Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 125<br />
J'ai cependant l'impression qu'elles ne demanderaient qu'à marcher sur les traces de<br />
leurs aînées si on voulait bien les laisser faire. Il est encore trop tôt pour porter un<br />
jugement en l'espèce. Porto Rico est soigneusement encadrée par l'autorité<br />
américaine qui ne rit pas avec ce genre de fumisterie.<br />
Un trait encore plus universel est l'amour de la musique et de la danse. Le<br />
Carnaval antillais, d'un bout à l'autre de l'archipel, n'a pas volé sa réputation. Il<br />
s'accommode fort bien <strong>des</strong> solennités de l'Église. Il commence, en principe, dès le<br />
dimanche <strong>des</strong> Rois pour ne se terminer qu'au mercredi <strong>des</strong> cendres. C'est la période<br />
où l'on danse. Il y a <strong>des</strong> bals tous les soirs ou presque. On peut laisser de côté ceux<br />
qui ont un caractère officiel et où l'on apparaît en smoking noir pour les hommes,<br />
en robe de soirée pour les dames. Encore qu'après la médianoche et l'absorption de<br />
quelques coupes de champagne l'allure compassée du début fait souvent place à<br />
une ardeur de plus en plus effrénée. Et l'on rentre alors à l'aube harassé et content.<br />
On donne génériquement le nom de bal doudou, dans les pays de langue française,<br />
aux bals <strong>des</strong> dancings. On s'y rend souvent en travesti, le masque le plus<br />
impénétrable que puissent mettre les dames étant incontestablement un bas de soie<br />
très fine sur la figure. N'insistons pas sur les rencontres pittoresques qui peuvent<br />
ainsi se faire. Mais il est encore plus intéressant de se rendre dans les campagnes<br />
où l'on danse partout autour <strong>des</strong> cases à l'accompagnement <strong>des</strong> chachas (il s'agit<br />
d'une caisse ou d'un récipient de tôle à l'intérieur duquel on a introduit <strong>des</strong> corps<br />
durs et que l'on agite en cadence), dont le sourd tam-tam fait résonner au loin la<br />
nuit tropicale. Il n'est pas difficile alors de se croire en pleine Afrique, loin du<br />
monde dit civilisé et de ses atours.<br />
Si l'on regarde de plus près, on s'aperçoit qu'un certain nombre de danses<br />
viennent d'Europe ou se rapportent aux occupations traditionnelles du pays. Mais il<br />
en est aussi dont l'origine africaine est incontestable. La danse Mayombé n'est<br />
guère pratiquée que dans les mornes reculés. Le Damier et le Laghia de la Mort<br />
simulent <strong>des</strong> combats qui deviennent parfois réels et peuvent se terminer par morts<br />
d'hommes, au son de plus en plus enfiévré <strong>des</strong> tam-tam.<br />
L'apport chrétien se caractérise par les nombreuses apparitions du Diable, tout<br />
de rouge vêtu, qui porte à l'ordinaire, dans la tradition <strong>des</strong> îles, un énorme masque<br />
en peau de chèvre, orné de dix paires de cornes de bœufs. Et les processions de<br />
masques plus ou moins extravagants sont une <strong>des</strong> gran<strong>des</strong> réjouissances de Portau-Prince.<br />
Dans les nombreuses <strong>Antilles</strong> où le catholicisme domine, cela se<br />
termine le mercredi <strong>des</strong> Cendres par le cortège <strong>des</strong> guiablesses qui portent un<br />
costume mi-parti de noir et de blanc avec le visage saupoudré de farine et une<br />
serviette en guise de coiffure. Ces guiablesses, parmi lesquelles on trouverait pas<br />
mal d'hommes déguisés, aspergent de farine tous ceux qu'elles rencontrent.<br />
Signalons encore parmi les usages les plus répandus ceux qui accompagnent la<br />
mort. Lorsque quelqu'un est décédé, tout le quartier vient pour la veillée qui se<br />
passe à l'ordinaire en dehors de la case si le temps le permet et où les conteurs les