jacet in Christo
religiosus et pater ordinis
frater Rohertus de Julhiaco, quondam
magister sacrœ domus hospitalis
Sa7icti Hierolosimitani qui obiit
die 29 julii anno domini
1377, cujus anima reqiiiescat inpace.
L'inscription est accompagnée dans le bas de
deux écussons, celui de l'ordre et celui de Robert
de Julhiac, qui porte d'argent h une croix fleuronnée
de gueules au lambel d'azur de 4 pe?iclans.
Enfin la dernière pièce est le couvercle du tombeau
de Jacques de Milly qui fut le 35^ grandmaître
de 1454 à 1461.
Il est orné d'une figure en bas relief sculpté,
grandeur naturelle, et représentant le défunt. A
l'exception des mains un peu frustes, celte sculpture
est bien conservée ; elle mesure 1 m. 90 de
long.
Tous ces tombeaux seront placés au Musée de
Cluny.
Marius Vachon.
P.-S. — \n dernier moment, nous apprenons
que l'affaire vient d'être conclue tèlégraphiquement
entre le directeur du musée de Cluny et le
possesseur des tombes en question. L'agence consulaire
de France à Rhodes a été invitée à prendre
les mesures nécessaires pour leur prompt
envoi en France.
BIBLIOGRAPHIE
Etudes artistiques, par Jules Houdoy. 1 vol.
grand iu-S" de 146 pages avec portrait A. Aubry
et A. Détaille. Paris 1877.
M. Jules Houdoy, continuant ses persévérantes
recherches dans le riche dépôt des Archives du
département du Nord, vient de publier avec le
luxe qui lui est habituel, trois études sur les ar-
tistes elles arts dans la ville de Lille.
La première a pour objet les « Artistes inconnus
des xive, xv" et xvi