Migreurop - Fondation Jean-Jaurès
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Mers ionienne et adriatique : retours forcés entre Italie et Grèce<br />
Jour. : Il est renvoyé ?<br />
Cir : Non… j’ai fait tout ce que j’ai pu, mais<br />
il répétait toujours maison, travail, maison,<br />
travail… il n’a jamais parlé de…<br />
Jour. : Alors la parole magique n’est pas<br />
sortie ?<br />
Cir (doucement) : Non…<br />
4. Le retour forcé en<br />
Grèce<br />
Concernant les éloignements dans cette<br />
zone, on peut distinguer trois procédures :<br />
– refoulement d’Italie ou de la mer Adriatique<br />
vers les ports grecs ;<br />
– renvoi vers la Grèce dans le cadre du<br />
règlement Dublin II ;<br />
– transfert d’un centre de détention à un<br />
autre.<br />
Le vocabulaire est trompeur : la plupart<br />
des demandeurs d’asile ont fait l’expérience<br />
de ce que les autorités italiennes appellent les<br />
« réadmissions », eectuées en application de<br />
l’accord Grèce-Italie, et dont les eets sont<br />
les mêmes que ceux des renvois en application<br />
de Dublin II.<br />
Un grand nombre de réadmissions surviennent<br />
en dehors de tout contexte légal<br />
; elles concernent des personnes arrêtées à<br />
l’extérieur des zones portuaires italiennes, ou<br />
en mer durant le voyage, et qui sont empêchées<br />
de déposer une demande d’asile une<br />
fois sur le sol italien. Selon le préfet de police<br />
d’Igoumenitsa, 10 à 40 personnes sont réadmises<br />
chaque jour à partir de l’Italie. Le préfet<br />
de Patras arme que, depuis novembre<br />
2009, le nombre d’expulsés a diminué.<br />
Nous avons-nous-mêmes observé qu’un<br />
grand nombre de personnes détenues dans<br />
des locaux de détention à Igoumenitsa<br />
avaient été réadmises, tout comme la plupart<br />
de celles que nous avons rencontrés<br />
dans les squats d’Igoumenitsa et de Patras.<br />
« J’ai été envoyé à Athènes en application du<br />
règlement Dublin II. J’étais si désespéré que<br />
je ne suis pas sorti pendant un mois. Une<br />
fois à Igoumenitsa, pendant les 50 premiers<br />
jours j’ai réussi à arriver en Italie six fois, et<br />
à chaque fois j’ai été renvoyé vers la Grèce.<br />
J’ai perdu l’espoir, et à ce moment-là on m’a<br />
demandé si je voulais rester ici et travailler.<br />
J’ai accepté et j’ai commencé un travail dans<br />
le commerce » 10 .<br />
L’errance en Europe des migrants est<br />
due en partie au règlement Dublin II, outil<br />
essentiel pour limiter la « porosité » des frontières<br />
internes de l’Europe.<br />
La Grèce, pays par lequel les migrants<br />
arrivent en Europe, reçoit un grand nombre<br />
de « dublinés ». C’est aussi un pays où<br />
le règlement Dublin II peut maintenant être<br />
modié par une loi. Les accords de réadmission<br />
négociés avec les pays tiers permettent<br />
de marginaliser l’importance des expulsions<br />
prévues par Dublin II, cela d’autant plus que<br />
l’externalisation du contrôle aux frontières<br />
européennes hors de l’UE diminue la pression<br />
sur les pays européens atteints en premier.<br />
Près de la moitié des personnes rencontrées<br />
à Igoumenitsa et Patras ont été victimes<br />
de Dublin II, au point qu’on pourrait baptiser<br />
le parc proche du port de Patras « parc des<br />
dublinés ». Y séjournaient lors de notre visite<br />
une vingtaine d’Africains, beaucoup d’autres<br />
y passaient. Toutes les personnes rencontrées<br />
là ont été expulsées vers la Grèce depuis la<br />
Norvège, l’Allemagne, la France, l’Angleterre,<br />
l’Autriche, et avaient déjà un « papier<br />
rose » valide ou périmé. « Je suis arrivé en<br />
Grèce, à Pagani, et j’ai été enregistré comme<br />
afghan de 25 ans, alors que je suis un kurde<br />
iranien de 16 ans. Je suis arrivé en Angleterre,<br />
où je suis resté deux ans jusqu’à mon<br />
transfert à Pagani à l’âge de 18 ans. J’avais<br />
tout en Angleterre, j’allais à l’école, j’avais<br />
une fiancée, tout. » Il regarde le drapeau<br />
anglais et dit : « Quelle belle image ! » 11<br />
10. Kurde irakien, Igoumenitsa, février 2010.<br />
11. Kurde iranien, Igoumenitsa, février 2010.