Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 109<br />
pratiquement terminée vers la trentaine au plus tard. Il est encore évident que les<br />
progrès de la médecine ont d'abord profité aux éléments les plus instruits de la<br />
population. À la Martinique, le groupe blanc, que j'estimais aux alentours de 3 000<br />
seulement au lendemain de la catastrophe de Saint-Pierre en 1902, s'est mis à<br />
proliférer à toute allure pour réparer ses pertes et il en résulte un problème social<br />
qui n'est pas tellement facile à résoudre. En un certain sens, qu'il ne faudrait pas<br />
dénaturer, la catastrophe de Saint-Pierre, qui a fait disparaître plus de la moitié <strong>des</strong><br />
Blancs alors existant à la Martinique, a servi les intérêts de ceux qui restaient. Ils<br />
ont pu occuper toutes les places importantes de l'industrie et du commerce. Mais<br />
ces survivants ont eu de nombreux enfants. Le moment est désormais arrivé où l'on<br />
ne peut plus trouver à la marmaille qui grandit de places honorables dans la société<br />
locale. On a casé un certain nombre de jeunes, certes, dans la Métropole où ils sont<br />
courtiers en rhum ou en bananes, commissionnaires ou représentants de telle ou<br />
telle usine : ce ne sont que <strong>des</strong> palliatifs.<br />
La situation est moins tendue et quelque peu différente à la Guadeloupe où la<br />
vieille aristocratie blanche a disparu depuis la grande Révolution et Victor Hugues.<br />
La population, cependant, est constituée pour son immense majorité dans l'une<br />
et l'autre île par <strong>des</strong> gens de couleur. Au total cependant la Martinique, pour de<br />
multiples raisons, est – comment dirai-je ? – moins noire que la Guadeloupe,<br />
encore que l'on rencontre aussi bien à Pointe-à-Pitre ou Basse-Terre qu'à Fort-de-<br />
France toutes les nuances sans exception de l'arc-en-ciel et parfois même chez les<br />
enfants du même père et de la même mère.<br />
Je n'ai encore pu débrouiller le problème de la mortalité. Si l'on s'en tenait aux<br />
statistiques officielles, on atteindrait <strong>des</strong> taux particulièrement bas pour un pays<br />
tropical, de l'ordre de 16 p. 1000 en moyenne. Mais, d'autre part, j'ai tenu à<br />
consulter moi-même beaucoup <strong>des</strong> registres d'actes de décès <strong>des</strong> dernières années.<br />
En additionnant le nombre d'années, de mois et de jours vécus par les individus<br />
ainsi recensés, j'arrive à une moyenne de vie inférieure à quarante ans, ce qui, pour<br />
une population stationnaire, correspond à un taux de mortalité supérieur à 25 p.<br />
1000. Pour que le taux apparent <strong>des</strong>cende dans ces conditions à 16 p. 1000, il<br />
faudrait une augmentation rapide et quasi foudroyante de la population. En fait,<br />
sans pouvoir donner de chiffres exacts – il y faudrait un certain nombre d'années<br />
de recherches minutieuses –, je crois qu'on peut chercher une solution approchée.<br />
Il est absolument certain que le nombre <strong>des</strong> décès donné dans les statistiques<br />
récapitulatives est de beaucoup inférieur à la réalité. Je ne rappellerai ici qu'un ou<br />
deux faits, dont j'ai d'ailleurs été le témoin amusé. J'ai fréquenté plus d'un individu<br />
dont on ne connaissait que le surnom plus ou moins pittoresque, qui est décédé<br />
comme tel, tout en continuant, pour l'état-civil, une survie théorique lui permettant<br />
de remplir son devoir d'électeur jusqu'au delà de 120 ans, toujours évidemment<br />
pour la bonne cause. <strong>Les</strong> décès d'enfants en bas âge sont fréquemment omis. Il est<br />
enfin très certain que, lorsqu'il y a un hôpital dans une commune, les décès<br />
d'étrangers à la dite commune n'ont pas été compris la plupart du temps dans les