Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Mers ionienne et adriatique : retours forcés entre Italie et Grèce<br />
de l’Europe), on peut en eet penser qu’elles<br />
ont été conçues pour circonscrire la zone de<br />
débarquement et empêcher ces étrangers de<br />
rejoindre la ville.<br />
Cette conception nous semble insusante.<br />
Le nombre de personnes interceptées dans<br />
la zone portuaire après le débarquement et les<br />
contrôles à quai, ou lors du franchissement de<br />
l’enceinte, est relativement minime. Nous ne<br />
disposons pas des chires relatifs à ces contrôles<br />
(éparpillés entre la police des frontières<br />
et les commissariats) mais ce phénomène ne<br />
semble pas être la préoccupation essentielle<br />
des forces de l’ordre. L’enceinte est plutôt un<br />
écran qui dissimule le travail de la police des<br />
frontières, de la brigade des finances et du<br />
CIR à la population et aux associations, en les<br />
connant dans des zones qui, bien que non<br />
extraterritoriales (comme les zones d’attente<br />
en France) relèvent de l’unique compétence<br />
des forces de l’ordre et ne sont accessibles<br />
qu’aux organismes qui (comme le CIR) ont<br />
négocié leur présence sur place avec les autorités.<br />
On crée ainsi les conditions d’une gestion<br />
discrétionnaire des opérations de contrôle.<br />
Les informations recueillies sur le système<br />
de contrôle mis en place à l’intérieur de la<br />
zone clôturée sont moins le fruit d’une observation<br />
directe que de diverses sources : données<br />
ocielles de la police des frontières et<br />
du CIR d’Ancône, presse locale et nationale,<br />
entretiens (en Grèce) avec des jeunes refoulés<br />
ou accueillis dans des structures pour demandeurs<br />
d’asile, conversations avec les riverains<br />
et les passagers des ferries.<br />
La structure du port d’Ancône montre<br />
une nette séparation entre les zones exclusivement<br />
commerciales (au nord et au sud),<br />
où sont débarqués les conteneurs, et la zone<br />
centrale (le port historique) où accostent les<br />
ferries et où se déroulent la majorité des opérations<br />
de contrôle. Les bureaux de la police<br />
des frontières et ceux du CIR se trouvent en<br />
face de cette zone centrale, dans un complexe<br />
multifonctionnel qui abrite aussi les bureaux<br />
de la capitainerie du port et des agences maritimes,<br />
restaurants et commerces. L’enceinte a<br />
été installée en contrebas de cette structure,<br />
de façon à la rendre accessible du côté de la<br />
ville. Au centre du complexe, une série de<br />
zones interdites au public et les bureaux (aux<br />
deux premiers étages) marquent la frontière<br />
qui délimite une zone accessible uniquement<br />
aux personnes « habilitées ».<br />
La zone d’accostage des ferries est divisée<br />
de façon à séparer les véhicules provenant de<br />
la zone Schengen (Patras, Igoumenitsa) par<br />
les compagnies Anek Lines, Minoan Lines<br />
et Superfast Ferries, de ceux qui arrivent de<br />
Croatie, d’Albanie, du Monténégro et, une<br />
fois par semaine en été, de Turquie (Cesme).<br />
Pour les véhicules en provenance de la zone<br />
Schengen, la police des frontières opère en<br />
contrebas des zones de débarquement. Elle<br />
procède à des contrôles par sondage sur les<br />
véhicules à l’arrivée et des perquisitions, aléatoires<br />
selon les représentants du CIR d’Ancône.<br />
Ces derniers nous ont rapporté le cas<br />
« exemplaire » d’un fourgon inspecté « par<br />
intuition » et « au hasard » ; un trou dans<br />
l’habitacle du conducteur permettait l’aération<br />
d’un espace de quelques mètres carrés où<br />
étaient cachées les personnes.<br />
Le recours à des technologies avancées<br />
n’est pas systématique : le scanner (Mobix),<br />
propriété des douanes qui interviennent<br />
après le premier contrôle à quai, n’est déplacé<br />
qu’occasionnellement dans la zone d’accostage<br />
des ferries. L’Avian, système de relevés de<br />
battements cardiaques qui peut inspecter un<br />
véhicule en 15 secondes, ne peut être utilisé<br />
du fait du taux élevé de pollution sonore de la<br />
zone portuaire (proximité du trac routier et<br />
d’une ligne de chemin de fer). La police des<br />
frontières semble procéder au « cas par cas »,<br />
et des contrôles approfondis ont ensuite lieu<br />
dans la zone douanière. Ce double système de<br />
contrôle, ainsi que la communication relativement<br />
rare entre les deux corps, peut expliquer<br />
les éventuelles incohérences sur le nombre de