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Migreurop - Fondation Jean-Jaurès

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Mers ionienne et adriatique : retours forcés entre Italie et Grèce<br />

L’agent n’aurait cependant pas pu mener d’entretiens<br />

avec les étrangers expulsés, car la majeure<br />

partie d’entre eux, comme on l’a appris plus tard,<br />

ont été rapatriés en Grèce par le même ferry.<br />

Le lendemain, l’agent a […] reçu deux fax<br />

accusant réception de la demande de protection<br />

internationale de deux ressortissants érythréens,<br />

d’un ressortissant irakien, d‘un palestinien, et de<br />

l’accueil de deux mineurs non accompagnés.<br />

Comment se fait-il que l’entretien avec les<br />

étrangers ait été mené sans l’agent, alors qu’il a les<br />

compétences requises et est médiateur linguisticoculturel<br />

?<br />

Pourquoi l’agent n’a-t-il pas été informé<br />

immédiatement que quatre personnes ont été<br />

acceptées, an de leur donner immédiatement<br />

l’assistance prévue ?<br />

L’improbable collaboration du CIR et<br />

de Melting Pot a permis un regard sur cette<br />

opération de la police des frontières. La conrmation<br />

de l’expulsion collective semble montrer<br />

que ces pratiques sont courantes, même<br />

si elles sont rarement rendues publiques, an<br />

d’éviter les réactions des associations et des<br />

mouvements, surtout depuis le recours contre<br />

l’État italien (voir ci-dessus) déclaré admissible<br />

devant la CEDH.<br />

3. Le port d’Ancône<br />

Concernant les demandes de protection<br />

reçues et le nombre total des arrestations de<br />

migrants irréguliers à Ancône, on a vu qu’il y<br />

avait une diérence sensible entre les chires<br />

du CIR et ceux de la police des frontières. Il<br />

faut distinguer une première phase, que l’on<br />

peut dénir comme arbitraire, et une seconde,<br />

assurée par le CIR en l’absence des conditions<br />

requises pour l’accès à la demande de protection.<br />

Nous incluons les opérations de contrôle<br />

dans la première phase, car elles sortent de<br />

l’application de l’accord bilatéral Italie-Grèce<br />

selon lequel les « réadmissions » ont lieu sans<br />

les membres du CIR. On peut supposer, sur<br />

la base des données du CIR et des témoignages<br />

recueillis en Grèce (qui sont contestés par<br />

la police des frontières), et en tenant compte<br />

des « coûts » entraînés par l’accueil et de l’exigence<br />

du « chire », qu’il s’agit en grande partie<br />

d’expulsions visant des mineurs. On peut<br />

également supposer que la police ne juge pas<br />

nécessaire de faire intervenir le CIR, une fois<br />

que la demande de protection a été décrétée<br />

infondée, ou qu’il a été établi que la personne<br />

en situation irrégulière ne pourrait, en aucun<br />

cas, bénécier de ce droit.<br />

La seconde phase implique le recours au<br />

CIR. L’intervention du personnel du CIR,<br />

soumis à des horaires de bureau, et réquisitionné<br />

dans des cas exceptionnels, dépend aussi de<br />

la présence des traducteurs ociels. Il arrive<br />

donc que l’interrogatoire ne puisse pas avoir<br />

lieu, ou alors dans de mauvaises conditions,<br />

les traducteurs ne comprenant pas toujours<br />

parfaitement le dialecte de leur interlocuteur<br />

ou parlant des langues qui ne sont pas celles<br />

du pays d’origine de la personne interrogée.<br />

L’issue de l’interrogatoire (qui a lieu à bord<br />

des ferries, dans les salles prévues à cet eet)<br />

dépend de plusieurs paramètres : conditions<br />

de santé et dispositions d’esprit de la personne<br />

interpellée (fatigue, stress, peur), nombre<br />

de personnes à interroger (pour les groupes,<br />

les interrogatoires sont plus rapides et, dans<br />

le pire des cas, collectifs), temps disponible,<br />

comportement des forces de l’ordre présentes<br />

durant l’entretien. Tout cela ne garantit pas<br />

un examen objectif de la situation du migrant,<br />

de ses désirs, du motif du voyage etc. Si l’on<br />

ajoute la volonté de « démasquer » les faux<br />

demandeurs d’asile par des questions pièges,<br />

il est évident que l’interrogatoire devient en<br />

fait une procédure « abrégée » : d’abord pour<br />

évaluer rapidement la situation (par manque<br />

de personnel, en cas de situation exceptionnelle)<br />

; ensuite pour arriver à une décision<br />

sans laisser le temps à la personne interrogée<br />

de s’adapter et de donner des réponses argumentées,<br />

et sans l’informer de ses droits quant<br />

à une demande de protection.

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