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Migreurop - Fondation Jean-Jaurès

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elâche, depuis plus de dix ans, un peu d’humanité<br />

et du soutien matériel aux exilés. Mais<br />

l’amalgame, dans le discours des autorités,<br />

entre migrants et délinquance, et les menaces<br />

de poursuites pénales contre ceux qui apportent<br />

une aide désintéressée aux exilés 13 participent<br />

d’une criminalisation du phénomène, à<br />

laquelle contribuent largement les conditions<br />

dans lesquelles s’est déroulée l’opération du<br />

22 septembre, comparée par certains observateurs<br />

à une rae. Peu importe si, comme on<br />

va le voir, elle ne débouche sur aucune mise<br />

en examen : ce qui restera en mémoire, c’est<br />

l’arrestation massive de « clandestins » volontiers<br />

qualifiés de « trafiquants », forcément<br />

dangereux au vu des moyens utilisés.<br />

Faire croire<br />

Faire croire à l’opinion française que le<br />

« problème » des migrants du Calaisis pourrait<br />

être réglé ecacement par un coup de balai,<br />

tel est le troisième objectif du « démantèlement<br />

de la jungle ». Pourtant, si le but était de<br />

mettre n à des activités criminelles connues,<br />

l’opération aurait-elle été annoncée à grand<br />

bruit plusieurs semaines avant, permettant à<br />

ceux qui en avaient les moyens de quitter les<br />

lieux ? Pour ce militant associatif, les choses<br />

sont claires : « L’objectif de la communication<br />

était de les éloigner… ponctuellement. Moins<br />

d’un tiers des migrants étaient sur place lors du<br />

démantèlement. C’est vrai qu’il est plus dicile<br />

de gérer 900 personnes, de respecter les procédures<br />

pour autant de personnes ».<br />

Mais le message s’adresse aussi aux autorités<br />

britanniques, comme gage de la diligence<br />

française, à la suite de l’arrangement administratif<br />

signé entre les deux pays le 6 juillet<br />

2009, prévoyant leur engagement mutuel à<br />

« sécuriser » la frontière commune « an de la<br />

rendre imperméable à la circulation de biens et<br />

de personnes dans des conditions irrégulières » et<br />

13. La loi française punit « toute personne qui aura, par<br />

aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter<br />

l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un<br />

étranger » (art. L. 622-1 du Code de l’entrée et du séjour<br />

des étrangers).<br />

à réduire « la pression migratoire à la frontière<br />

commune et dans la région environnante » 14 . Et<br />

pourtant, « beaucoup sont passés [en Angleterre]<br />

la veille du démantèlement », dit une militante<br />

d’Angres, village à côté duquel s’est installée<br />

une « jungle » de Vietnamiens. « C’est comme<br />

si les vannes avaient été ouvertes », conrme un<br />

autre. Hélène Flautre partage la même analyse,<br />

pour qui « la destruction de la jungle a été un<br />

coup médiatique à l’attention de la Grande Bretagne.<br />

Il faut que les migrants continuent à passer,<br />

mais il faut aussi montrer que la France fait<br />

quelque chose. »<br />

III - Le mode<br />

opératoire :<br />

brutalité et<br />

tricheries<br />

La plupart des témoins présents ainsi que<br />

la presse évoquent la brutalité avec laquelle a<br />

été organisée l’opération du 22 septembre, à<br />

commencer, on l’a dit, par la mise en scène qui<br />

l’entourait : très nombreux hommes en uniforme,<br />

fourgons alignés attendant en bordure du<br />

camp, usage de la contrainte pour faire sortir<br />

les occupants (exilés et militants), intervention<br />

immédiate des bulldozers…<br />

Des militants venus de Lille aux côtés de<br />

migrants de la jungle témoignent :<br />

Nous avons tous des souvenirs en commun<br />

avec ces migrants, nous avions à ce moment<br />

à l’esprit les moments passés avec eux. Nous<br />

avions dans notre dos des gosses de quinze<br />

ou seize ans accrochés à nous, effrayés et en<br />

larmes, pendant que les policiers essayaient de<br />

nous désolidariser. (…) Nous avons formé une<br />

chaine humaine que les policiers ont rompue<br />

en nous tirant par les bras, les épaules, la<br />

tête, tout ce qu’ils pouvaient attraper. Rue<br />

89, 23/09/2009<br />

14. Arrangement administratif visant à sécuriser la<br />

frontière commune et à lutter contre l’immigration<br />

irrégulière, signé le 6 juillet 2009.<br />

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