chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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48 LA CHRONIQUE DES ARTS<br />
L'ART AU THEATRE<br />
M. Chér<strong>et</strong> est un paysagiste, ainsi que le<br />
montrent les <strong>de</strong>ux décors qu'il a peints pour<br />
VH<strong>et</strong>m'in. L'un représente une gorge <strong>de</strong> l'Ukraine<br />
où roule, au milieu <strong><strong>de</strong>s</strong> escarpements<br />
rocheux où s'accrochent quelques pins noirs,<br />
un <strong><strong>de</strong>s</strong> aftluents du Dnieper, car malgré le<br />
texte <strong>de</strong> M. Paul Deroulè<strong>de</strong>, le « vieux tleuve »,<br />
comme il l'appelle, ne coule point où il nous<br />
le montre ; du moins <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> Russie est<br />
en désacc.'rd avec lui. Elle nous fait voir aussi<br />
que l'Ukraine est loin <strong>de</strong> Lublin, où siège <strong>la</strong><br />
cour du roi W<strong>la</strong>dis<strong>la</strong>s IV, <strong>et</strong> qu'il est impossible<br />
que les mêmes personnages se montrent à<br />
<strong>de</strong> courts intervalles tantôt dans ce pays <strong>et</strong><br />
tantôt dans c<strong>et</strong>te ville, surtout en un temps où<br />
il n'y avait pas <strong>de</strong> chemins <strong>de</strong> fer.<br />
Mais ceci est <strong>de</strong> <strong>la</strong> géographie <strong>et</strong> non <strong>de</strong><br />
l'art.<br />
Le second décor nous transporte en pleine<br />
forêt <strong>de</strong> sapins. Leurs troncs nùnces <strong>et</strong> droits<br />
envahissent <strong>la</strong> scène <strong>et</strong> <strong>la</strong> divisent en plusieurs<br />
chemins qui aboutissent au carrefour où quelques<br />
tentes couvertes d'un dôme d'étolfes bariolées<br />
abritent les chefs Kosaks.<br />
Les autres décors sont dus à M. Zarra.<br />
Dans le premier, le château <strong>de</strong> Lublin se<br />
profile à droite avec ses fenêtres éc<strong>la</strong>irées pour<br />
une fête, sur une terrasse qui accè<strong>de</strong> avec <strong>la</strong><br />
scène par un escalier oblique bordé <strong>de</strong> balustres.<br />
Entre les grands arbres qui forment coulisses<br />
<strong>et</strong> qui interrompent <strong>la</strong> perspective du<br />
pa<strong>la</strong>is, d autres balustres bor<strong>de</strong>nt une terrasse<br />
qui plonge dans le vi<strong>de</strong> où s'étend <strong>la</strong> nuit. Ce<br />
décor est pittoresque <strong>et</strong> bien p<strong>la</strong>nté. Celui <strong>de</strong><br />
l'intérieur du pa<strong>la</strong>is <strong>de</strong> Lublin appartient à<br />
l'architecture fantaisiste que l'on ne rencontre<br />
que trop souvent au ihéâti'e.<br />
Impossible à construire, il serait impossible<br />
k habiter. 11 n'est inspiré ni <strong>de</strong> l'art allemand<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> lin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Renaissance, ni <strong>de</strong> l'art oriental.<br />
C'est <strong>de</strong> l'art <strong>de</strong> décorateur.<br />
Le <strong>de</strong>rnier décor est encore tout conventionnel,<br />
<strong>et</strong> dans le genre <strong><strong>de</strong>s</strong> t^bleaux f<strong>la</strong>mands<br />
du xviie siècle, <strong>de</strong> Ph. Wouwerman<br />
entre autres, qui nous montrent un intérieur<br />
tout ouvert au fond <strong>et</strong> communiquant sans<br />
clôture d'aucune sorte avec l'extérieur.<br />
C'est une Isbah.<br />
Des galeries régnent tout autour <strong><strong>de</strong>s</strong> murs<br />
qui semblent enceindre une cour intérieure.<br />
De c<strong>et</strong>te galerie, encombrée <strong>de</strong> tonneaux <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong> fourrages, on <strong><strong>de</strong>s</strong>cend sur <strong>la</strong> scène quiu'en<br />
est séparée que par un poteau d'appui.<br />
Un escalier <strong>de</strong> quelques marche.-^ y <strong><strong>de</strong>s</strong>cend<br />
aussi sur le côté, ce qui est contraire au texte,<br />
car il sert d'accès à un personnage que l'on<br />
nous dit monter. C'est tout le contraire qu'il<br />
fait.<br />
Il faui du pittoresque -,<br />
maisjl<br />
ne faut point<br />
qu'il soit, à contre-sens.<br />
Ce décor est d'une tonalité bleue uniforme<br />
qui lui enlève toute consistance, surtout dans<br />
les fonds.<br />
Ces décors d'une p<strong>la</strong>ntation si cherchée <strong>et</strong><br />
souvent si réussie, servent <strong>de</strong> cadre à <strong><strong>de</strong>s</strong> personnages<br />
dont li's costumes ont été <strong><strong>de</strong>s</strong>sinés<br />
avec soin par M. Thomas.<br />
L'action se passe vers 1640, sous le roi <strong>de</strong><br />
Polognf W<strong>la</strong>dis<strong>la</strong>s IV. L'on a pensé que les<br />
habits occi<strong>de</strong>ntaux <strong>de</strong>vaient être portés à <strong>la</strong><br />
cour, si les costumes nationaux <strong>de</strong>vaient revêtir<br />
les gens du peuple <strong>et</strong> les Kosaks.<br />
Les gravures d'Abraham Bosse ont servi à<br />
tailleries premiers. Le pourpoint siniplement<br />
ajusté à <strong>la</strong> taille, sans ceinture, ne <strong>la</strong> serre<br />
point, <strong>et</strong> les chausses,, <strong>de</strong>mi-<strong>la</strong>rges tombent<br />
droit dans <strong>la</strong> botte i\ <strong>la</strong>rge entonnoir. Les cheveux<br />
tlottent autour du visage; le roi même<br />
les porte poudrés suivant une mo<strong>de</strong> qui alors<br />
ne dura guère, avec une ca<strong>de</strong>n<strong>et</strong>te nouée<br />
d'un ruban <strong>et</strong> tombant sur l'épaule gauche.<br />
Un p<strong>et</strong>it manteau sur l'épaule <strong>et</strong> un <strong>la</strong>rge<br />
feutre à panache complètent l'habillement.<br />
Nous citerons surtout celui d'un <strong><strong>de</strong>s</strong> courtisans,<br />
fait en taff<strong>et</strong>as jaune, qui est d'une<br />
élégance exquise.<br />
Les étoffes sont choisies avec soin, dans<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> tonalités adoucies, <strong>et</strong> il n'y a que celles<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> comparses qui rappellent un peu trop les<br />
broc<strong>arts</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>ine qui garnissent les meubles<br />
<strong>et</strong> les fenêtres <strong><strong>de</strong>s</strong> chambres d'hôtel garni.<br />
Le même acteur dont nous venons <strong>de</strong> signaler<br />
le costume, porte au <strong>de</strong>rnier acte un corsel<strong>et</strong><br />
gravé <strong>de</strong> ban<strong><strong>de</strong>s</strong> longitudinales dorées,<br />
souvenir <strong><strong>de</strong>s</strong> pourpoints du temps <strong><strong>de</strong>s</strong> Valois,<br />
<strong>et</strong> est fort bien coitl'è <strong>de</strong> <strong>la</strong> sa<strong>la</strong><strong>de</strong> à jugu<strong>la</strong>ire<br />
({ui reçoit alors, ce nous semble, le nom <strong>de</strong><br />
bourguignotte.<br />
Quant aux costumes nationaux <strong><strong>de</strong>s</strong> PoU)nais<br />
<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> Kosaks, les premiers sont tels que<br />
M. Matejko nous les montre en ses tableaux<br />
qui représentent précisément <strong><strong>de</strong>s</strong> scènes <strong>de</strong><br />
riiistoire polonaise du xvii" siècle; polonaises<br />
à bran<strong>de</strong>bourgs ^ous <strong>de</strong> <strong>la</strong>rges houppe<strong>la</strong>n<strong><strong>de</strong>s</strong><br />
fouri'ées, <strong>et</strong> bonn<strong>et</strong>s <strong>de</strong> fourrures, le tout en<br />
riches étotIVs brochées <strong>et</strong> couvert <strong>de</strong> bijoux.<br />
Les Kosaks portent <strong><strong>de</strong>s</strong> costumes variés, qui<br />
indiquent <strong>la</strong> différence <strong><strong>de</strong>s</strong> nationalités ou <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
peup<strong>la</strong><strong><strong>de</strong>s</strong>, en même temps qu'ils apportent<br />
une variété pittoresque dans les masses. Les<br />
uns, comme le jeune h<strong>et</strong>man Stenko, portent<br />
presque le costume turc adopté par nos<br />
zouaves. Le gil<strong>et</strong> <strong>de</strong> soieries est à manches,<br />
tandis que celles <strong>de</strong> <strong>la</strong> veste sont fendues. Les<br />
autres portent <strong>la</strong> veste à basques, avec <strong>la</strong> cartouchière<br />
sur <strong>la</strong> poitrine; tous, le bonn<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
fourrure.<br />
Ceux qui sont munis <strong>de</strong> <strong>la</strong> cartouchière<br />
sont armés d'un long fusil à mèche; mais il y en<br />
a qui revêtaient encore l'arc en sautoir <strong>et</strong> le<br />
carquois gai ni <strong>de</strong> tlèches.<br />
Il y en avait encore d'ainsi armés, croyonsnous,<br />
dans le- ban<strong><strong>de</strong>s</strong> que <strong>la</strong> Russie avait rassemblées<br />
<strong><strong>de</strong>s</strong> gouvernements les plus éloignés<br />
pour envahir <strong>la</strong> France en 1814.<br />
Les femmes ont le costume dontM. Cermack<br />
revêt ses Herzégoviennes. Robe longue,<br />
plus ou moins ajustée , <strong>et</strong> caf<strong>et</strong>an droit. Un<br />
mouchoir <strong>de</strong> soie, noué <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong> tête <strong>et</strong> à<br />
bouts Iluttants sur les épaules, leur sert <strong>de</strong><br />
coiffure. Les étolTes rayées, les bro<strong>de</strong>ries do<br />
couleur sur les chemises b<strong>la</strong>nches <strong>et</strong> les bijoux<br />
adoucissent <strong>la</strong> sévérité <strong>de</strong> ce costume.