Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Démantèlement de la<br />
jungle de Calais : une<br />
opération en trompe-l’œil<br />
« Nous démantèlerons la jungle » 1 , promettait<br />
en avril 2009 le ministre français de<br />
l’Immigration, peu de temps après sa prise<br />
de fonctions. Comme Nicolas Sarkozy l’avait<br />
fait sept ans auparavant en fermant le camp<br />
de Sangatte, Eric Besson veut faire passer<br />
pour de la gestion efficace le harcèlement,<br />
la précarisation et l’invisibilisation des exilés<br />
qui échouent dans le nord-ouest de la France<br />
après un long parcours migratoire. Pourtant,<br />
pas plus qu’après la fermeture de Sangatte, le<br />
phénomène n’a été enrayé par cette réponse<br />
policière à court terme. Revenant sur la situation<br />
de cette région française emblématique 2 ,<br />
<strong>Migreurop</strong> propose un décryptage de l’opération<br />
de « démantèlement de la jungle » réalisée<br />
par le gouvernement français à grands<br />
renforts de publicité à l’automne 2009, et un<br />
aperçu de ses conséquences, en s’appuyant<br />
notamment sur des entretiens réalisés auprès<br />
de migrants et d’acteurs locaux au début de<br />
l’année 2010, complétés par la couverture de<br />
l’événement par la presse.<br />
Le 22 septembre 2009, vers 7h30 du<br />
matin, plusieurs centaines de policiers ont<br />
encerclé les campements, pour la plupart<br />
installés près du port de Calais, appelés la<br />
1. La « jungle » est le nom donné dans le nord-ouest<br />
de la France aux lieux occupés temporairement par les<br />
migrants et exilés : il peut s’agir d’abris naturels, de locaux<br />
désaectés et squattés ou encore de campements, parfois<br />
en dur, généralement installés dans des sites à l’écart des<br />
agglomérations.<br />
2. Cf. « Calais et le nord de la France : zone d’errance,<br />
porte de l’Angleterre », dans le rapport Frontières assassines,<br />
2009.<br />
« jungle pashtoune », avant d’en déloger les<br />
migrants – pour la plupart des Afghans – et<br />
des militants qui étaient venus en soutien.<br />
L’évacuation a été suivie de l’intervention<br />
« de trois bulldozers, d’une dizaine de camions<br />
et d’une société de bûcheronnage pour rendre le<br />
terrain à son état naturel et ne plus permettre<br />
d’éventuelles réinstallations » 3 . La mobilisation<br />
des forces de l’ordre est impressionnante :<br />
la presse fait état de 500 CRS (compagnies<br />
républicaines de sécurité), policiers de la PAF<br />
(police de l’air et des frontières) et gendarmes<br />
mobiles 4 . Selon les sources officielles, 276<br />
personnes ont été arrêtées.<br />
Un contexte de harcèlement. L’opération<br />
du 22 septembre constitue un point d’orgue<br />
médiatisé dans un contexte latent de<br />
harcèlement contre les migrants de la région.<br />
A la même période, on a relevé de manière<br />
non exhaustive :<br />
En août 2009 :<br />
– destruction du « camp Hazara » et de plusieurs<br />
cabanes dans le camp palestinien de Calais.<br />
L’utilisation de chiens et de gaz lacrymogènes<br />
a été rapportée.<br />
En septembre, outre le démantèlement de la<br />
« jungle pashtoune » :<br />
– destruction du camp vietnamien d’Angre ;<br />
– arrestations de 33 personnes sur des aires<br />
d’autoroute de la région de Calais, et 11 autres<br />
près de Saint-Omer 5 ;<br />
3. « Calais : L’opération de démantèlement de la «jungle»<br />
commencera aujourd’hui à 7h30 », communiqué du<br />
ministère de l’Immigration, Paris, 22/09/2009.<br />
4. « La «jungle» de Calais évacuée et rasée », Ouest France,<br />
23/09/2009.<br />
5. « 200 personnes interpellées après une opération dans la<br />
«jungle» de Calais », Le Point, 21/04/2009.<br />
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