Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 110<br />
totaux récapitulatifs, tandis que la commune d'origine ne les accepte pas<br />
davantage, puisqu'il s'agit de personnes qui ne sont pas mortes sur son territoire.<br />
Je crois néanmoins que les améliorations sanitaires considérables réalisées ces<br />
dernières années sous la direction <strong>des</strong> Instituts Pasteur commencent à porter leurs<br />
fruits. Le paludisme apparaît en régression extrêmement nette à la Martinique et il<br />
se peut que ce soit une conséquence imprévue, mais heureuse, de la construction<br />
enfin terminée de l'aérodrome du Lamentin aux dépens d'une région marécageuse<br />
et infestée de moustiques. On lutte efficacement contre la tuberculose, la syphilis<br />
et la lèpre. Il reste l'alcoolisme qui fait de larges ravages. La consommation<br />
annuelle de rhum (d'après seulement les droits payés, et l'on peut être certain que le<br />
chiffre obtenu de la sorte reste en deçà de la vérité) dépasse 6 millions de 1. à la<br />
Martinique et n'est guère plus faible à la Guadeloupe. Je sais bien que le vin et les<br />
autres boissons de table ne jouent qu'un rôle tout à fait secondaire. Il n'en résulte<br />
pas moins, pour un adulte normalement constitué, une importante consommation<br />
d'alcool qui peut être en grande partie « brûlé » par les gens de la campagne, mais<br />
dont les effets sont particulièrement nocifs sur tous ceux qui mènent une existence<br />
sédentaire. Et comme le punch glacé, bu en apéritif avec un zeste de citron vert et<br />
un doigt de sirop de sucre parfumé, est une chose délicieuse, et qui paraît douce,<br />
on a quelque peu tendance à en abuser. <strong>Les</strong> Martiniquais et Guadeloupéens, nés<br />
malins, soignent particulièrement leurs hôtes de passage et je puis affirmer qu'il<br />
vaut la peine de voir se réembarquer les touristes américains en escale d'un jour à<br />
Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre. La ligne droite apparaît alors comme un mythe<br />
purement conventionnel et hors, en tout cas, <strong>des</strong> possibilités d'un honnête homme<br />
qui a eu soif.<br />
En me fondant sur de telles considérations, quelque peu extra- officielles,<br />
j'admets en fin de compte que Martinique et Guadeloupe sont parties plus tard que<br />
leurs voisines anglaises ou américaines dans cette course à l'augmentation rapide<br />
de leur population, mais que le démarrage est maintenant accompli depuis la fin<br />
<strong>des</strong> hostilités, sur un rythme encore assez lent, mais qui peut s'accélérer<br />
rapidement. En gros, j'admets que le chiffre réel <strong>des</strong> décès tant à la Guadeloupe<br />
qu'à la Martinique est de l'ordre de 4 000 à 5 000 par an, contre 8 000 pour les<br />
naissances. Cela correspondrait à une augmentation annuelle d'environ 3 000<br />
individus et à un doublement effectif en quelque cinquante ans. D'où très<br />
évidemment le problème qui se pose et qui est général au monde caraïbe :<br />
comment occuper cette jeunesse qui monte et qui va justement réclamer sa part au<br />
soleil ?<br />
Or il n'y a pas de doute qu'à cet égard la situation est délicate aux <strong>Antilles</strong><br />
françaises, encore qu'assez différente à la Guadeloupe et à la Martinique. Jusqu'ici,<br />
tout au moins, les ressources essentielles <strong>des</strong> îles françaises ont été tirées de<br />
l'agriculture ou de la transformation de produits agricoles. <strong>Les</strong> recherches de<br />
pétrole n'ont pas encore abouti. Le problème est donc de savoir si Martinique et<br />
Guadeloupe peuvent continuer à nourrir une population sans cesse croissante et