Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 135<br />
Porto Rico possède les kolkhozes peut-être les plus parfaits du monde, encore que<br />
dénués de toute valeur politiquement exemplaire. L'opposition avec les Russes –<br />
on était loin de Yalta et <strong>des</strong> entretiens où Staline et le Président Roosevelt<br />
communiaient ensemble dans le même anticolonialisme – poussait à la<br />
conciliation.<br />
Il semble donc assez probable – le cas de guerre mondiale excepté, il faut le<br />
redire – que l'Amérique du Nord laissera se développer naturellement l'évolution<br />
du monde caraïbe. Et cette évolution suppose a priori une grande variété<br />
maintenue de gouvernement à gouvernement et même d'île à île. Je ne vois pas, à<br />
la vérité, dans ce cas, de confédération immédiate entre toutes les îles ou tout au<br />
moins d'entente politique unitaire.<br />
Il est certain cependant que les relations créées par la Commission Caraïbe et<br />
les autres organismes internationaux de la région tendent à dégager un esprit<br />
commun, <strong>des</strong> réactions communes vis-à-vis de certains problèmes d'ailleurs<br />
surtout économiques. Il y a également une sérieuse différence entre les<br />
fonctionnaires coloniaux que j'ai connus il y a vingt-cinq ans et leurs successeurs<br />
d'aujourd'hui. Non que les premiers apparaissent en quoi que ce soit inférieurs, loin<br />
de là. Mais le gouverneur, les chefs de service dépendaient de la seule Métropole<br />
et n'avaient de comptes à rendre qu'à elle seule. Il fallait <strong>des</strong> circonstances<br />
exceptionnelles pour qu'une conférence réunît les gouverneurs d'îles voisines, mais<br />
de nationalités différentes : la collaboration n'était pas totalement inexistante, mais<br />
fort médiocre.<br />
De ce côté, indiscutablement, un grand changement s'est accompli. <strong>Les</strong><br />
fonctionnaires <strong>des</strong> différents services sont appelés en mission dans toutes les<br />
<strong>Antilles</strong>, en Amérique Centrale et parfois même en Amérique du Sud. On compare<br />
ce qui se fait d'île à île. On étudie l'œuvre de l'UNESCO à Haïti. On participe plus<br />
ou moins à toutes les étu<strong>des</strong> engagées sur la région. Aussi l'influence du voisinage<br />
se fait-elle sentir avec une lourdeur toujours accrue et qu'on peut symboliser dans<br />
l'action bruyante et insistante de certaines sectes comme les Adventistes du<br />
Septième Jour.<br />
Il est un point encore que je voudrais souligner : dans la mesure même où un<br />
début d'unification est en train de se produire dans le monde caraïbe, il n'est pas<br />
indifférent que les vieilles suzerainetés se maintiennent de manière au moins<br />
nominale, comme chez les Anglais par exemple. On s'est efforcé de montrer au<br />
passage la part vraiment éminente que la langue française avait occupée dans cette<br />
région. Elle ne s'est maintenue de manière efficace que dans les départements<br />
antillais et dans la République indépendante d'Haïti. Partout ailleurs, elle a dû<br />
céder la place, plus ou moins rapidement, à la langue du pays de domination. Et<br />
pourtant, sans la France, sans l'apport que nous avons donné, les Isles n'auraient<br />
pas exactement leur tonalité d'aujourd'hui.