Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Jeu de ping-pong à la frontière Grèce-Turquie<br />
Deux nouveautés sont à signaler depuis<br />
2009 :<br />
– la logique des transferts 13 : auparavant,<br />
les migrants arrêtés dans les îles y restaient<br />
en détention jusqu’à ce qu’il leur soit délivré<br />
une ordonnance d’expulsion, appelée par eux<br />
« papier blanc », signiant qu’ils disposaient<br />
d’un délai de trente jours pour quitter la<br />
Grèce. Aujourd’hui les ordonnances d’expulsion<br />
ne sont plus délivrées par les centres de<br />
rétention sur les îles mais par Athènes, une<br />
fois que les personnes y sont transférées ;<br />
– le rôle de l’agence Frontex : dans le centre<br />
de Samos, un agent de Frontex travaille<br />
comme traducteur. Selon les témoignages<br />
du groupe de solidarité, il procèderait à un<br />
« tri » entre demandeurs d’asile potentiels et<br />
personnes considérées comme « expulsables ».<br />
A Chios, un article paru dans la presse locale<br />
raconte : « Deux représentants de Frontex se<br />
sont installés ces derniers jours au centre de<br />
Mersinidi. La raison de leur visite est d’analyser<br />
les informations données par des migrants<br />
en situation irrégulière lors de leur arrivée<br />
dans le pays ».<br />
Expulsions sélectives et<br />
réadmissions aléatoires<br />
Un nouvel accord bilatéral a été signé<br />
le 12 mai 2010 entre la Grèce et la Turquie<br />
pour le renvoi en Turquie des migrants irréguliers<br />
débarquant sur les côtes grecques. Il<br />
prévoit notamment l’« application ecace »<br />
d’un protocole de réadmission conclu il y a<br />
dix ans, qu’Athènes reprochait à Ankara de ne<br />
pas respecter. La Turquie devait désigner un<br />
port, Izmir ou un autre dans la région, « pour<br />
y ouvrir sous trois mois un poste-frontière qui<br />
sera utilisé pour la réadmission des immigrés<br />
illégaux », selon le ministère grec de la Protection<br />
du citoyen. La partie turque s’est enga-<br />
13. Voir la description précise de cette logique dans le<br />
chapitre sur la frontière adriatique Italie-Grèce.<br />
14. Journal Alhtheia (Chios), 31/03/2010.<br />
gée à accepter « au moins 1 000 demandes de<br />
réadmission par an ».<br />
Un accord a par ailleurs été signé entre<br />
la Grèce et la Bulgarie pour la coopération<br />
policière transfrontalière 15 . Les deux Etats ont<br />
également discuté de la possibilité de mettre<br />
en place un contrôle conjoint à tous les points<br />
de passage de leur frontière commune. 60<br />
personnes ont été transférées le 9 avril 2010<br />
de l’île de Samos vers un local de détention,<br />
apparemment en vue de leur expulsion.<br />
Nouvelles politiques et pratiques en<br />
Grèce<br />
A partir de l’été 2009, des raes policières<br />
se sont multipliées un peu partout en Grèce 16 ,<br />
surtout dans le centre d’Athènes et à Patras<br />
(où, en juillet 2009, le campement établi<br />
par des Afghans a été démoli). Pendant cette<br />
période, les déportations massives illégales<br />
vers la Turquie sont devenues une pratique<br />
courante, condamnée par plusieurs rapports<br />
d’organisations internationales .<br />
L’arrivée d’un nouveau gouvernement<br />
après les élections législatives du 4 octobre<br />
2009 a changé la situation. Les pratiques de<br />
ping-pong 18 existent toujours, mais les expulsions<br />
massives sont moins importantes. Un<br />
15. In. gr, 10/06/2010, http://news.in.gr/greece/<br />
article/?aid=1231048141<br />
16. Ce phénomène s’accompagne d’une montée de<br />
l’extrême droite en Grèce, avec l’émergence de groupes<br />
racistes nationalistes de plus en plus nombreux, qui<br />
procèdent à des attaques contre les migrants : violences et<br />
destruction des abris de fortune.<br />
17. Haut commissariat aux réfugiés, Observations on Greece<br />
as a country of asylum, december 2009, www.unhcr.org/<br />
refworld/pdd/4b4b3fc82.pdf. Pour plus d’informations<br />
sur les déportations illégales depuis la Grèce, voir les<br />
rapports : Norwegian Helsinki Committee (NHC),<br />
Norwegian organisation for asylum seekers (NOAS) ; Aitima<br />
(association grecque) : Out of the backdoor : the Dublin II<br />
regulation and illegal deportations from Greece.<br />
18. Par « pratique de ping-pong », nous entendons les<br />
refoulements depuis les frontières terrestres ou maritimes<br />
de personnes interceptées en territoire grec et renvoyées<br />
directement en territoire turc sans passer aucune procédure<br />
légale, puis éventuellement non admises en Turquie (cf.<br />
plus bas, témoignage).