Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Ceuta, prison dorée<br />
Nous pouvons marcher librement dans la<br />
ville, nous pouvons manger tous les jours,<br />
mais nous ne pouvons aller ni en avant ni en<br />
arrière. Ceuta est comme une prison, c’est<br />
une prison dorée. B.S, Indien ; dans la forêt<br />
à Ceuta depuis 3 ans, il vit dans la peur d’être<br />
expulsé.<br />
Ceuta est située dans le nord du Maroc.<br />
Quatorze kilomètres séparent cette enclave<br />
espagnole de la péninsule ibérique. Elle n’est<br />
pas considérée comme dotée de frontières<br />
internes à l’espace Schengen, ce qui empêche<br />
les migrants qui y accèdent d’atteindre<br />
librement les autres régions d’Espagne. Le<br />
Maroc, d’après un accord de 1992, accepte<br />
de réadmettre sur son territoire les migrants<br />
qui y sont entrés de manière irrégulière.<br />
Ainsi, le durcissement des politiques migratoires<br />
européenne et espagnole a renforcé le<br />
contrôle à la frontière, limité les déplacements<br />
des migrants à l’intérieur du territoire espagnol,<br />
systématisé les méthodes basées sur la<br />
détention et l’expulsion, et donc généré une<br />
violence silencieuse et croissante, qui s’oppose<br />
frontalement aux droits et à la dignité des<br />
migrants.<br />
Pour la rédaction de ce rapport nous nous<br />
sommes appuyés sur les informations<br />
recueillies par les organisations Elín 1 , APDHA 2<br />
et CEAR 3 .<br />
1. Organisation non gouvernementale, qui travaille depuis<br />
1999 en faveur de la défense des droits des migrants, et<br />
plus spécialement des femmes et des enfants qui passent<br />
par Ceuta. En 2005, suite à la mort des migrants à la<br />
frontière de Ceuta et aux déportations de migrants dans<br />
le désert, elle a ouvert un bureau au Maroc et accompagne<br />
les familles réfugiées et les migrants subsahariens en transit<br />
dans ce pays.<br />
2. Asociación pro Derechos Humanos de Andalucia.<br />
3. Comisión Española de Ayuda al Refugiado.<br />
Une frontière<br />
assassine<br />
Le mois de septembre 2005 marque un<br />
point d’inexion dans l’histoire de l’immigration<br />
à la frontière de Ceuta. A cette date, une<br />
tentative désespérée de migrants d’origine<br />
subsaharienne qui étaient bloqués depuis des<br />
mois dans les montagnes frontalières en vue<br />
de sauter la barrière fut repoussée par les forces<br />
de sécurité marocaines et espagnoles, qui<br />
ouvrirent le feu sur les migrants et causèrent<br />
la mort de treize personnes selon les informations<br />
ocielles (en réalité sûrement plus).<br />
Conséquence de l’externalisation des<br />
frontières organisée par l’Union européenne<br />
(UE), ce drame fut suivi par la persécution<br />
des survivants sur le territoire marocain : des<br />
centaines de personnes d’origine subsaharienne<br />
furent emmenées menottées dans des bus,<br />
avec pour certaines la mort pour ultime destination.<br />
Ces déportations se poursuivirent les<br />
années suivantes 4 .<br />
Le changement le plus visible s’est produit<br />
à la frontière. A partir de 2005, le gouvernement<br />
espagnol a établi un contrôle frontalier<br />
24 heures sur 24, à l’aide de nombreux<br />
moyens technologiques (détecteurs de mouvements,<br />
caméras vidéos, caméras de vision<br />
nocturne, etc.). La barrière a été surélevée<br />
tout le long du périmètre frontalier terrestre ;<br />
un renforcement des eectifs a également été<br />
4. En 2007, Elín a récolté des témoignages sur les<br />
déportations dans le désert algérien de quelque quatre<br />
cents migrants subsahariens, surtout des réfugiés et des<br />
demandeurs d’asile. Le Comité René Cassin a porté<br />
plainte devant le tribunal de La Haye sur la base de ces<br />
témoignages.<br />
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