Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Mers ionienne et adriatique : retours forcés entre Italie et Grèce<br />
irrégulière que dans des cas exceptionnels,<br />
c’est en fait devenu la règle. À Igoumenitsa,<br />
selon le préfet cité, il y a eu en 2009 2 210<br />
arrestations suivies d’un ordre d’expulsion.<br />
Le système de transfert d’un lieu de détention<br />
à un autre s’inscrit dans une logique de<br />
contrôle et de dispersion de ces populations<br />
précaires. Quand les personnes sont arrêtées,<br />
elles se voient alors attribuer un statut de<br />
« non liberté » qui peut se prolonger jusqu’à la<br />
frontière gréco-turque.<br />
De nombreuses arrestations ont lieu dans<br />
les zones de regroupement, les refuges, sur la<br />
voie publique ou dans les gares. Les migrants<br />
en situation irrégulière arrêtés au moment où<br />
ils tentent de quitter le pays sont détenus dans<br />
la zone de transit de l’aéroport d’Athènes,<br />
dans des locaux des zones portuaires, voire<br />
des postes de police à Igoumenitsa et Patras<br />
pour ceux qui voulaient tenter la traversée<br />
par la mer. Un Algérien rencontré dans un<br />
des locaux de fortune installés dans les trains<br />
à Patras témoigne des conditions de détention<br />
à l’aéroport d’Athènes : « On m’a arrêté<br />
à l’aéroport. Pendant qu’on nous emmenait<br />
au lieu de détention, on nous a forcés à garder<br />
la tête baissée pour nous empêcher de<br />
regarder autour de nous et de reconnaître<br />
l’endroit. J’ai été enfermé au centre de l’aéroport<br />
pendant 13 jours, nous étions 30 dans<br />
environ 15 mètres carrés. Si tu pouvais payer<br />
(87 euros), tu partais, autrement tu restais là.<br />
Parmi nous il y avait aussi des mineurs de 15,<br />
16, 17 ans. »<br />
Les personnes qui tentent d’arriver en Italie<br />
sont arrêtées sous le motif qu’elles voyageaient<br />
avec de faux papiers, et elles peuvent<br />
être accusées d’avoir commis une infraction.<br />
La détention des mineurs et des femmes<br />
est rendue légitime et permet aux autorités<br />
de tenir un discours humanitaire, comme<br />
en témoigne cette explication donnée par<br />
un garde côtier sur les locaux de détention<br />
d’Igoumenitsa : « Ce n’est pas un centre de<br />
détention ni un centre d’accueil. Je ne sais pas<br />
bien ce que c’est. C’est un lieu où se trouvent<br />
des personnes, en attendant que les autorités<br />
statuent sur leur transfert. C’est un pavillon,<br />
les mineurs sont protégés ici. Nous avons mis<br />
des barreaux car autrement ils pourraient se<br />
jeter à la mer. Ce sont de jeunes enfants, ils<br />
n’ont pas conscience du danger... leurs mères<br />
sont indiérentes à leur sort. »<br />
Médecins sans frontières (MSF) dénonce<br />
dans un rapport les graves conditions d’enfermement<br />
à l’aéroport d’Athènes 15 . Les personnes<br />
arrêtées sous, sur ou dans les camions<br />
sont détenues de quelques heures à quelques<br />
jours, mais il peut aussi arriver qu’elles soient<br />
remises en liberté. En revanche les personnes<br />
expulsées d’Italie restent en détention,<br />
d’abord sur les bateaux, puis dans les lieux de<br />
rétention du port, pour être enn libérées ou<br />
transférées dans d’autres centres.<br />
La détention à Igoumenitsa s’effectue<br />
principalement dans la zone portuaire et au<br />
poste de police. Il arrive également que des<br />
personnes soient maintenues quelques heures<br />
ou quelques jours dans le bâtiment de la garde<br />
côtière. On a pu y voir des hommes et des<br />
femmes menottés, assis par terre dans l’entrée<br />
centrale près des bureaux, et des matelas qui<br />
avaient apparemment servi durant la nuit 16 .<br />
Dans la zone portuaire, deux cabanes qui de<br />
l’extérieur ressemblent à des cages servent de<br />
lieux de détention, l’une pour les mineurs,<br />
l’autre pour les femmes avec enfants. Les<br />
hommes sont placés dans deux petites cellules.<br />
Il n’y a pas d’équipement sanitaire, les<br />
locaux sont toujours surpeuplés et il peut y<br />
avoir jusqu’à soixante détenus 17 . Les person-<br />
15. Communiqué du 11/05/2010, www.msf.gr/index.<br />
php?option=com_content&task=view&id=2283&Itemi<br />
d=235<br />
16. Le jour de notre visite, un mineur afghan arrêté au port<br />
a été emmené menotté au bâtiment de la garde côtière, en<br />
vue de son transfert dans des locaux de détention du port,<br />
où il est resté quelques jours en attente de la décision de<br />
police, puis a été renvoyé à sa famille grâce à l’intervention<br />
de la société civile locale.<br />
17. Le jour de notre visite, se trouvaient dans les locaux de<br />
détention du port 9 mineurs, 20 femmes, 9 hommes dans<br />
la première cellule, 18 personnes dans l’autre.