Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
84<br />
Mers ionienne et adriatique : retours forcés entre Italie et Grèce<br />
L’agent n’aurait cependant pas pu mener d’entretiens<br />
avec les étrangers expulsés, car la majeure<br />
partie d’entre eux, comme on l’a appris plus tard,<br />
ont été rapatriés en Grèce par le même ferry.<br />
Le lendemain, l’agent a […] reçu deux fax<br />
accusant réception de la demande de protection<br />
internationale de deux ressortissants érythréens,<br />
d’un ressortissant irakien, d‘un palestinien, et de<br />
l’accueil de deux mineurs non accompagnés.<br />
Comment se fait-il que l’entretien avec les<br />
étrangers ait été mené sans l’agent, alors qu’il a les<br />
compétences requises et est médiateur linguisticoculturel<br />
?<br />
Pourquoi l’agent n’a-t-il pas été informé<br />
immédiatement que quatre personnes ont été<br />
acceptées, an de leur donner immédiatement<br />
l’assistance prévue ?<br />
L’improbable collaboration du CIR et<br />
de Melting Pot a permis un regard sur cette<br />
opération de la police des frontières. La conrmation<br />
de l’expulsion collective semble montrer<br />
que ces pratiques sont courantes, même<br />
si elles sont rarement rendues publiques, an<br />
d’éviter les réactions des associations et des<br />
mouvements, surtout depuis le recours contre<br />
l’État italien (voir ci-dessus) déclaré admissible<br />
devant la CEDH.<br />
3. Le port d’Ancône<br />
Concernant les demandes de protection<br />
reçues et le nombre total des arrestations de<br />
migrants irréguliers à Ancône, on a vu qu’il y<br />
avait une diérence sensible entre les chires<br />
du CIR et ceux de la police des frontières. Il<br />
faut distinguer une première phase, que l’on<br />
peut dénir comme arbitraire, et une seconde,<br />
assurée par le CIR en l’absence des conditions<br />
requises pour l’accès à la demande de protection.<br />
Nous incluons les opérations de contrôle<br />
dans la première phase, car elles sortent de<br />
l’application de l’accord bilatéral Italie-Grèce<br />
selon lequel les « réadmissions » ont lieu sans<br />
les membres du CIR. On peut supposer, sur<br />
la base des données du CIR et des témoignages<br />
recueillis en Grèce (qui sont contestés par<br />
la police des frontières), et en tenant compte<br />
des « coûts » entraînés par l’accueil et de l’exigence<br />
du « chire », qu’il s’agit en grande partie<br />
d’expulsions visant des mineurs. On peut<br />
également supposer que la police ne juge pas<br />
nécessaire de faire intervenir le CIR, une fois<br />
que la demande de protection a été décrétée<br />
infondée, ou qu’il a été établi que la personne<br />
en situation irrégulière ne pourrait, en aucun<br />
cas, bénécier de ce droit.<br />
La seconde phase implique le recours au<br />
CIR. L’intervention du personnel du CIR,<br />
soumis à des horaires de bureau, et réquisitionné<br />
dans des cas exceptionnels, dépend aussi de<br />
la présence des traducteurs ociels. Il arrive<br />
donc que l’interrogatoire ne puisse pas avoir<br />
lieu, ou alors dans de mauvaises conditions,<br />
les traducteurs ne comprenant pas toujours<br />
parfaitement le dialecte de leur interlocuteur<br />
ou parlant des langues qui ne sont pas celles<br />
du pays d’origine de la personne interrogée.<br />
L’issue de l’interrogatoire (qui a lieu à bord<br />
des ferries, dans les salles prévues à cet eet)<br />
dépend de plusieurs paramètres : conditions<br />
de santé et dispositions d’esprit de la personne<br />
interpellée (fatigue, stress, peur), nombre<br />
de personnes à interroger (pour les groupes,<br />
les interrogatoires sont plus rapides et, dans<br />
le pire des cas, collectifs), temps disponible,<br />
comportement des forces de l’ordre présentes<br />
durant l’entretien. Tout cela ne garantit pas<br />
un examen objectif de la situation du migrant,<br />
de ses désirs, du motif du voyage etc. Si l’on<br />
ajoute la volonté de « démasquer » les faux<br />
demandeurs d’asile par des questions pièges,<br />
il est évident que l’interrogatoire devient en<br />
fait une procédure « abrégée » : d’abord pour<br />
évaluer rapidement la situation (par manque<br />
de personnel, en cas de situation exceptionnelle)<br />
; ensuite pour arriver à une décision<br />
sans laisser le temps à la personne interrogée<br />
de s’adapter et de donner des réponses argumentées,<br />
et sans l’informer de ses droits quant<br />
à une demande de protection.