chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...

Toutefois, ils l'emplissent sans l'encombrer.
Répandus sur les vieux meubles et sur les
vieilles boiseries de Dordrecht, ils paraissent
avoir toujours été faits pour la place ipie leur
nouveau propriétaire, avec un goût d'arra^gomei
t et un tact érudit que je ne saurais trop
louer, leur a asMgnée. Il y a, dans la céramique
de Délit, une variété, une souplesse et
une ingéniosité que nous ne soupçonnons pas
à Paris, oii nous avons l'habitude do no rencontrer
que des pièces communes ou de décadence.
Les tons les plus vifs et les plus frais, les
émaux les plus fins et les plus translucides, les
dessins 1ns plus imprévus, les formes les plus
abondantes, en un mot un éclectisme plein
d'adresse, s'appropriant les types étrangei's,
de Rouen à Yeddo et de Nevers à Canton, les
rajeunissant, les vivifiant, les trnnsfiirmant et
les associant, au point d'en faire une unité
absolument originale, tel est l'art dclftois.
Havard a préludé à son importai te et définitive
Histoire de la faïevce de Belft, qui va
bientôt être livrée au public, en esquissant à
grands traits, dans le numéro de février do la
Gazette, l'incomparable, l'indescriptihlo collection
de M. John Loudon, qui certes est l'une
des plus singulières curiosités de La Haye.
Dans le même ordre d'idées allez voir les
menuiseries hollandaises de M. Van Hemskerke,
un peintre de marines dont le talent a
été consacré par les derniers Salons de Paris.
C'est complet et sans tare d'aucune sorte.
Deux pièces entières ont été restituées avec
leurs cuirs gnufrés et dorés, leurs cheminées
en marbre noir et blanc, leurs vieux lustres
en cuivre et leurs beaux bois de Dordrecht,
s ulptés et incrustés, meubles, plafonds et
boiser;es appliquées, à colonnes et à corniches
saillantes, qui sont, à mes yeux, l'undes titres
les plus originaux de l'art hollandais. Deux
pièces entières ont été ti^ouvées et acquises
par M. Van Hemskerke dans toute leur intégrité
; l'une porte la date de 162(i, l'autre est
plus ancienne de quatre ou cinq ans. Il ne
manque à ces décors, si délicieusement et si
parfditement hollandais, que les élégants personnages
de Terburg et de Metzu. Consultez à
ce sujet le tableau de la Femme hydropiqve de
Gérard Dow, au Louvre.
ET DE LA CURIOSITÉ 33c
Hrirlem.
J'eusse voulu m'arrêtera Lcyde, pour y revoir
le précieux Jugement dernier de Lucas de
Leyde,d(.'nt les œuvres sont si rares, conservé
dans la salle du conseil de rilùlel de-Ville ;
cela m'eût été impossible, sous peine de brûler
Harlem.
Je ne vous parlerai pas des Frans Hais de
Harlem; le sujet est rebattu. Tout au plus me
perniettrai-je de remarijucr qu'ils ne sont pas
tous d'une égale beauté. Avec deux ou trois
de ses meilleures Réunions de gardes civiques,
on a la mesure complète de la prodigieuse virtuosité
de Hais. L'œil rassasié est pi'cs(]ue
tenté de se plaindre d'une aussi exubérante
richesse.
Devant cette année formidable de person-
nages si rudement et si bra'-ement troussés à
la pointe d'un pinceau dont la franchise n'eut
pas d'égale, saluons le créateur do l'école de
Ilarlem, le maître de Brauwcr et d'Ostade.
Le petit musée du Sfadhuis de Harlem contient
d'autres œuvres excellentes dont il n». faut pas
se laisser dét' urner par l'écla' plus tapageur
des grands tableaux de Hais. Ce sont d'abord
des réunions de vieilles femmes, de Jean de
Rray et de Ver5pronck, maîtres contemporains
de Ravestein et peu connus en dehors de la
Hollande.
Ici, la facture est aussi calme, aussi étudiée,
aussi sérieuse que possible. C'est l'art hollandais
du commencement du xvii» siècle, art
austère et janséniste qui est aux antipodes de
celui de Frans Hais. Il y a do chacun de ces
deux portraitistes, deux compositions représentant
des femmes âgées faisant leurscomptcs
etpesantleur or,toutescnnoiravccdo larges rabats
de toile blanche. Ces quatre tableaux, à
mes yeux, comptent parmi les chefs-d'u-uvre
les plus certains de la peinture hollandaise.
Aujourd'hui encore, ils sont l'expression la
ytlus frappante du génie intime du pays, mélange
d3 recueillement, do gravité attable,
d'esprit d'économie, de simplicité sans all'ectation,
de haute et naturelle distinction de
manières. Je signalerai ensuite une petite
esquisse d'Adiien lîrauwer, en hauteur, représentant
un groupe d'hommes, debout et causant,
qui est un bijou sans prix et qui montre
dans toute sa (leur la surprenante exécution
de l'élève de Hais. C'est le seul tableau incontesté
de Brauwer qu'ait, à ma connaissance,
conservé la Hollande. Marquons-le d'une double
croix.
(A sukre.] Louis Conse.
ACADEMIE
DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
Séanre du 9 novembre.
M. Renan pré?entc un mè.iioirc de yi. Phili|ipe
Berger sur les ex vofo du temple de Tanit à Car-
thage. Ce sont dos stilcs funéraires réunies à la
Bibliothèque nationale; avec celles qui sont nu
Louvre, elles forment une série d'environ 3.000
monuments. Les inscriplionsj très-monotone?, ne
donnent puère que des noms propres et drs généalogies
; néanmoins IVnsenible fournira quelque
chose d'iutéresrant. Dnns l'élude des stèles
de la Bibliothèi]ue natiouale, >L Berger s'est surtout
occupé des représentations fi^'urées sur les
stèles farlhaj.'inoises; il y a là, pour ranhéulofîie
séiniti(pie, si obscure et si pauvre, un véritable
trésor. Eu fiéuéral, ces stèles sont des pierres
longues de 30 à ïO centimètres et teruiiaécs eu
pointe. Souvent cette petite pyramide est accompagnée
de deux aerotères M}, qui rappellent la
(I) I/al;i