chronique des arts et de la curiosité, année 1877 - World eBook ...
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dont il fit un très-beau portrait, qui semb<strong>la</strong>it vivant<br />
(1)... »<br />
Vasaricontiniie <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture <strong><strong>de</strong>s</strong> principaux<br />
ouvrages <strong>de</strong> Raphaël, <strong>et</strong> mentionne en nièine<br />
temps que le Grand saint Miche/, peint à l'intention<br />
du roi <strong>de</strong> France en 1517, plusieurs portraits<br />
<strong>de</strong> femmes, entre autres ceux <strong>de</strong> Béatrice<br />
<strong>de</strong> Ferrare <strong>et</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> maîtresse du peintre... Ritrasse<br />
Béatrice Ferrarese ed altre donne, e partico<strong>la</strong>rmenie<br />
quel<strong>la</strong> sua (2).<br />
Jusqu'ici, il n'est question que d'une seule <strong>et</strong><br />
même femme, que Vasari i<strong>de</strong>ntifie <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon <strong>la</strong><br />
plus intime à Raphaël, qu'il fait sienne, ma, dont<br />
il cite <strong>de</strong>ux portraits exécutés à trois ou quatre<br />
ans <strong>de</strong> distance, <strong>et</strong> dont il parle comme il parlerait<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> femme même du maître. Mais, presque<br />
aussitôt, il ajoute : «... Raphaël ne sut pas modé-<br />
rer ses passions... « Et Vasari, dès lors, al<strong>la</strong>nt<br />
d'insinuations perfi<strong><strong>de</strong>s</strong> en aftirmations témérai-<br />
res, en arrive à montrer, dans le peintre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Vierge, dans le <strong><strong>de</strong>s</strong>sinateur spiritualiste <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
fable <strong>de</strong> Psyché, dans l'apôtre par excellence <strong>de</strong><br />
l'idéal, non plus l'artiste épris avec sincérité d'une<br />
femme, mais un homme obéissant en esc<strong>la</strong>ve, <strong>et</strong><br />
jusqu'à en mourir^ à <strong>de</strong> honteux caprices (3). Et,<br />
afirès avoir ainsi compromis <strong>la</strong> mémoire <strong>de</strong> Ra-<br />
|)haël, Vasari s'écrie, dans une péroraison presque<br />
lyri jue : « âme bienheureuse, <strong>de</strong>vant <strong>la</strong>quelle<br />
tout le mon<strong>de</strong> se prosterne, en célébrant ta vie,<br />
en admirant tes œuvres ! La peinture aurait dû<br />
mourir avec ce noble artiste, car <strong>la</strong> lumière s'éteignit<br />
pour elle quand il ferma les yeux. A nous<br />
maintenant, à nous qui lui survivons, <strong>de</strong> célébrer<br />
dignement une pareille vie; à nous d'en<br />
gar<strong>de</strong>r dans nos cœurs le pieux souvenir ; à nous<br />
d'honorer à jamais une telle mémoire... Honneur<br />
en ce mon<strong>de</strong> à ceux qui imiteront les travaux <strong>de</strong><br />
Raphaël ! Gloire au ciel à ceux qui se régleront<br />
sur sa vie ! (4) » Vasari avait écrit déjà, au début<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Vie <strong>de</strong> Raphaël: « Ceux qui sont en possession<br />
<strong>de</strong> tous les dons précieux dont a été comblé<br />
Raphaël d'Urbin ne sont pas seulement <strong><strong>de</strong>s</strong> hommes,<br />
ce sont, s'il est permis <strong>de</strong> parler ainsi, <strong><strong>de</strong>s</strong><br />
dieux mortels... (5) » Les <strong>de</strong>rnières lignes sont<br />
donc en parfait accord avec les premières. Mais<br />
que <strong>de</strong>viennent les accusations intermédiaires, <strong>et</strong><br />
comment Vasari prom<strong>et</strong>-il une récompense divine<br />
« à ceux qui se régleront sur <strong>la</strong> vie >> d'un<br />
homme qu'il a d'abord si lour<strong>de</strong>ment chargé ?<br />
De ce pêle-mêle incohérent <strong>et</strong> contradictoire il<br />
faut dégager <strong>de</strong>ux affirmations : d'abord, que<br />
Raphaël eut une maîtresse, <strong>et</strong> qu'il l'aima jusqu'à<br />
<strong>la</strong> mort; ensuite, qu'il fit <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te femme <strong>de</strong>ux<br />
portraits, l'un <strong>de</strong> 1512 à 151'4, l'autre après loP.<br />
Le reste est inadmissible <strong>et</strong> ?^e trouve d'ailleurs<br />
démenti par les faits. Quoi! Raphaël, éju-is <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Fornarina en 1514, <strong>et</strong> même dès 1509, nous le verrous<br />
tout à l'heure, fidèle .ai même amoureu 1517,<br />
<strong>et</strong> jusqu'à l'heure <strong>de</strong> sa mort, en 1520, aurait été<br />
dominé eu même temps par <strong><strong>de</strong>s</strong> passions désordonnées,<br />
auxquelles il aurait tout sacrifié, <strong>de</strong>voir,<br />
travail, dignité, <strong>la</strong> vie même? Mais les œuvres <strong>de</strong><br />
Raphaël ne suffisent-elles pas pour répondre à une<br />
1. Vasari, t. VIII, p. 35. Ed. Le Monuier.<br />
'1, Vasari, t, VIII, p. 44.<br />
3. Vasari, t. VIII, p. 45 <strong>et</strong> ."iS.<br />
4. Vasari, t. VIII, p. GO <strong>et</strong> KA.<br />
5. Vasari, t. VIII, p. 32.<br />
ET DE LA CURIOSITÉ 337<br />
' semb<strong>la</strong>ble<br />
, pareils<br />
i accompli,<br />
I imagination<br />
j ment<br />
' <strong>et</strong><br />
j Non,<br />
, aisément<br />
j<br />
accusation? Comment concilier avec <strong>de</strong><br />
dérèglement- l'énorme travail chaque jour<br />
l'abondance toujours croissante d'une<br />
toujours fraîche, un génie constain-<br />
en voie <strong>de</strong> progrès, s'avancant avec calme<br />
sans uu instant <strong>de</strong> (h'fail<strong>la</strong>nce vers <strong>la</strong> perfection,<br />
<strong>et</strong> ne s'arrêtant un jour que pour mourir?<br />
ce<strong>la</strong> n'est pas possible. En prêtant aussi<br />
l'oreille à <strong>la</strong> malveil<strong>la</strong>nce, en transfor-<br />
niant un sentiment vif en un instinct grossier, en<br />
m<strong>et</strong>tant un vice à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce d'une passion, Vasari a<br />
servi les rancunes d'une coterie ; il a fait acte <strong>de</strong><br />
partisan, il n'a pas failœuvre d'historien. .\u lieu <strong>de</strong><br />
se renseigner auprès <strong><strong>de</strong>s</strong> témoins ocu<strong>la</strong>ires, au<br />
lieu <strong>de</strong> s'adresser à l'historien Paolo Giovio <strong>et</strong> à<br />
l'antiquaire Andréa Fulvio. ilont le récit ne <strong>la</strong>isse<br />
p<strong>la</strong>ner aucun soup(;on fâcheux sur <strong>la</strong> véritable<br />
cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die <strong>de</strong> Raphaël, c'est Simone<br />
Fornari, <strong>de</strong> Reggio, qu'il consulte. C<strong>et</strong> auteur,