Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
102<br />
Jeu de ping-pong à la frontière Grèce-Turquie<br />
été adoptée le 16 mars 2010. Le nouveau discours<br />
ociel établit une distinction très forte<br />
entre immigrations légale et illégale, ce qui<br />
va de pair avec une légalisation des pratiques<br />
policières de blocage et de refoulement des<br />
irréguliers. La formule du ministre de l’Intérieur,<br />
G. Ragousis, « on ferme nos frontières<br />
pour ouvrir nos cœurs, » résume parfaitement<br />
cette logique. En fait, la Grèce incorpore de<br />
plus en plus son rôle de garant de l’externalisation<br />
des frontières européennes.<br />
En Turquie, une nouvelle circulaire a été<br />
adoptée en mars 2010 pour « combattre l’immigration<br />
irrégulière ». Il a été mis en place<br />
un « bureau de coordination » pour le même<br />
but. Pour la première fois ainsi, la Turquie<br />
emploie un vocabulaire européen et montre<br />
sa volonté de collaborer plus étroitement avec<br />
l’UE dans le domaine de ce qu’elle nomme<br />
« immigration ».<br />
La ville d’Izmir, exemple de frontière<br />
maritime 5<br />
Izmir (Smyrne) occupe une position stratégique<br />
au bord de la Mer Egée sur la route<br />
vers les îles grecques. Tous les migrants y<br />
vivent dans le quartier de Basmane, situé près<br />
de la gare ferroviaire du même nom, au centre-ville<br />
mais isolé du reste de la cité par de<br />
grandes avenues. Izmir, comme nombre de<br />
villes aux frontières de l’UE, est à la fois une<br />
zone de transit pour les migrants qui tentent<br />
la voie maritime pour passer en Grèce et un<br />
camp informel pour ceux qui n’ont pas d’argent<br />
pour faire la traversée. La région a également<br />
pour vocation de réadmettre les expulsés<br />
de Grèce (voir plus loin).<br />
Témoignage. Avant d’arriver en Turquie,<br />
ce Mauritanien a passé deux ans en Libye. Il<br />
souhaite aller en Grèce mais il n’a pas assez<br />
d’argent pour la traversée, qui coûte 1 200<br />
dollars. Il travaille dans un hôtel où vivent<br />
d’autres migrants. Il y fait le ménage, et<br />
5. Informations issues principalement de l’association<br />
d’aide aux migrants Multeci Der (cf. infra), ainsi que de<br />
témoignages recueillis auprès de migrants.<br />
en échange le propriétaire lui fournit une<br />
chambre pour lui. Il ne dort plus, il ne fait<br />
rien de ses journées à part rester dans<br />
cette chambre de quelques mètres carrés et<br />
regarder la télévision turque. Il a déjà été<br />
arrêté trois fois par la police. Il est coincé<br />
ici, dans ce quartier, en attendant de trouver<br />
une solution pour passer la frontière. Il vit en<br />
Turquie depuis 5 ans.<br />
Détention : le règne de<br />
l’arbitraire<br />
En Turquie, la circulaire de mars 2010<br />
a changé le nom des centres, appelés<br />
aujourd’hui « geri gönderme merkezi » c’està-dire<br />
« centres d’expulsion ». Leur but est de<br />
rendre les expulsions plus rapides, sans que les<br />
dispositions légales aient le temps d’être invoquées<br />
explicitement. De tels centres seront<br />
construits dans les provinces qui n’en possèdent<br />
pas pour le moment. Sept « centres d’accueil<br />
et de détention administrative » pour les<br />
demandeurs d’asile vont également êtres mis<br />
en place prochainement.<br />
Le projet de construction de deux centres<br />
de refoulement entièrement nancé par<br />
l’UE est toujours d’actualité. Ils seront situés<br />
à Pehlivanköy et Edirne, à la frontière avec<br />
la Grèce et la Bulgarie (en 2010, le centre de<br />
détention de Tunca était plus ou moins fermé<br />
depuis un an en raison des conditions précaires<br />
qui y régnaient). Les centres auront chacun<br />
une capacité d’accueil de 750 places. Ils<br />
s’inscrivent dans un projet de l’UE nancé à<br />
hauteur de 1,2 millions d’euros par le Royaume-Uni<br />
pour « combattre l’immigration illégale<br />
» à la source, mais l’objectif est ouvertement<br />
d’obliger la Turquie et la Grèce à agir la<br />
main dans la main 6 .<br />
Cependant, la Turquie a été condamnée<br />
deux fois par la Cour européenne des droits<br />
de l’homme (CEDH), le 22 septembre 2009<br />
6. www.hurriyetdailynews.com/n.php?n=turkey-greecejoin-eu-project-to-share-burden-on-illegal-immigration--<br />
2010-03-12