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Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC

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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 40<br />

On voit passer de temps à autre, sur ce qu'on appelle les routes, <strong>des</strong> autocars ou<br />

plus exactement <strong>des</strong> camions couverts munis de banquettes à l'intérieur. Ils sont<br />

toujours largement surchargés. Mais la grande majorité <strong>des</strong> Haïtiens n'a pas les<br />

moyens de payer le transport. Quand ils veulent « <strong>des</strong>cendre » à la ville, il leur faut<br />

« prendre son pied la route », suivant l'expression consacrée. On marche pieds nus.<br />

Mais à proximité de Port-au-Prince, en vertu d'un ukase qu'on n'a pas encore eu le<br />

temps d'oublier, il faut mettre ses chaussures jusqu'alors portées sur les épaules ou<br />

autour du cou. J'avoue avoir éprouvé le plus grand plaisir à suivre quelques-unes<br />

de ces ban<strong>des</strong> joyeuses qui n'hésitent pas à faire 15, 20 ou 30 km aussi bien de jour<br />

que de nuit pour aller au marché voisin dont l'approche est ainsi annoncée, même<br />

en pleine campagne, par la longue file <strong>des</strong> chalands ou vendeurs éventuels. Et cela<br />

se passe le plus simplement du monde. On s'arrête aux carrefours pour installer un<br />

éventaire improvisé ou faire un brin de causette avec le « compère » ou la<br />

« commère » sur le pas de sa case. <strong>Les</strong> plus riches trônent sur un bourricot entre<br />

deux énormes « poches » chargées du plus hétéroclite matériel. Et tout cela crie,<br />

jacasse, chante et s'amuse. Non, en vérité, quels que soient les critères auxquels on<br />

veut se référer, une telle population est peut-être pauvre, elle ne se sent pas<br />

misérable et c'est cela au fond qui importe. Haïti est libre, Haïti voit sa population<br />

augmenter. Il y a sans doute, à l'heure actuelle, plus de 3 millions d'habitants sur<br />

un territoire qui n'atteint pas 30 000 km 2 . <strong>Les</strong> problèmes de mise en valeur se<br />

posent donc avec une acuité grandissante. Mais il reste encore beaucoup de<br />

possibilités. On peut lutter contre l'érosion. Il y a de grands travaux à accomplir.<br />

La pêche et l'industrie demeurent dans l'enfance. L'avenir, de quelque côté qu'on se<br />

tourne, n'est pas bouché.<br />

Je ne parlerai ni de l'Élite, qui vit largement et dans laquelle se recrute à peu<br />

près tout le personnel politique, ni <strong>des</strong> travaux publics soumis aux incessantes<br />

variations du jeu local, mais qui transforment peu à peu le pays, grâce, il est vrai,<br />

pour une large part, aux crédits qui peuvent venir d'Amérique. Le tourisme est très<br />

remarquablement équipé déjà et procure de substantiels revenus. Dans l'ensemble,<br />

au cours de la dernière décade, les exportations tendent à l'emporter sur les<br />

importations. Elles ont atteint 192 399 641 gour<strong>des</strong> en 1949-1950, contre<br />

182 004 620 aux importations. La place <strong>des</strong> États-Unis est à beaucoup près la<br />

première. Ils fournissent 137 853 624 gour<strong>des</strong> de marchandises. La part de la<br />

France n'est que de 2 467 373 gour<strong>des</strong>, ce qui la met au septième rang <strong>des</strong><br />

fournisseurs. Nous achetons un peu moins d'un million de gour<strong>des</strong> aux Haïtiens.<br />

Mais on peut espérer que les négociations qui viennent de se terminer<br />

heureusement augmenteront notre part dans <strong>des</strong> proportions relativement<br />

considérables.<br />

Je voudrais souligner un dernier trait. Haïti renferme une société noire qui<br />

depuis un siècle et demi évolue librement et suivant ses normes propres. Il en est<br />

résulté une magnifique et extraordinaire reviviscence <strong>des</strong> cultes d'origine africaine<br />

qui se syncrétisent aujourd'hui dans le Vaudou. Je me rallie sans difficulté à la<br />

définition qu'en donne M. Métraux : une religion populaire née du syncrétisme

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