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Migreurop - Fondation Jean-Jaurès

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Introduction<br />

Que sont devenus les migrants ?<br />

Abbiamo fermato l’invasione : « Nous avons<br />

stoppé l’invasion », se vantait en mars 2010<br />

une affiche de la Ligue du Nord avant les<br />

élections régionales en Italie. La presse pouvait<br />

se réjouir de voir « Lampedusa rendue<br />

aux pêcheurs », puisque le Centre d’identication<br />

et d’expulsion de cette île, qui avait vu<br />

débarquer plus de 30 000 « clandestins » en<br />

2008, et encore 1 220 en février 2009, était<br />

désormais vide depuis octobre. De son côté,<br />

le gouvernement italien claironnait que, face à<br />

l’immigration « clandestine », la fermeté nit<br />

par payer. Des autres îles du canal de Sicile à<br />

Malte, aux îles Canaries comme sur les côtes<br />

de l’Andalousie espagnole, même constat :<br />

nis les débarquements d’indésirables sur les<br />

côtes, du moins de ce côté-là de l’Europe. Et,<br />

à l’heure où <strong>Migreurop</strong> boucle son deuxième<br />

rapport annuel, on dit que même la Libye a<br />

fermé ses centres de détention – ces camps<br />

créés en hâte depuis quelques années à grands<br />

coups d’« aides » venues du nord de la Méditerranée.<br />

Que le lecteur lise ce rapport avec<br />

prudence car, en matière migratoire, les portes<br />

et les routes s’ouvrent et se ferment très vite,<br />

au gré des tractations entre Etats membres de<br />

l’Union européenne et entre ces derniers et les<br />

pays dits « tiers », en dépit des tendances lourdes<br />

que nous dénonçons ici.<br />

La Libye ? Parlons-en justement, puisqu’en<br />

été 2010, le sol italien où il fut reçu en grande<br />

pompe par son homologue Silvio Berlusconi<br />

aura donné à Mouammar Kadha l’occasion<br />

de rajouter, avec un rare cynisme, quelques<br />

provocations verbales. Et que précisément<br />

l’immigration était à l’ordre du jour. Ce fut<br />

le moment pour tous de se souvenir ou d’apprendre<br />

qu’en 2008, un « traité d’amitié »<br />

avait été signé entre les deux pays, stipulant<br />

entre autres que l’Italie investirait 250 mil-<br />

lions d’euros chaque année pendant 25 ans<br />

pour équiper la Libye – un marché vertigineux<br />

pour le capitalisme italien, peu subtilement<br />

déguisé en « dédommagement » des<br />

trente années de colonisation qui suivirent le<br />

débarquement des troupes italiennes à Tripoli<br />

en 1911. Un lon aussi pour la Libye, enn<br />

devenue partenaire privilégiée de l’Union et<br />

bénéciaire de ses largesses. En contrepartie,<br />

Kadha avait promis d’empêcher le départ de<br />

navires chargés de migrants vers l’Italie, ou au<br />

moins de récupérer leur cargaison humaine.<br />

Aujourd’hui plus encore qu’hier, Kadha<br />

se met en scène et met en scène les migrants.<br />

Ces migrants que l’on prétend disparus,<br />

mais qui n’ont jamais été si présents dans<br />

les phobies provoquées de toutes parts par<br />

les dirigeants des pays européens, et que le<br />

chef de la Libye a appris à bien connaître.<br />

A Rome, sous les sourires de son hôte (mais<br />

non du parlement ni des journaux italiens)<br />

sans craindre d’emboîter le pas à l’extrême<br />

droite la plus raciste, il a exigé que l’Union<br />

lui fournisse 5 milliards d’euros par an, faute<br />

de quoi « demain peut-être que l’Europe ne<br />

sera plus européenne et même noire car ils<br />

sont des millions à vouloir venir » d’Afrique.<br />

Chose « très dangereuse », ajoute-t-il, car<br />

« nous ne savons pas ce qui se passera, quelle<br />

sera la réaction des Européens blancs et chrétiens<br />

face à ce ux d’Africains aamés et non<br />

instruits ». Et l’ancien chantre du panafricanisme<br />

et des frontières ouvertes de conclure,<br />

reprenant à sa manière le slogan du président<br />

Sarkozy : la Libye étant « la porte d’entrée<br />

de l’immigration non souhaitée », il lui faut<br />

cet argent pour la « stopper sur les frontières<br />

libyennes ». Sur le coup, la Commission européenne<br />

n’a pas pipé mot, mais il n’est guère<br />

douteux que l’idée fera son chemin, tellement<br />

les Etats membres se sont rendus captifs de<br />

leur propre xénophobie en inculquant l’idée<br />

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