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Migreurop - Fondation Jean-Jaurès

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Démantèlement de la jungle de Calais : une opération en trompe-l’œil<br />

La méthode forte pour chasser les migrants<br />

n’est pas une nouveauté dans la région : les<br />

locaux désaectés qu’ils occupent sont régulièrement<br />

détruits par les autorités qui brûlent<br />

alors tout, documents personnels comme<br />

vêtements et couvertures récupérés dans les<br />

vestiaires associatifs. C’est la même chose<br />

dans les bois où ils se réfugient souvent : en<br />

cas d’intervention policière, les abris de fortune<br />

sont démontés et brûlés sans laisser le<br />

temps aux migrants de sauver leurs biens personnels,<br />

les laissant dans un dénuement total<br />

alors que la température, en période d’hiver,<br />

avoisine régulièrement zéro degré. En ville,<br />

la destruction des lieux d’occupation se fait<br />

parfois sans respect des procédures de démolition<br />

(désamiantage par exemple). L’objectif<br />

est de faire vite pour éviter toute nouvelle utilisation,<br />

poussant ainsi les migrants à se terrer<br />

toujours davantage, ce qui fait dire à Lily<br />

Boillet que « la migration remodèle de manière<br />

rapide le paysage urbain ».<br />

Mais ce sont surtout les multiples irrégularités<br />

commises par les pouvoirs publics qui<br />

caractérisent le démantèlement de la jungle de<br />

Calais. Certaines ont été mises à jour par les<br />

avocats et les magistrats, comme en témoigne<br />

le asco judiciaire par lequel s’est soldée l’opération<br />

policière : sur les 276 personnes arrêtées,<br />

parmi lesquelles 151 déclarées majeures, 22 ont<br />

été remises immédiatement en liberté une fois<br />

vériée leur situation administrative. Toutes les<br />

autres, qui ont été placées dans des centres de<br />

rétention administrative en vue de leur éloignement<br />

du territoire français, ont été libérées elles<br />

aussi dans les jours suivants : les juges ont considéré<br />

soit que la mesure de placement en rétention<br />

n’avait pas respecté les droits des migrants<br />

interpellés, soit que la mesure d’éloignement<br />

elle-même n’aurait pas dû être prise au regard<br />

de leur situation personnelle.<br />

La résistance des magistrats a fortement déplu<br />

au ministre de l’Immigration, qui y a lu à juste<br />

titre un désaveu de sa gestion. La riposte du<br />

gouvernement n’a pas tardé, puisqu’au mois de<br />

mars 2010 il a présenté un projet de réforme<br />

de la loi sur les étrangers qui prévoit, entre<br />

autres, de diminuer les garanties procédurales<br />

des étrangers interpellés et placés en rétention<br />

administrative en retardant l’intervention du<br />

juge et en réduisant son pouvoir de contrôle.<br />

Les observations des acteurs associatifs qui<br />

ont suivi les interpellations et la procédure<br />

mettent en lumière d’autres tricheries. Par<br />

exemple, que seuls les migrants de nationalité<br />

afghane semblaient « intéresser » les policiers<br />

au moment de la rae, ceux dont l’allure ou<br />

la langue faisaient présumer une autre origine<br />

étant écartés. Un tri à mettre en lien avec le<br />

projet – avorté – d’organiser, quelques jours<br />

après le 22 septembre, un « vol groupé »<br />

(autrement dit un charter) franco-britannique<br />

d’expulsés afghans vers Kaboul.<br />

Autre manœuvre des pouvoirs publics, la<br />

dispersion des personnes arrêtées dans plusieurs<br />

villes de France, parfois très éloignées,<br />

avec comme double conséquence : d’une part,<br />

de les priver, pendant les longues heures passées<br />

en autobus pour rejoindre leur destination,<br />

des droits reconnus par la loi aux étrangers<br />

retenus dès qu’ils sont privés de liberté<br />

(téléphoner à un avocat, une association<br />

ou un proche) ; d’autre part, d’aaiblir leur<br />

défense en disséminant les lieux de comparution,<br />

ce qui entravait l’organisation collective<br />

des avocats. Or cette dispersion, sciemment<br />

organisée, n’était en rien indispensable, puisque<br />

les centres de rétention à proximité de<br />

Calais n’étaient pas pleins, et qu’il était donc<br />

possible d’y placer les migrants interpellés.<br />

On pourrait encore citer le problème d’un<br />

interprétariat, décient, lacunaire ou encore<br />

suspect de subir l’inuence policière : comme<br />

dans ce cas où l’on a vu un interprète sortir<br />

de la salle d’interrogatoire au moment où des<br />

violences semblaient être exercées contre un<br />

migrant, puis y retourner comme si de rien<br />

n’était. Ou une curiosité apparue au moment<br />

des audiences judiciaires, où il s’est révélé<br />

que nombre de migrants ont été présentés<br />

devant le juge avec comme date de naissance

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