Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 19<br />
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III. – LA VÉGÉTATION<br />
La végétation dépend évidemment de tous ces facteurs. Elle est extrêmement<br />
variable d'un bout à l'autre de l'arc <strong>des</strong> <strong>Antilles</strong> et même dans chaque île en<br />
particulier. J'avoue ma joie d'avoir retrouvé en 1951 à Kenskoff et à Fursy, à une<br />
demi-heure de Port-au-Prince, mais à 1 500 m d'altitude, <strong>des</strong> pins analogues à ceux<br />
d'Europe, <strong>des</strong> fraises <strong>des</strong> bois, <strong>des</strong> fougères non arborescentes et <strong>des</strong> jardins<br />
semblables aux nôtres. En revanche, je ne connais rien de plus extraordinaire<br />
comme bosquet, si j'ose dire, de « cierges » ou de « raquettes » arborescentes que<br />
les alentours de l'Étang Saumâtre ou certains coins de la côte occidentale près de<br />
Port-au-Prince. À cela s'opposent les forêts encore presque vierges du secteur<br />
central de la Basse-Terre à la Guadeloupe, celles aussi de Trinidad, dont les fûts<br />
droits et réguliers annoncent déjà les Guyanes toutes proches. On passe en<br />
quelques kilomètres de la silve pseudo-équatoriale à la steppe à cactus.... Dans<br />
l'ensemble cependant, les <strong>Antilles</strong> ont été un pont entre l'Amérique du Nord et<br />
l'Amérique du Sud, par où se sont en fin de compte opérés plus d'échanges que par<br />
le continent proprement dit, le point de rencontre, entre les influences parties <strong>des</strong><br />
deux Amériques se trouvant aux alentours de la Dominique ou peut-être même de<br />
la Guadeloupe. Un autre trait que la structure insulaire suffit largement à<br />
expliquer : l'endémisme est remarquablement développé.<br />
Mais pratiquement la flore originelle a été profondément transformée. Un bon<br />
tiers <strong>des</strong> plantes actuellement existantes doit son importation volontaire ou non aux<br />
Européens arrivés depuis trois siècles. L'exemple que je cite toujours, parce qu'il<br />
m'amuse, est celui du Leonurus Siberieus, dont M. Stehlé montra jadis qu'il s'était<br />
naturalisé on ne sait trop comment aux <strong>Antilles</strong> où il entre maintenant dans la<br />
composition <strong>des</strong> remè<strong>des</strong> sous le nom d'« herbe à Madame Lalie ». Mais on peut<br />
dater avec une précision absolue l'arrivée de quelques-uns <strong>des</strong> éléments principaux<br />
de cette flore. <strong>Les</strong> cocotiers sont apparus au milieu du XVII e , siècle, les bananiers<br />
ont été importés pour la première fois de la Grande Canarie à Saint-Domingue en<br />
1516 par le P. Tomas de Berlanga. Aucun agrume n'existait dans le Nouveau<br />
Monde avant l'arrivée <strong>des</strong> Européens, encore que l'introduction de leurs principales<br />
espèces date <strong>des</strong> tout premiers temps de la colonisation. L'arbre à pain, si précieux<br />
qu'en maintes circonstances les paysans antillais se sont refusés à en arracher les<br />
rejetons, même dans <strong>des</strong> champs de cannes, a été apporté de Tahiti par le capitaine<br />
Bligh en 1793. C'est à peu près à la même époque que fut introduit le manguier. Il<br />
m'a quelque peu amusé de retrouver dans le petit livre de M. Pouquet sur les<br />
<strong>Antilles</strong> françaises la vieille discussion sur le café ou plutôt l'exposé très succinct<br />
<strong>des</strong> deux thèses qui s'opposent à ce sujet. Je crois pour ma part que la réponse faite<br />
par le P. Rennard au livre de Chevalier et Dagron (Recherches historiques sur les<br />
débuts de la culture du caféier en Amérique) doit être considérée comme décisive.<br />
La lettre en effet de l'intendant de Ranché, datée du 5 mai 1749, s'exprime ainsi :